CA Riom, ch. com., 20 mai 1998, n° 97-02113
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
PAMACA (SARL)
Défendeur :
Chambre Syndicale de l'Ameublement Région Auvergne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bardel
Conseillers :
MM. Despierres, Legras
Avoués :
SCP Goutet Arnaud, SCP Gutton
Avocats :
SCP Brunet Billy Boissier, Mes Sahuc, Roesch.
LE LITIGE
Par jugement du 3 juillet 1997, le Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand disait que la Chambre Syndicale de l'Ameublement de la région Auvergne était recevable en son action contre la société PAMACA exerçant sous l'enseigne " La Trocante " et condamnait celle-ci à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et matériel, résultant de l'ouverture dominicale prohibée, pour l'exercice d'une activité de dépôt-vente, et ordonnait la cessation le dimanche de toute activité se rapportant à la présentation à la clientèle de meubles, sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée, le tout avec exécution provisoire.
Appelante, la société PAMACA conclut à la réformation et demande de dire irrecevable l'action introduite, de dire inopposable l'arrêté préfectoral du 8 août 1974 et de débouter la Chambre Syndicale de ses demandes. Une somme de 5 000 F est réclamée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Subsidiairement il est demandé de constater l'absence de préjudice économique de la Chambre Syndicale.
Les moyens invoqués sont les suivants :
- la procédure est irrecevable. Le président de la Chambre Syndicale n'avait pas pouvoir ; les conditions de son élection n'ont pas été recherchées. Le procès-verbal du Conseil d'administration désignant les membres du bureau pour trois ans doit être produit. La capacité à agir du président n'est pas établie.
- la Chambre Syndicale n'est pas représentative de la profession qu'elle exerce. N'y adhère qu'un seul vendeur de meubles d'occasion. Or elle exerce le dépôt-vente. Les activités exercées par les membres de la Chambre Syndicale ne sont pas les mêmes : aucun ne fait le dépôt-vente ou de la brocante.
- l'arrêté du 8 août 1974 est inopposable : il vise la vente, non le dépôt.
- le dépôt-vente est une vente pour le compte d'autrui. Elle ne peut s'assimiler à l'activité du vendeur de meubles, vu la faible commission et le rôle d'intermédiaire.
- aucun préjudice n'est établi.
- le débat se limite à la question de savoir si l'arrêté préfectoral concerne l'activité de dépôt-vente qu'il ne vise pas expressément.
La Chambre Syndicale incidemment appelante, conclut au débouté de l'appel et demande la condamnation de la société PAMACA à payer une somme de 100 000 F en réparation du préjudice, et la même somme à titre d'astreinte définitive pour sanctionner tout manquement ultérieur. Elle réclame la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ses moyens en réplique sont développés comme suit, après que faits et procédure eurent été rappelés :
- son action est recevable. Sa représentativité est reconnue. Le président la représente ; il a les pouvoirs les plus étendus. Ceux-ci ont été confirmés.
- l'arrêté préfectoral vise la vente de meubles neufs et d'occasion.
- la société PAMACA exerce une activité de dépôt-vente. Elle ne peut prétendre exercer une activité différente de celle de vendeur de meubles. Le contrat de dépôt-vente combine le contrat de dépôt et celui de vente.
MOTIVATION :
I - Attendu que les faits reprochés d'exercice de l'activité de dépôt-vente le dimanche sont constants ;
Attendu quoi qu'il en soit des préalables procéduraux relatifs à la recevabilité de l'action, et pour faire suite à la question que le juge des référés en deux instances posait, avant de dire qu'elle relevait du fond, sur la qualification juridique du contrat de dépôt-vente, que la vraie question du litige est en effet celle-ci ;
Attendu en effet que pour déterminer si cette activité de dépôt-vente - qui en l'espèce peut d'ailleurs concerner tant des objets d'occasion que des objets neufs, la Chambre Syndicale produisant un article de presse sur les dépôts-ventes pratiqués par PAMACA duquel ressort que " la particularité de La Trocante est d'acheter des articles neufs complémentaires et de les mettre en dépôt-vente chez ses franchisés moyennant une commission de 25 % ", entre ou non dans le cadre de l'arrêté préfectoral prohibant l'exercice dominical de vente à titre onéreux des meubles et articles d'ameublement, il convient de dire si cet acte juridique est assimilable à la vente, ou la contient ;
Attendu que le dépôt-vente est la convention par laquelle le déposant remet la chose avec mandat de la vendre ; que le mandat transmettant au mandataire tous les pouvoirs du mandant, relatif à l'acte de vendre, le mandataire devient vendeur et exerce tous les éléments de cet acte de disposition : mise à disposition de la chose, détermination et perception du prix ; que l'acheteur n'a de rapport qu'avec le vendeur dépositaire ;
Attendu que l'activité de vendre, dans le cadre du dépôt-vente, n'est donc pas de nature distincte de l'activité de vendre dans tout autre cadre classique ; que cette activité entre donc dans le cadre de la prohibition prévue par l'arrêté préfectoral visé, dès lors que, comme en l'espèce, il concerne des meubles neufs ou d'occasion ou des articles d'ameublement ; que l'exercice dominical de cette activité est constitutif de faits de concurrence déloyale de nature à porter préjudice aux commerçants respectueux de la législation ;
II- Attendu que les questions procédurales, a priori préalables, mais auxquelles la Cour, en chaque instance diligentée par ou contre la Chambre Syndicale d'Ameublement d'Auvergne, a maintes fois répondu, ont fait l'objet de réponses précises de la part du tribunal qui doivent d'ores et déjà être retenues comme pertinentes et adoptées ;
Attendu que le président de cette Chambre Syndicale justifie des pouvoirs qui lui sont conférés pour représenter celle-ci devant toutes juridictions, pour toute instance ;
Attendu que la Chambre Syndicale de l'Ameublement région Auvergne est constituée, conformément au livre III, article 1er de la loi du 25 février 1907, du Code du travail, entre toutes les personnes appartenant à la branche " ameublement " de la région, constituant ainsi un syndicat professionnel patronal ; que sa représentativité a été reconnue et son objet défini comme la représentation et la défense des intérêts professionnels économiques et sociaux de ses adhérents ;
Attendu que les statuts, régulièrement déposés, précisent en leur article 16 que le président du syndicat représente celui-ci dans ses rapports avec les membres et avec les tiers et se trouve investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom du syndicat en toutes circonstances ;
Attendu que par décision du 30 septembre 1990 le bureau de la Chambre Syndicale confirmait les pouvoirs de son président, M. Cotte et lui donnait mission d'engager le syndicat dans tous les litiges pouvant survenir, dans l'intérêt des membres de la Chambre Syndicale ; que le dernier bureau élu, suivant procès-verbal d'assemblée générale annuelle du 14 novembre 1994 établissait un procès-verbal de la réunion du bureau du 12 juin 1995 qui confirmait les pouvoirs à agir en justice de M. Cotte, son président ;
Attendu que l'ensemble des pièces utiles est régulièrement présenté à la procédure ;
Attendu qu'il n'est nullement besoin de produire d'autres pièces, telles que réclamées par l'appelante, pour justifier des pouvoirs régulièrement acquis, et du bureau et du président de la Chambre Syndicale ; qu'il a été versé aux débats un procès-verbal d'une réunion du bureau intervenue le 20 décembre 1993 réitérant les pouvoirs conférés au président pour ester en justice ; que ces pouvoirs, conformément aux dispositions statutaires, étaient conférés pour trois ans ; que l'action initiée le 25 juillet 1996 l'a donc été avant que n'expire la période de validité ; qu'en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 411-11 du code du travail visent expressément la possibilité pour tout syndicat professionnel, d'ester en justice et d'intervenir devant toute juridiction ;
Attendu qu'ainsi la Chambre Syndicale justifie de sa capacité à agir pour la défense des intérêts professionnels de ses adhérents et ainsi des intérêts collectifs de ses membres ; qu'elle est ainsi fondée à réclamer réparation du préjudice subi en raison de l'atteinte au libre exercice normal et loyal de la concurrence et aux intérêts matériels et moraux de la profession ; que cette atteinte cause un préjudice aux commerçants respectueux de la réglementation et de la légalité ;
Attendu que la représentativité par la Chambre Syndicale de l'ensemble de la profession est contesté également, par un moyen marginal : un seul vendeur de meubles d'occasion en ferait partie ;
Attendu que l'intitulé de l'arrêté préfectoral énonce qu'il a été pris à la demande de la Chambre Syndicale de l'Ameublement, au vu des avis favorables à cette demande donnés par les unions syndicales CGC, CGT, FO, CFDT, et de l'accord ainsi réalisé de l'ensemble des syndicats d'employeurs et d'employés pour demander que la fermeture des commerces d'ameublement au public le dimanche soit rendue obligatoire...
Attendu que le nombre d'adhérents effectuant une vente de nature spécifique est indifférent; qu'un seul - si même il est nécessaire - suffit ; que par ailleurs l'arrêté vise tant les meubles neufs que l'occasion ; que l'activité est la même, la vente de meubles ou d'articles d'ameublement étant celle visée, dès lors qu'elle est effectuée à titre onéreux ; que la prohibition édictée par l'arrêté préfectoral visé ne concerne pas seulement les établissements à objet exclusif de vente de meubles ; qu'il s'applique à tout établissement qui procède à la vente de meubles ; que les établissements à commerces multiples, dans lesquels s'effectuent, sans que l'un soit l'accessoire de l'autre, des commerces divers, dont celui de meubles et ameublement, sont soumis à ces dispositions ;
Attendu tout particulièrement qu'il est indifférent qu'un seul membre de la Chambre Syndicale exerce l'activité de dépôt-vente ou même celle de brocanteur, l'activité de vente de meuble sous toutes formes, telle que rappelée plus haut, étant la même ;
Attendu qu'ainsi, à ce titre également l'action est recevable, recevabilité dont la détermination supposait que le fond du litige soit étudié avant ce point de recevabilité ;
Attendu que l'arrêté préfectoral - qui n'est pas du 8 août 1974 comme l'énonce l'appelante - mais du 29 juillet 1974, est opposable à la société PAMACA ;
III- Attendu qu'il demeure à déterminer l'existence d'un préjudice ;
Attendu que les actes illicites commis ont permis de réaliser des profits de manière irrégulière au détriment des concurrents respectueux de la législation ; que le préjudice subi par la Chambre Syndicale est distinct du préjudice matériel subi par chaque membre concerné ; que le montant du préjudice pour la Chambre Syndicale n'est pas équivalent au surplus de profit par le produit qui résulte des ouvertures prohibées ;
Attendu que ce préjudice a été justement apprécié par les premiers juges à un montant de 50 000 F, qui doit être confirmé ;
Attendu par contre que le jugement doit être réformé en ce qu'il ordonne la cessation de cette activité pour l'avenir, avec astreinte ;
Attendu en effet que cette prohibition existe déjà, qu'elle procède de l'arrêté préfectoral lui-même, dont la Cour détermine seulement, à l'occasion des faits passés présentés, qu'il est applicable à ceux-ci ; que par suite l'arrêté est applicable nécessairement à toute circonstance future identique ; qu'il n'appartient donc pas à la juridiction d'énoncer une nouvelle prohibition générale venant se surajouter à la prohibition administrative applicable, ni de substituer ad futurum sur un préjudice encore incertain ;
Attendu que la somme allouée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est suffisante pour couvrir l'ensemble du litige ; que les dépens seront à charge de l'appelante ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en ce qu'il a dit recevable l'action de la Chambre Syndicale de l'Ameublement, en ce qu'il a condamné la SA PAMACA à lui payer les sommes de 50 000 F (cinquante mille francs) à titre de dommages et intérêts et 5 000 F (cinq mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour le surplus, Réformant et ajoutant, Rejette toutes autres demandes. Condamne la société PAMACA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.