CA Nîmes, 2e ch. B, 14 mai 1998, n° 97-521
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Plan SPG (SA)
Défendeur :
Graines Gondian (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseillers :
MM. Bestagno, Bancal
Avoués :
Me d'Everlange, SCP Tardieu
Avocats :
SCP Barthelemy Prud'homme, SCP Arnaud-Gasnier.
FAITS ET PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Attendu que le 2 août 1993, la société Graines Gondian a assigné devant le Tribunal de Commerce de Die la société Plan SPG en contrefaçon d'un emballage pour graines ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire ;
Attendu que par le jugement en date du 17 mars 1994, le Tribunal de commerce de Die s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce d'Avignon ;
Attendu que par un jugement en date du 24 janvier 1977, le Tribunal de Commerce d'Avignon a, après avoir déclaré recevable l'action en contrefaçon :
- interdit à la société Plan SPG de commercialiser le sachet " Le Paysan Sélection " sous astreinte de 10 000 F ;
- réservé les droits de la société Graines Gondian à faire statuer sur le préjudice qui lui a été causé par la société Plan SPG " ;
Attendu que par déclaration en date du 3 février 1997, la société Plan SPG a interjeté appel du jugement du 24 janvier 1997 ; qu'elle sollicite l'infirmation du jugement déféré et le rejet des demandes de la société Graines Gondian ; qu'à titre reconventionnel elle demande la condamnation de la société Graines Gondian à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts ; qu'elle demande à la Cour déclarer nul le modèle de la société Gondian ; qu'elle réclame la somme de 25 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; qu'elle fait notamment valoir :
- que l'action en contrefaçon de la société Graines Gondian est irrecevable par application des articles L. 512-2 du code de la propriété intellectuelle et 4 de l'arrangement de la Haye, faute d'avoir accompli les formalités propres à la législation française ;
- que l'action de la société Graines Gondian est irrecevable au regard de la loi du 11 mars 1957 faute pour cette société de justifier d'une cession de droits sur l'œuvre ;
- que le modèle déposé par la société Graines Gondian est nul ;
- que la société Graines Gondian sollicite la protection d'une forme d'emballage couramment usitée ;
- que le dépôt allégué par la société Gondian est nul faute de nouveauté ;
- que la société Gondian ne rapporte aucun fait de concurrence déloyale ou parasitaire ;
Attendu que dans ses écritures, la société Graines Gondian sollicite la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions ; qu'elle réclame la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; qu'elle fait notamment valoir :
- que son action en contrefaçon est recevable ;
- qu'il n'y avait pas lieu à respecter le formalisme du droit français dès lors que le dépôt avait été fait au " bureau international de Genève " ;
- qu'elle est bien propriétaire du droit d'auteur sur l'emballage créé en 1988 de sorte que son action est recevable au regard des dispositions de la loi du 11 mars 1957 ;
- que la commercialisation d'un produit par une société fait présumer sa qualité de propriétaire de l'œuvre à l'égard des tiers contrefacteurs ;
- que son modèle déposé n'est pas nul pour défaut de nouveauté ;
- que seul le critère d'originalité doit être rempli ;
- que " le choix d'envelopper le sachet de graines dans un sachet en aluminium dans un triptyque avec des volets détachables comprenant des indications et des informations est manifestement original et arbitraire " ;
- que la société Plan SPG s'est livrée à une concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Graines Gondian ;
- que les sachets de graines des deux sociétés sont ressemblants ;
- que les plaquettes publicitaires sont également ressemblantes ;
- que la société Plan SPG s'est rendu coupable de parasitisme ;
Attendu que la mise en état de la procédure à été clôturée le 20/3/1998 ;
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que la recevabilité de l'appel interjeté par la société Plan SPG n'est ni contestée ni contestable ;
Attendu qu'il est constant que les sociétés Plan SPG et Graines Gondian commercialisent toutes deux des graines, l'une dans le circuit de la grande distribution, l'autre dans le circuit de la distribution spécialisée des jardineries ; que l'emballage de ces graines fait l'objet du présent litige ; que les deux sociétés emballent leurs graines dans des sachets en forme de triptyque avec des volets détachables et comprenant des informations et conseils de culture ;
Sur la recevabilité de l'action en contrefaçon de la société Graines Gondian :
Attendu que la société Plan SPG soutient que l'action en contrefaçon de la société Graines Gondian ne serait pas recevable par application des articles L. 521-2 du Code de la propriété industrielle et de l'article 4 de l'arrangement de la Haye ; qu'à la suite du dépôt par la société Graines Gondian auprès de l'office Mondial de la Propriété intellectuelle et sous le numéro DM/013244 du modèle de ses emballages de graines, il n'a été satisfait à aucune des formalités exigées par la loi française ;
Attendu que la Cour relève qu'effectivement aucune publication du dépôt fait par la société Graines Gondian n'a eu lieu en France dans les formes exigées par le droit interne français ;
Attendu que l'article L. 512-2 du Code de la propriété Intellectuelle dispose que l'action en contrefaçon d'un modèle déposé n'est recevable qu'après la publicité du dépôt ; que l'article 4 de l'arrangement de La Haye dispose que la publicité sera considérée dans tous les pays contractants comme pleinement suffisante et aucune autre ne pourra être exigée du déposant sous réserve des formalités à remplir pour l'exercice du droit conformément à la loi intérieure ;
Attendu dès lors que la seule publication du dépôt au bulletin international de l'OMPI n'est pas suffisante pour exercer l'action de l'article L. 521-2 du Code de la Propriété Intellectuelle dès lors qu'il n'y a pas eu publication de ce dépôt par l'INPI ;
Attendu qu'il s'ensuit que l'action en contrefaçon engagée par la société Graines Gondian est irrecevable ;
Sur l'action en concurrence déloyale et parasitaire formée par la société Graines Gondian :
Attendu que la société Gondian soutient que les emballages de la société Plan SPG seraient identiques aux siens et créeraient une confusion ;
Attendu qu'en l'état des pièces soumises à la contradiction des parties, la Cour relève :
- que la commercialisation de produits dans des emballages en forme de triptyque est une pratique courante;
- que l'ensachage de graines dans un emballage en aluminium est également une pratique courante;
- que l'impression d'un calendrier de semis sur les emballages de graines est une pratique tout aussi courante;
- que les emballages des sociétés Gondian et Plan SPG sont différents et ne prêtent à aucune confusion;
- que leur taille respective n'est pas la même;
- que sur les emballages, la marque soit Gondian soit Le Paysan est bien visible et permet une identification rapide;
- que la forme de l'emballage est différente;
- que l'une est un triptyque rectangulaire ;
- que l'autre est un triptyque qui se termine en sa partie basse par un losange d'où apparaît le sachet aluminium contenant les graines ;
- que la découpe des volets du triptyque est totalement différente sur les deux modèles d'emballage ;
Attendu que la société Gondian ne saurait reprocher à la société Plan SPG d'avoir faite imprimer, à l'intérieur et à l'extérieur de ses emballages des conseils relatifs à la culture des graines vendues ; que les pictogrammes accompagnant ces conseils sont différents de ceux figurant sur les emballages de la société Gondian, étant précisé notamment que le dessin d'un soleil pour recommander une exposition ensoleillée est d'utilisation courante;
Attendu que la société Gondian soutient que les plaquettes publicitaires utilisées par la société Plan SPG créent une confusion ;
Attendu que les documents versés par la société Gondian aux débats ne sont pas des plaquettes publicitaires destinées au grand public; qu'il s'agit soit de revues destinées aux professionnels de la grande distribution soit des plaquettes publicitaires des agences de publicité elles-mêmes; qu'aucun des documents versés aux débats n'est de nature à constituer des actes de concurrence déloyale;
Attendu que la société Gondian soutient que la société Plan SPG se rendrait également coupable de concurrence parasitaire ;
Attendu que la Cour relève comme constant :
- que les deux sociétés Gondian et Plan SPG commercialisent leurs graines dans des circuits de distribution totalement différents (documents Nielsen) ;
- que la société Plan SPG a des parts de marché plus importantes que la société Gondian (document Nielsen) ;
Attendu qu'en l'état de ses écritures et de ses pièces, la société Gondian n'a pas démontré que la société Plan SPG se serait contentée d'utiliser ses propres initiatives et ses propres efforts de marchandisage pour entamer ses positions commerciales et ce alors même que la société Plan SPG a rapporté la preuve de ce qu'elle utilise depuis longtemps des emballages en forme de triptyques ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Plan SPG :
Attendu que la société Plan SPG soutient que les emballages de la société Gondian seraient en réalité une imitation de ses propres emballages ; qu'il convient de rejeter cette allégation pour les mêmes motifs que ceux qui fondent le rejet des demandes de la société Gondian à l'encontre de la société Plan SPG ; que les emballages des deux sociétés ne sont pas identiques ; que les emballages en forme de triptyques relèvent du domaine public tout comme l'impression de calendrier de semis et de conseils de culture agrémentés de pictogrammes ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société Graines Gondian, qui succombe, au versement d'une somme de 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, Vu l'ordonnance de clôture en date du 20/3/1998 ; Déclare recevable l'appel interjeté par la société Plan SPG ; Au fond Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ; Déclare irrecevable l'action en contrefaçon formée par la société Graines Gondian à l'encontre de la société Plan SPG ; Rejette toutes les demandes présentées par la société Graines Gondian à l'encontre de la société Plan SPG ; Rejette les demandes reconventionnelles présentées par la société Plan SPG à l'encontre de la société graines Gondian ; Condamne la société Graines Gondian à verser à la société Plan SPG une somme de 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Condamne la société Graines Gondian aux dépens et autorise Maître d'Everlange, titulaire d'un office d'avoué, à en recouvrer le montant aux conditions et formes de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.