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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 10 juin 1998, n° 96-16393

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Happy Rain (Sté), Happy Rain (SARL)

Défendeur :

Piganiol et Compagnie (SNC), Piganiol Diffusion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

Me Olivier, SCP Barrier Monin

Avocats :

Mes Labarthe, Casalonga.

T. com. Paris, 20e ch., du 15 mai 1996

15 mai 1996

FAITS ET PROCEDURE

La société Happy Rain Wurflingsdobler GmbH ci-après dénommée la société Happy Rain GmbH est titulaire d'une série de 46 dessins et modèles déposée à l'Office Mondial de la Propriété Industrielle sous le n° DM/028 047 le 3 décembre 1993 sous priorité d'un dépôt en Allemagne du 10 novembre 1993 enregistré sous les n° M 93 08931.7, M 93 08 933.3 et M 93 08934.1. désignant le Bénélux, la France, l'Italie et la Suisse et portant sur des parapluies désignés dans la classe 3-03.

Le dépôt a été publié le 28 février 1994 au Bulletin des dessins et modèles internationaux.

Parmi ces dessins figure sous la photographie n° 13 la représentation d'une série de deux hippopotames assis côté à côté, appuyés l'un contre l'autre ou se tenant par les épaules, et ayant pour certains, devant eux deux verres.

La société Happy Rain GmbH estimant que la société Piganiol portait atteinte à ses droits a fait procéder le 6 mai 1994 dans les locaux de la société AS Cuir à Paris à une tentative de saisie-contrefaçon qui a permis d'établir que le catalogue Piganiol 94/1 reproduisait le dessin litigieux.

Par acte du 16 mai 1994, elle a assigné la société Piganiol et Cie SNC devant le Tribunal de commerce de Paris en contrefaçon de dessin et en concurrence déloyale et parasitaire afin d'obtenir, notamment sa condamnation à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour chacune des infractions qu'elle lui reproche, et celle de 25 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La société Happy Rain SARL intervenue volontairement à l'instance a sollicité la condamnation de la société Piganiol et Cie SNC à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale qui ont été commis à son encontre.

Les sociétés demanderesses ont le 18 octobre 1995 assigné en intervention forcée la société Piganiol Diffusion SA pour qu'elle soit condamnée in solidum avec la société Piganiol et Cie SNC.

Par jugement du 15 mai 1996, le tribunal saisi a :

- donné acte à la SARL Happy Rain de son intervention volontaire,

- dit que la société Happy Rain Wurflingsdobler GmbH recevable en son action à l'encontre de la SNC Piganiol et Cie et de la société Piganiol Diffusion SA,

- dit que la société SARL Happy Rain recevable en son action à l'encontre des sociétés Piganiol uniquement du chef de la concurrence déloyale,

- dit que les sociétés Piganiol ne se sont pas rendues coupables de faits de contrefaçon au détriment de la société Happy Rain Wurflingsdobler GmbH,

- dit que les sociétés Piganiol ne se sont rendues coupables de faits de concurrence déloyale au détriment des sociétés Happy Rain Wurflingsdobler GmbH et Happy Rain SARL,

- débouté les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA de leurs demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et à application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Happy Rain Wurflingsdobler et SARL Happy Rain aux dépens.

Les sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL appelantes concluent à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions,

* la première soutient que les sociétés Piganiol ont commis des actes de contrefaçon du dessin n° 13 figurant au dépôt du 3 décembre 1993 n° DM/028047 lui appartenant en application de l'article L. 511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, et que par conséquent, elles doivent être condamnées in solidum à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts, et qu'il leur soit fait interdiction, sous astreinte définitive de 10 000 F par infraction constatée à compter de l'arrêt à venir d'importer, d'offrir à la vente et de vendre des parapluies revêtus du dessin lui appartenant,

* ensemble elles reprochent aux sociétés Piganiol sur le fondement de l'article 1382 du code civil des actes de concurrence déloyale et parasitaire, et sollicitent, outre les habituelles mesures de publication, leur condamnation in solidum à leur payer les sommes de 300 000 F en réparation du préjudice qu'elles ont subi et de 50 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, et qu'il leur soit fait interdiction sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée de poursuivre leurs agissements.

Les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA intimées demandent à la cour de déclarer les sociétés appelantes tant irrecevables que mal fondées en leur appel, de faire droit à l'appel incident du chef de la recevabilité de l'action de la société Happy Rain contre la SNC Piganiol et Cie, d'infirmer le jugement déféré de ce chef et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle dit que la société Piganiol ne s'est pas rendue coupable des faits de contrefaçon et de concurrence déloyale au détriment des sociétés Happy Rain, de faire droit à leur demande reconventionnelle et de condamner in solidum les sociétés appelantes à leur payer, outre la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, celle de 250 000 F à titre de dommages et intérêts.

Dans leurs dernières écritures, les sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL demandent à la Cour de rejeter les pièces qui ont été tardivement communiquées le 17 avril 1998, et notamment celle B rédigée en italien qui n'a pas été traduite en français.

Sur quoi, LA COUR

Considérant que la communication par les sociétés intimées de 7 documents, 10 jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, n'a pas mis les sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL dans l'impossibilité d'y répondre, quand bien même l'une d'entre elle possède son siège en Allemagne, puisqu'elles ont pu y répliquer par conclusions signifiées le 27 avril 1998.

Que lesdits documents ne devront par conséquent pas être écartés des débats, à l'exception de celui désigné sous la lettre B du bordereau daté du 17 avril 1998 qui rédigé en italien n'a pas été traduit en français.

Considérant que la société Happy Rain GmbH reproche tant à la société Piganiol et Cie SNC qu'à la société Piganiol Diffusion SA des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, tandis que la société Happy Rain SARL fait grief aux deux sociétés intimées d'avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale.

Considérant que la société SNC Piganiol et Cie réplique pour conclure à l'irrecevabilité des demandes formées contre elle par les sociétés appelantes qu'elle est une société juridiquement distincte de la société Piganiol Diffusion SA qui a seule acquis à l'étranger les parapluies destinés à être revendus.

Considérant que la matérialité des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale allégués trouve son origine dans le catalogue Piganiol 94/1 n° 841 page 18 établi au nom des Etablissements Piganiol fondés en 1884, 9 rue Ampère à 15000 Aurillac.

Que la SNC Piganiol et Cie ne saurait invoquer l'irrecevabilité de l'action engagée contre elle par les sociétés appelantes dans la mesure où la lettre datée du 10 février 1994 rédigée par Jean Piganiol es-qualités de représentant de la société sus-visée à l'intention de la société Happy Rain GmbH comportent les informations suivantes " ... Cette personne m'a informé que le dessin fillette figurant à la page 18 de mon catalogue sous la référence 841 serait un dessin vous appartenant... " et " Dans cette attente et pour bien vous prouver mon désir de conciliation et ma bonne foi, je stoppe la vente de ces articles jusqu'à ce que vous m'apportiez les preuves de la propriété de ce dessin ".

Que ces indications contenues dans une lettre qui mentionne en en-tête les précisions domiciliaires et téléphoniques identiques à celles contenues dans le catalogue 94/1 sus-visé constituent l'aveu que la société Piganiol et Cie SNC est le distributeur en France du dessin argué de contrefaçon.

Qu'au surplus, le tarif 9401 porte la mention SNC Piganiol et Cie Aurillac et comporte dans la rubrique " Parapluie d'importation-Série Fillette " la référence " 841 40/8 tringle bandoulière nylon uni + imprimé " correspondant au dessin litigieux.

Que l'exception soulevée par la société Piganiol et Cie SNC sera par conséquent rejetée.

Considérant que pour revendiquer l'application à son profit des dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, la société Happy Rain GmbH soutient être titulaire de droits sur le dessin n° 13 représentant des hippopotames, enregistré à l'Office Mondial de la Propriété Industrielle le 3 décembre 1993 sous le n° DM/028 047 et publié le 28 février 1994.

Que devant la cour, elle revendique également l'application à son profit des dispositions du livre I du code de la propriété intellectuelle.

Considérant qu'il ne saurait être reproché à la société Happy Rain GmbH, comme le font les sociétés intimées, d'avoir complété en cause d'appel sa demande en la fondant également sur les dispositions du livre I du code de la propriété intellectuelle dans la mesure où tendant aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, elle n'est pas nouvelle quand bien même elle porte sur un fondement juridique différent.

Considérant que les sociétés Piganiol soutiennent que la société Happy Rain GmbH n'est pas fondée à se prévaloir en France du cumul des protections des Livres I et V du code de la propriété intellectuelle au motif que la réciprocité applicable à ces droits ne serait pas établie en droit allemand.

Considérant que l'article 2.7 de la convention de Berne du 24 juillet 1971 dispose : " ... Pour les œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d'origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l'Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ; toutefois, si une telle protection spéciale n'est pas accordée dans ce pays, ces œuvres seront protégées comme œuvres artistiques ".

Qu'un dessin d'un pays de l'Union ne peut donc bénéficier en France du cumul de protection qu'autant qu'il jouit dans son pays d'origine, d'une protection autre que celle qui résulte de la législation spécifique.

Considérant que si le droit allemand retient qu'un objet peut être protégé à la fois par la loi sur les modèles artistiques (Musterschutzgesetz du 11 janvier 1876) et par la loi sur les droits d'auteur (Gesetz bettrefend das Urheberrecht an Mustern und Modellen du 9 septembre 1965), il impose cependant comme condition à la doutble protection la satisfaction des conditions différentes exigées par les deux lois.

Que l'application à un objet du droit des dessins artistiques plutôt que du droit d'auteur sera déterminée par l'importance de son contenu esthétique, de telle sorte que seule l'œuvre d'art, objectivement définie, est susceptible de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, tandis que ne sera reconnue la protection du droit sur les dessins qu'à la simple prestation artistique, résultat d'un degré moindre dans l'acte créateur qui doit toutefois dépasser le cadre du simple savoir-faire.

Qu'il convient par conséquent, pour déterminer si la société Happy Rain GmbH, titulaire des droits de propriété incorporelle sur le dessin qu'elle a déposé, peut bénéficier en France, de la protection cumulative du Livre I et du Livre V du code de la propriété intellectuelle, de rechercher si celui-ci présente, au regard du droit allemand, les critères requis pour prétendre, dans son pays d'origine, au cumul des protections.

Considérant que le dessin déposé représentant une série d'hippopotames appuyés les uns contre les autres ou se tenant par l'épaule pour certains d'entre eux et faisant face à deux verres révèle l'existence d'une préoccupation esthétique qui excède le simple savoir-faire d'un dessinateur moyen.

Mais considérant que la décision de la Cour de Justice fédérale du 2 décembre 1966 GRUR 1967 p .375 citée par la doctrine communiquée reconnaît également que : " La protection du modèle artistique se rattache à la forme immatérielle plastique ou plane ressortant du modèle déposé, qui doit être approprié à servir de " modèle " pour la fabrication de produits corporels ", de telle sorte que le droit allemand sur les dessins et modèles n'est applicable qu'au dessin qui est destiné à la fabrication industrielle.

Considérant qu'en raison de l'existence des caractéristiques esthétiques essentielles du dessin déposé à l'OMPI le 3 décembre 1993 et de l'utilisation industrielle qui en a été faite, la société Happy Rain GmbH est bien fondée à se prévaloir devant les juridictions françaises de la double protection de la loi sur les droits d'auteur et de celle sur les dessins et modèles.

Que le moyen soulevé par les sociétés Piganiol sera par conséquent rejeté.

Considérant que les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA contestent le caractère de nouveauté du dessin déposé qui selon elles est " banal dans l'univers des produits destinés à une clientèle jeune ", et est " inspiré de bien d'autres, et notamment de celui qui sert d'enseigne à la célèbre chaîne de restaurants Hippopotamus ".

Mais considérant que le moyen soulevé par les sociétés Piganiol qui ne démontrent pas que le dessin déposé représentant des couples d'hippopotames assis dans une posture particulière est antériorisé de toutes pièces doit être rejeté.

Considérant que les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA soutiennent également pour démontrer leur bonne foi, avoir interrogé leur fournisseur de tissu la société Formosa Taffetas, et leur fabriquant de parapluie la société Teow Hong Umbrella qui leur ont certifié chacune que le dessin dont les sociétés appelantes revendiquent la protection était exempt de tout droit avant son dépôt à l'OMPI le 3 décembre 1993.

Qu'elles contestent aux sociétés Happy Rain le droit de revendiquer aux mois de mars et d'août 1993, lors de la commande et de la livraison des parapluies, la qualité de titulaire de droits sur le dessin litigieux.

Mais considérant que si la propriété d'un dessin appartient à celui qui l'a créé, le premier déposant dudit dessin est cependant présumé, jusqu'à preuve contraire, en être le créateur.

Que la société Happy Rain GmbH qui a déposé le dessin litigieux doit par conséquent bénéficier de cette présomption à compter du 28 février 1994, date de publicité de son dépôt international qui le rend opposable aux tiers.

Considérant que les sociétés Piganiol ne démontrent pas avoir créé le dessin déposé.

Qu'au contraire, la société Happy Rain GmbH prouve qu'elle disposait de droits exclusifs sur le dessin litigieux référencé chez elle 300 et SP 7142/A pour la société Kam Ling Trading Compagny comme le révèle une lettre de cette dernière datée du 22 juin 1993, ainsi qu'une attestation non datée qui indique : " La société Kam Ling confirme avoir reçu de la société Happy Rain le dessin et film correspondant au modèle pour enfant avec la référence Formosa n° SP7142/A-B. Le modèle est la propriété d'Happy Rain ".

Que la société Formosa Teffeta confirme ce fait dans une attestation produite aux débats dans laquelle elle indique : " Rèf : Modèle Formosa's Nursery SP 7142.1. Nous avons reçu des modèles (Art-Work) de Kam Ling à Hong Kong en mars 1993, et avons commencé à fabriquer ce modèle au début du mois de mai 1993. Nous n'avons jamais reçu de modèle (déposé ? Art Work) de ce modèle (dessin) de Happy Rain)... ".

Que la société Happy Rain GmbH démontre ainsi disposer de droits sur le dessin litigieux.

Considérant que si, comme le soutiennent avec raison les sociétés intimées, les faits antérieurs au dépôt ne peuvent donner lieu à aucune action dérivant du livre V du code de la propriété intellectuelle, en revanche ceux qui leur sont reprochés, commis postérieurement au dépôt mais antérieurement à sa publicité, peuvent leur être régulièrement imputés lorsque leur mauvaise foi est établie.

Considérant que les sociétés Piganiol excipent de leur bonne foi, et soutiennent qu'elles ont agi dans l'ignorance des droits de la société Happy Rain GmbH.

Considérant que la société Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA ne sauraient se réfugier derrière le fait que le numéro de vente du dessin incriminé ne figure pas dans la liste des dessins appartenant à la société Happy Rain communiquée en photocopie le 22 juin 1993 par la société Teow Hong Umbrella Factory CCO. PTE. LTD et que les photocopies en noir et blanc ne permettent pas dans la majorité des cas de reconnaître le dessin et de l'identifier de façon certaine.

Qu'en effet, les sociétés Piganiol sont l'une et l'autre des professionnels de la création, de l'importation et de la commercialisation en France de parapluies, et sont donc à ce titre informées de l'existence de la société Happy Rain GmbH doivent par conséquent s'enquérir de ses créations comme elles l'ont fait et comme le démontre le paiement qui a été effectué le 2 avril 1993 pour acquérir de la société appelante les droits d'utilisation pour d'autres dessins de parapluie déposés le 27 mai 1992 à l'OMPI sous le n° DM/022937.

Que les actes de contrefaçon se sont d'ailleurs poursuivis malgré la promesse faite le 10 février 1994 par Jean Piganiol de cesser la vente du dessin protégé, puisqu'un parapluie référencé n° 841 sous la marque " Jean Pierre Vic ", propriété de la société Piganiol Diffusion, a été acquis le 10 février 1995 à Nort sur Erdre par la société Happy Rain.

Que cette vente détruit le contenu de l'attestation de la société Teow Hong Umbrella Factory datée du 8 août 1994 selon laquelle " tous ces parapluies comportant le dessin 7142 colorway A ont été refusées et réexpédiés à cause du tissu qui était un modèle exclusif de Happy Rain ".

Considérant que les sociétés Piganiol ne contestent pas que le dessin litigieux reproduit sur son catalogue 94/1 à la page 18 sous la référence 841 diffusé au mois de janvier 1994 constitue la reproduction servile de celui déposé par la société Happy Rain GmbH le 3 novembre 1993 à l'OMPI.

Considérant que la société Happy Rain GmbH et la société Happy Rain SARL reprochent également aux sociétés Piganiol d'avoir servilement copié le dessin déposé figurant sur les parapluies qu'elles vendent sous les références 78256 et 78257, et d'avoir adressé à sa clientèle des lettres faisant état de " dessins exclusifs " des parapluies de son catalogue et d'avoir ainsi commis à leur encontre des actes de concurrence déloyale.

Considérant que les sociétés Piganiol répliquent qu'ayant pris toutes les précautions pour s'assurer que le parapluie litigieux ne faisait pas l'objet d'une protection particulière, elles n'ont commis aucune faute intentionnelle.

Considérant que les sociétés Piganiol ont commercialisé en France un parapluie reproduisant de façon servile les caractéristiques essentielles du dessin (hippopotames de couleurs rouge, vert, bleu et jaune sur fond bleu piqueté de blanc) déposé par la société Happy Rain GmbH.

Que si cette constatation est à seule insuffisante à constituer le grief de concurrence déloyale reproché, en revanche la diffusion dans les lettres circulaires datées du 19 et 31 janvier 1994 dans lesquelles est fait mention que " ... nos produits importés (pages 8 à 19), créés à Aurillac, souvent différents des importations traditionnelles (dessins exclusifs, ...)" contient une affirmation mensongère constitutive d'une faute imputable aux sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA, dans la mesure où le dessin représenté sur le parapluie n° 841 à la page 8 du catalogue n'a pas été créé par elles mais par la société Happy Rain GmbH.

Qu'il en résulte un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs qui peuvent légitimement croire que les parapluies reproduisant le dessin litigieux sont commercialisés par la même entreprise de nature à porter atteinte à la notoriété commerciale des sociétés Happy Rain dans des conditions contraires à la loyauté du commerce.

Considérant que le jugement déféré sera par conséquent réformé en toutes ses dispositions.

Considérant que la société Happy Rain GmbH conclut à la condamnation de la société Piganiol et Cie SNC et de la société Piganiol Diffusion SA à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts pour les actes de contrefaçon du dessin déposé le 3 décembre 1993.

Considérant que les sociétés Piganiol répondent pour contester aux sociétés appelantes tout droit à indemnisation que la contrefaçon alléguée ne porte que sur un seul " modèle " soumis aux vicissitudes de la mode.

Mais considérant que les actes de contrefaçon incriminés, par le seul effet de leur existence, ont porté atteinte aux droits exclusifs de la société Happy Rain GmbH détient sur le dessin protégé, et lui ont occasionné un préjudice dont elle peut légitimement solliciter la réparation.

Qu'une somme de 100 000 F indemnisera ce préjudice.

Considérant que les sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL sollicitent également la condamnation in solidum de ces même sociétés à leur verser la somme de 300 000 F pour le préjudice qu'elles ont chacune subi du fait des actes de concurrence déloyale.

Considérant que si les sociétés appelantes ne rapportent pas la preuve des éléments précis de nature à déterminer l'importance exacte du préjudice financier qu'elles prétendent avoir subi du fait des sociétés Piganiol, la seule existence des actes de concurrence déloyale incriminés justifie la condamnation de ces dernières à leur payer la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice.

Considérant que les mesures d'interdiction sous astreinte et de publication devront être ordonnées dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt.

Considérant que les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA à titre reconventionnel reprochent aux sociétés appelantes de ne protéger leurs dessins que plusieurs mois après en avoir confié la réalisation au fabricant de tissus dans l'unique but de " piéger " les concurrents.

Mais considérant que le comportement imputé aux sociétés Happy Rain ne saurait en soi justifier les critiques émises par les sociétés intimées dans la mesure où la société Happy Rain GmbH, titulaire de droits sur le dessin litigieux, était libre de choisir la protection juridique la plus appropriée à sa création.

Qu'il ne saurait lui être imputé un comportement fautif en ne décidant de déposer son dessin que plusieurs mois après qu'il soit créé.

Considérant que les sociétés Piganiol ne peuvent également pas, pour justifier leur demande reconventionnelle, faire grief aux sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL d'avoir commis des actes de contrefaçon à l'encontre de sociétés tiers au présent litige.

Que leur demande de dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.

Considérant que les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA qui succombent, seront déboutées de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Considérant qu'il est en revanche inéquitable de laisser à la charge des sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL la totalité des frais qu'elles ont dû engager en cause d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens et qu'il convient de compenser à hauteur de la somme de 30 000 F.

Par ces motifs: Ecarte des débats la pièce B du bordereau de communication de pièces du 17 avril 1998, Infirme le jugement rendu le 15 mai 1996 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit les sociétés Happy Rain GmbH et Happy Rain SARL recevables en leur action, Et statuant à nouveau, Dit que les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA ont commis des actes de contrefaçon du dessin n° 13 figurant au dépôt du 3 décembre 1993 n° DM/028047 appartenant à la société Happy Rain Wurflingsdobler GmbH, Condamne in solidum les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA à payer à la société Happy Rain Wurflingsdobler GmbH, la somme de Cent mille francs (100 000 F) à titre de dommages et intérêts, Dit que les société Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Happy Rain Wurflingsdobler GmbH, et Happy Rain SARL, Condamne in solidum les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA à payer aux sociétés Happy Rain Wurflingsdobler GmbH, et Happy Rain SARL la somme de Cent Mille francs (100 000 F) à titre de dommages et intérêts, Interdit aux sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA d'importer, de vendre ou de proposer à la vente des parapluies revêtus du dessin déposé le 3 décembre 1993 n° DM/028047 sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt, et pendant un délai de trois mois passé lequel la cour qui se réserve expressément ce pouvoir, statuera à nouveau, Autorise la publication du présent arrêt in extenso ou par extraits dans trois journaux ou revues au choix des sociétés Happy Rain Wurflingsdobler GmbH, et Happy Rain SARL au frais in solidum des sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA dans la limite d'un coût global de Cinquante mille francs HT (50 000 F HT), Rejette la demande de dommages et intérêts formée par les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SARL, Rejette toute demande autre, contraire ou plus ample des parties, Condamne in solidum les sociétés Piganiol et Cie SNC et Piganiol Diffusion SA à payer aux sociétés Happy Rain Wurflingsdobler GmbH et Happy Rain SARL la somme de Trente Mille Francs (30 000 F) en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Condamne in solidum les mêmes sociétés aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit du Maître Olivier dans les conditions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.