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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 3 juin 1998, n° 96-16789

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tooteam (SARL)

Défendeur :

Lahoucine (Epoux), SAO (SARL), Le Hir, Fleury

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Mandel, M. Lachacinski

Avoués :

Me Bolling, SCP Roblin-Chaix de Lavarène, SCP Bommart-Forster

Avocats :

Mes Cirier, de Holmsky, Brault.

T. com. Bobigny, 1re ch., du 29 févr. 19…

29 février 1996

Aux termes de statuts établis le 20 mars 1991 et enregistrés le 22 mars suivant, Pierre Le Hir, Malik Lahoucine et Philippe Frassin ont constitué une SARL dénommée Teasing, spécialisée dans les recherches, études et conceptions graphiques, laquelle a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 15 avril 1991.

Le capital social, fixé à la somme de 50 000 F et divisé en 500 pars de 100 F, était attribué à :

- Pierre Le Hir à raison de 170 parts

- Malik Lahoucine pour 165 parts

- Philippe Frassin pour 165 parts.

L'assemblée générale constitutive a désigné Pierre Le Hir en qualité de gérant de la société.

Il convient de préciser que :

- par assemblée générale extraordinaire du 10 janvier 1992, la dénomination de la société est devenue " Tooteam "

- par acte sous seing privé du 11 janvier 1992, enregistré le 30 janvier 1992, les trois associés susvisés ont cédé à Pascal Helier :

- Pierre Le Hir, 45 parts

- Malik Lahoucine, 40 parts

- Philippe Frassin, 40 parts

- une assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement le 1er décembre 1992 a nommé Pascal Helier gérant de la société

- par acte sous seing privé du 1er mars 1994, enregistré le 11 mars suivant Malik Lahoucine a cédé la totalité de ses parts sociales soit :

- 65 parts à Dolorès Jourdain épouse Helier

- 60 parts à Claudine Caron

- par acte sous seing privé du 27 juin 1994, enregistré le 1er juillet 1994, Pierre Le Hir a également cédé la totalité de ses parts, soit :

- 60 parts à Dolorès Jourdain épouse Helier

- 65 parts à Claudine Caron

- les 10 et 28 juin 1994, Annie Dalaud épouse Lahoucine et Dominique Fleury, employées respectivement en qualité de secrétaire comptable à temps partiel et de dessinatrice d'exécution par la société Tooteam ont démissionné de leurs fonctions au sein de celle-ci.

Aux termes de statuts dressés le 26 septembre 1994 et enregistrés le 11 octobre de la même année, Malik Lahoucine, Patrick Le Hir (fils de Pierre Le Hir), Bernard Melka, Dominique Fleury et la SARL B. Mad représentée par Bernard Melka ont constitué une SARL dénommée SAO (studio assisté par ordinateur) ayant pour objet les recherches, études et conceptions graphiques, qui a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés le 20 octobre 1994.

Le capital social, fixé à 50 000 F, était réparti entre :

- Patrick Le Hir : 130 parts

- Malik Lahoucine : 124 parts

- Bernard Melka : 75 parts

- Dominique Fleury : 122 parts

- la société B. Mad : 49 parts.

L'assemblée générale constitutive a nommé Malik Lahoucine aux fonctions de gérant.

Il convient de préciser que, par contrat de travail, la société SAO a engagé Dominique Fleury à compter du 1er septembre 1994.

Les 17, 18 et 25 janvier 1995, la société Tooteam a assigné devant le Tribunal de commerce de Bobigny, l'entreprise Malik PAO/Flashage, Pierre Le Hir, Dominique Fleury et la société SAO à l'effet de voir juger que les défendeurs s'étaient rendus coupables de faits de concurrence déloyale à son encontre et de les voir condamner in solidum à lui payer les sommes de :

- 779 480 F avec intérêts de droit à compter de l'assignation

- 20 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande.

Par jugement du 29 février 1996, le tribunal a débouté la société Tooteam de ses prétentions et l'a condamnée à verser pour leurs frais hors dépens les sommes de :

- 20 000 F à Malik Lahoucine, Annie Dallaud épouse Lahoucine et la société SAO

- 10 000 F à Pierre Le Hir

- 10 000 F à Dominique Fleury.

La société Tooteam a, le 10 juin 1996, interjeté appel de cette décision.

Elle poursuit aux termes de ses conclusions récapitulatives du 24 avril 1998, la condamnation in solidum des intimés à lui verser, sur le fondement du grief de concurrence déloyale par elle allégué, les sommes de :

- 779 480 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation initiale

- 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Malik Lahoucine qui exerce une activité personnelle sous la dénomination " Entreprise Malik ", Annie Dallaud épouse Lahoucine et la société SAO ont, par écritures récapitulatives du 3 avril 1998, sollicité la confirmation du jugement déféré et l'attribution à chacun d'eux d'une somme de 10 000 F en réparation d'une procédure qualifiée d'abusive.

Pierre Le Hir et Dominique Fleury ont, par conclusions récapitulatives du 6 avril 1998, demandé la confirmation de la décision ainsi que l'allocation à l'un et à l'autre d'une somme de 15 000 F au titre de leurs frais non taxables.

Sur ce,

I - Sur la procédure :

Considérant que si la présente instance a été jointe à la procédure opposant la société Tooteam à " l'entreprise Malik " (en fait Malik Lahoucine) il n'existe pas entre celles-ci un lien tel qu'il soit nécessaire de les juger ensemble.

II - Sur la demande en concurrence déloyale :

Considérant qu'au soutien de cette demande, la société Tooteam invoque les griefs suivants :

1. Sur l'existence de manœuvres frauduleuses :

Considérant que l'appelante retient sous cette qualification la cession par Malik Lahoucine et Pierre Le Hir de leurs parts sociales au motif que celle-ci serait intervenue " sans aucun motif valable alors que le chiffre d'affaires confié à l'entreprise Malik par Tooteam était en pleine expansion, de même d'ailleurs que le chiffre d'affaires confié par B. Mad à Tooteam ".

Mais considérant qu'il convient de lui opposer que tout associé a le droit, comme le rappelle au demeurant Malik Lahoucine, " d'agir comme bon lui semble " et de quitter la société et ce, pour quelques motifs que ce soit : vendre des parts qui ne lui rapporteraient rien pour l'intimé susvisé ou refus de voir se constituer à l'instigation de Pascal Helier, à compter du 5 avril 1994, une EURL " Atout Trèfle ", émanation de la société Tooteam, pour Pierre Le Hir, étant au surplus observé que, l'appelante non seulement n'établit pas avoir manifesté une quelconque réticence aux cessions incriminées mais encore ne conteste pas que celles-ci sont intervenues au profit de l'épouse du gérant d'une part, de la compagne de l'associé Philippe Frassin d'autre part, soit dans des conditions qui ne pouvaient nullement entamer la cohésion sociale ni compromettre la poursuite de la gestion entreprise par le représentant légal en place comme aurait pu éventuellement le faire l'introduction de tiers dans la société.

2. Sur le démarchage et le détournement de la clientèle de la société B. Mad :

Considérant que la société Tooteam reproche à Malik Lahoucine et Pierre Le Hir d'avoir conjointement démarché Bernard Melka, dirigeant de la société B. Mad, son principal client.

Qu'à l'appui de cette allégation, elle invoque les termes des attestations délivrées les 15 juin et 1er juillet 1995 par Yannick Pennanguer et Ghislaine Moulai et du " questionnaire " rempli à sa demande le 1er février 1997 par Philippe-Charles Gueneau de Mussy.

Considérant que Yannick Pennanguer et Ghislaine Moulai déclarent qu'au cours d'une conversation téléphonique intervenue vers le 20 septembre 1994 entre Philippe Frassin et Bernard Melka, ils entendirent ce dernier dire que Pierre Le Hir et Malik Lahoucine avaient créé une nouvelle société et que Pierre Le Hir était déjà venu lui proposer les services de celle-ci.

Que Philippe-Charles Gueneau de Mussy " en poste à la société B. Mad en 1994 " se borne à préciser que la société SAO a remplacé la société Tooteam pour la sous-traitance de la société B. Mad à partir de " Juillet-Août environ ".

Considérant, ceci exposé, qu'il convient de rappeler qu'en vertu du principe de la liberté du commerce qui sous-entend notamment la liberté d'entreprendre, toute personne physique ou morale bénéficie du droit de se livrer aux activités commerciales ou industrielles de son choix en créant une entreprise nouvelle et en proposant les services de celle-ci à toute société intéressée par la nature de ses activités.

Que doit être condamnée non pas l'activité concurrentielle en tant que telle mais l'excès ou la forme abusive qu'elle revêt en cas de pratiques contraires aux usages du commerce et à l'honnêteté professionnelle.

Or considérant, en l'espèce, que la société Tooteam ne rapporte nullement la preuve d'agissements constitutifs de faute au sens de l'article 1382 du Code civil mais seulement l'apparition d'une société concurrente recherchant normalement sa clientèle.

3. Sur le débauchage de personnel :

Considérant que la société Tooteam expose que Dominique Fleury qui était principalement chargée en son sein de son principal client, la société B. Mad, a été embauchée au même poste par la société SAO.

Qu'elle soutient que le fait que cette dernière ait été constituée " avec ce client (B. Mad) le fils d'un associé de Tooteam (M. Le Hir) et le personne de la société Tooteam, Mlle Fleury et Mme Lahoucine ", suffit à établir l'existence d'un plan prémédité de longue date " qui implique une coalition entre les différents protagonistes de cette affaire pour aboutir au fait de concurrence déloyale dont s'agit ".

Mais considérant qu'il suffit de lui objecter qu'un engagement de personnel ne constitue un acte de concurrence déloyale que s'il est effectué de façon fautive et que tel n'est pas le cas lorsque la personne embauchée a régulièrement quitté son précédent employeur et n'est tenue par aucune clause de non-concurrence à l'égard de celui-ci.

4. Sur l'utilisation de données informatiques :

Considérant que la société Tooteam allègue qu'elle a remis à Malik Lahoucine des données informatiques que celui-ci ne lui a pas restituées mais encore dont il s'est servi en dépit de son opposition et de sa demande à en voir acquitter le prix.

Mais considérant que ce grief a fait l'objet d'une procédure distincte aux termes de laquelle le tribunal puis la cour, par un arrêt de ce jour, ont dit la demande mal fondée.

Considérant qu'il apparaît ainsi que le jugement déféré a, à bon droit, rejeté les prétentions de la société Tooteam.

III - Sur la demande reconventionnelle :

Considérant que Malik Lahoucine, Annie Dallaud épouse Lahoucine et la société SAO sollicitent l'attribution d'une somme de 10 000 F en réparation d'une procédure qualifiée d'abusive.

Mais considérant que la société Tooteam a pu, de bonne foi, se méprendre sur la nature de l'activité des intimés.

Que cette demande sera donc écartée.

IV - Sur les frais hors dépens :

Considérant que la société Tooteam qui succombe, sera déboutée de la demande par elle fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Qu'il est équitable en revanche d'élever la somme attribuée de ce chef tant à Pierre Le Hir qu'à Dominique Fleury par les premiers juges de 10 000 F à 15 000 F.

Par ces motifs : Ordonne la suppression de la jonction de la présente procédure avec l'instance n° 96-16788 opposant la société Tooteam à Malik Lahoucine. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative aux frais non taxables. Le réforme de ce chef et, statuant à nouveau, Condamne la société Tooteam à verser à Pierre Le Hir d'une part, à Dominique Fleury d'autre part, une somme de quinze mille francs (15 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Rejette toutes autres demandes. Condamne la société Tooteam aux dépens d'appel. Admet la SCP Bommart-Forster et la SCP Roblin-Chaix de Lavarène titulaires d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.