CA Paris, 25e ch. B, 27 mars 1998, n° 95-21218
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SAPB Hoechst Behring (SA)
Défendeur :
Biomédical Diagnostic (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pinot
Conseillers :
M. Cailliau, Mme Maestracci
Avoués :
SCP Bernabe-Ricard, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Chesnelong, Levy.
LA COUR statue sur l'appel relevé par la société Hoechst Behring du jugement contradictoire, rendu, le 13 juin 1995, par le Tribunal de commerce de Meaux qui l'a déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Biomédical Diagnostic ci-après la société Biomédical, a rejeté la demande reconventionnelle formée par celle-ci et a condamné la société Hoechst Behring à payer 10 000 F par application de l'article 700 NCPC.
Référence faite aux énonciations du jugement ainsi qu'aux écritures des parties pour l'exposé des faits et des prétentions et moyens initialement soutenus, il suffit de rapporter les éléments suivants, nécessaires à la solution du litige.
La société Hoechst Behring, qui se trouve en concurrence sur le marché français de la distribution de réactifs utilisés pour le dosage des apolipaprotéines A1 et B avec la société Biomédical, a reproché à celle-ci des actes de concurrence déloyale par parasitisme pour avoir profité des efforts de recherche et d'investissements par elle entrepris afin d'élaborer de nouvelles normes de référence relatives au dosage précité et a sollicité la réparation de son préjudice, prétention à laquelle la société Biomédical a résisté au motif que les nouvelles normes de référence résultant du travail effectué par la société Hoechst Behring auraient été communiquées par leur syndicat professionnel, et qu'en tout état de cause la publication dans la plaquette qu'elle édite du nouvel étalonnage n'a pas causé à la société Hoechst Behring de préjudice réparable.
Par le jugement déféré, le tribunal, pour l'essentiel, a retenu que l'utilisation des valeurs de référence élaborées par la société Hoechst Behring, précision faite de la référence de la Commission de standardisation, ne constituait pas un agissement parasitaire dans la mesure où la démarche de la société Biomédical répondait à cette volonté de normalisation sollicitée par la Fédération Internationale de la Chimie Clinique (IFCC), sans que soit rapportée la preuve d'un détournement de clientèle ou d'une perte de chiffres d'affaires par la société Hoechst Behring, et que pas davantage n'était rapportée la preuve que l'action introduite par celle-ci tendait à entraver le jeu de la libre concurrence.
Appelante, la société Hoechst Behring soutient :
Que, pour se conformer aux recommandations de l'IFCC, elle a fait effectuer et a financé des travaux de recherche, et a exposé des frais de publicité importants, ayant permis la publication d'un chevalet aide-mémoire comportant les nouvelles normes de référence destiné à ses clients, éléments qui ont été repris par la société Biomédical dans sa note d'information technique,
Que l'agissement parasitaire de la société Biomédical serait établi, dans la mesure où celle-ci n'aurait pas fait mention de l'étude menée par sa concurrente laquelle entendait réserver les résultats de ses travaux à ses propres clients, qu'elle s'est ainsi appropriés, sans que celle-ci puisse prétendre que les résultats de ses travaux auraient été communiqués lors de la réunion du syndicat professionnel tenue au mois de janvier 1994,
Que le préjudice devrait être apprécié au regard de l'économie injustifiée que s'est ménagée la société Biomédical en s'appropriant les résultats des nouvelles normes de référence, nécessaires au succès de sa propre publication.
Elle demande, en conséquence à la Cour, par voie de réformation de la décision, de condamner la société Biomédical au paiement d'une indemnité de 300 000 F en réparation du préjudice consécutif aux agissements déloyaux et parasitaires commis par celle-ci, et de lui allouer en outre la somme de 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 NCPC.
Intimée, la société Biomédical conclut à la confirmation de cette décision et sollicite également le bénéfice de l'article 700 NCPC à hauteur de la somme de 50 000 F.
Elle fait valoir :
Qu'elle n'aurait pas détourné à son profit la campagne publicitaire réalisée par la société Hoechst Behring pour vanter ses produits, dans la mesure où elle n'aurait pas utilisé les résultats de l'étude,
Qu'il ne serait pas établi que la diffusion contestée ait constitué une valeur économique pour la société Hoechst Behring, étant observé qu'elle-même a réalisé une plaquette publicitaire pour commercialiser ses propres produits, et qu'en tout état de cause les nouveaux étalonnages n'auraient pas été susceptibles de modifier les réactifs commercialisés concurremment par les parties,
Que, en l'absence d'un détournement de clientèle, le préjudice allégué ne serait pas établi, pas plus que l'enrichissement procuré par la mention des nouveaux étalonnages.
Sur quoi, LA COUR,
Considérant qu'il est constant que la société Hoechst Behring et la société Biomédical sont en situation de concurrence sur le marché des réactifs en cause ;
Considérant que la société Biomédical a adressé une note d'information technique à ses clients en faisant état des nouvelles valeurs de référence concernant le dosage des apoliprotéines, établies par une étude française menée par deux laboratoires de la Commission de standardisation de l'Arcol sur 1325 individus et a communiqué ces nouvelles valeurs en précisant encore que " ces nouvelles recommandations et ces nouvelles valeurs de référence n'entraînent aucune modification de nos produits " ;
Considérant que contrairement à l'affirmation de la société Biomédical, il ne ressort nullement du compte rendu du syndicat des fabricants de réactifs de laboratoire de la réunion tenue, le 11 janvier 1994, la communication par la société Hoechst Behring des résultats des recherches entreprises par celle-ci ;
Que la société Hoechst Behring fait justement valoir que l'étude à laquelle il est fait référence dans ce document n'était pas achevée à la date de la publication de la note litigieuse par la société Biomédical ;
Considérant que l'examen de la plaquette diffusée par la société Hoechst Behring auprès de ses propres clients comporte une note de nature à valider les nouvelles normes en reprenant les nouvelles recommandations de l'IFCC, sur une population de 1325 individus, par deux laboratoires de la Commission de standardisation de l'Arcol " ;
Que ce sont ces indications qui ont été exactement reprises par la société Biomédical dans sa plaquette ;
Que, vainement la société Biomédical soutient que la société Hoechst Behring aurait elle-même assuré la diffusion des nouveaux résultats obtenus alors que manifestement l'aide-mémoire qu'elle a fait éditer est destiné à sa clientèle ;
Considérant que l'agissement parasitaire est constitué chaque fois qu'un concurrent utilise une valeur économique d'autrui, se procurant ainsi un avantage économique injustifié ;
Que tel est bien le cas en l'espèce, puisque la société Biomédical s'est appropriée les résultats obtenus par la société Hoechst Behring en se procurant un avantage économique puisqu'elle s'est dispensée d'effectuer les travaux nécessaires à l'obtention de ces résultats;
Qu'il s'ensuit que la société Hoechst Behring est fondée à solliciter la réparation de son préjudice correspondant à l'économie réalisée par la société Biomédical, sans qu'il y ait à rechercher une éventuelle perte de clientèle ;
Qu'en l'état des justifications produites par la société Hoechst Behring, concernant les investissements matériels et intellectuels assumés, il convient de lui allouer la somme de 300 000 F ;
Considérant que ni l'équité, ni les circonstances de l'espèce ne commandent de faire bénéficier la société Hoechst Behring des dispositions de l'article 700 NCPC ;
Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Condamne la société Biomédical à payer à la société Hoechst Behring la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts, Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire des parties, Condamne la société Biomédical aux dépens de première instance et d'appel, et Admet pour les dépens d'appel, la SCP Bernabe Ricard, avoué au bénéfice de l'article 699 du NCPC.