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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 24 octobre 1997, n° 95-21812

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Larroque

Défendeur :

Alizes Fidek (SA), Tifon (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocat :

Me Greffe.

T. com. Paris, 9e ch., du 29 juin 1995

29 juin 1995

Alizes fabrique des grilles de foyer de cheminées que commercialise la société Tifon. Elle est titulaire d'un modèle enregistré le 27 juillet 1982 à l'INPI sous le numéro 822597.

Se plaignant de la commercialisation d'une grille de foyer, sous la dénomination Airmaw Turbo, qui reproduirait le modèle déposé et invoquant également des droits d'auteur sur cette grille, Alizes et Tifon ont, après avoir fait procéder à ses saisies contrefaçon le 9 mai 1994 à la Foire de Paris et le 8 juin 1994 dans les locaux exploités par M. Larroque, fait assigner ce dernier devant le Tribunal de commerce de Paris, sur le fondement des Livres I et V du Code de la Propriété Intellectuelle, en contrefaçon et en concurrence déloyale pour obtenir notamment paiement de dommages intérêts.

M. Larroque avait soutenu que le modèle qui lui était opposé était dépourvu de toute originalité et de toute nouveauté au regard d'un brevet déposé par son père le 3 décembre 1974.

Par le jugement entrepris, le Tribunal, rejetant l'argumentation de M. Larroque, a :

- " dit que le modèle de grille de foyer Tifon avait été créé par Tifon qui en était propriétaire, ainsi que la société Alizes Fidek, société mère de Tifon,

- dit que le modèle était original,

- dit que le modèle de grille de commercialisé par M. Larroque sous le nom de Airmax Turbo avait contrefait le modèle Tifon,

- condamné M. Larroque à payer à Alizes, à titre de dommages-intérêts, la somme de 100 000 F pour concurrence déloyale,

- prononcé à l'encontre de M. Larroque des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication dans cinq journaux,

- alloué aux demanderesses une indemnité de 10 000 F pour les frais non taxables,

- ordonné l'exécution provisoire sauf sur la mesure de publication. "

M. Larroque, appelant, poursuit la réformation intégrale du jugement. Il soutient à titre principal que les éléments décoratifs de la grille-récupérateur de chaleur opposée ne sont que des caractéristiques mineures et qu'il s'ensuit que la création invoquée est dénuée d'originalité. Il conclut donc au rejet de toutes les demandes de ses adversaires.

Les Sociétés intimées demandent qu'il leur soit donné acte de ce que par procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 1995, Alizes a absorbé la société Tifon demanderesse initiale et a changé sa dénomination sociale prenant la dénomination Tifon de sorte qu'une seule société est présente en appel.

Tifon (nouvelle société) conclut à la confirmation du jugement et sollicite paiement de la somme de 30 000 F à titre de dommages intérêts pour résistance abusive, M. Larroque qui en était gardien s'étant abstenu de verser aux débats, les grilles objet des saisies.

Chacune des parties sollicite le bénéfice d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Sur ce :

Considérant que M. Larroque en appel ne discute pas la titularité des droits de Tifon au titre des droits d'auteur et de ceux attachés au dépôt du modèle ; qu'il conteste la nouveauté de la grille, relevant que :

- les éléments ornementaux d'une grille d'un récupérateur de chaleur sont des caractéristiques mineures et non visibles du consommateur,

- les dimensions de la grille sont déterminées par la taille des types de cheminée,

- le brevet du 3 décembre 1974 correspond à la grille que lui-même commercialise et antériorise le modèle ;

Considérant que le modèle déposé se caractérise par :

- un pare bûches constitué de piques taillées en biseau à leur extrémité supérieur,

- un caisson frontal, rectangulaire placé en avant de la herse de retenue des bûches,

- deux pommeaux situés au-dessus et de part et d'autre du caisson,

- une bouche de soufflage rectangulaire située sur la face avant du caisson, excentrée sur sa gauche ;

Considérant qu'il résulte de cette seule description que le modèle a une configuration particulière qui n'est pas liée à sa fonction de restitution de chaleur, ne serait-ce que par les lignes très géométriques de l'ensemble et par l'existence des pommeaux sur le caisson frontal ; que c'est à tort, et de manière d'ailleurs non pertinente, que Monsieur Larroque prétend que ces éléments ornementaux ne seraient pas vus par le consommateur qui en fait usage ; qu'en effet, la nouveauté du modèle s'apprécie non pas en fonction de l'usage mais au vu de ce qui est représenté sur le dépôt ;

Considérant que le brevet invoqué à titre d'antériorité concerne un récupérateur de chaleur qui présente dans ses dessins une forme toute autre que celui du modèle de Tifon, qu'il ne comporte notamment aucune représentation de piques en biseau et aucun pommeau ; que le modèle dont l'absence de nouveauté n'est pas démontrée, et qui ne présente nullement un caractère purement fonctionnel, est donc valable ; que cette œuvre est encore protégeable au titre du droit d'auteur dès lors qu'il résulte de la description ci-dessus énoncée que la grille de foyer présente par son dessin et la pureté de ses lignes l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;

Considérant, sur la contrefaçon, que (comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges en procédant à la comparaison entre le modèle déposé et le modèle commercialisé sous le nom Airmax tel qu'il résulte du prospectus publicitaire) les caractéristiques du modèle invoqué se retrouvent de manière quasi identique dans l'objet incriminé, y compris dans la reprise des pommeaux ; que le jugement qui a retenu la contrefaçon sera donc confirmé ;

Considérant que la copie quasi servile du modèle de Tifon, dans des dimensions non dictées, contrairement à ce qui est affirmé par M. Larroque, par des nécessités techniques, est un acte distinct de la contrefaçon qui justifie, en raison du risque de confusion qui en résulte, la condamnation pour concurrence déloyale; que le jugement sera également confirmé de ce chef ;

Considérant qu'aucun élément nouveau en appel ne permet de modifier le montant des dommages intérêts exactement fixés par les premiers juges tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence déloyale ; que le jugement mérite confirmation ;

Considérant qu'il y a lieu de confirmer également les mesures d'interdiction et publication sauf pour ces dernières à les limiter à une publication dans trois journaux (sans modifier le montant des frais, de 10 000 F par insertion maintenue, mis à la charge de M. Larroque) ;

Considérant que le comportement de M. Larroque qui n'a pas répondu à la demande de production des objets saisis dont il avait été constitué gardien est particulièrement fautif et justifie l'allocation de la somme de 30 000 F sollicitée à titre de dommages intérêts pour résistance abusive ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Tifon une indemnité complémentaire de 8 000 F pour ses frais non taxables d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement, sauf sur la mesure de publication ; Le réformant de ce seul chef, statuant de nouveau et ajoutant, étant précisé que les condamnations prononcées le sont au bénéfice de la société Tifon : Limite les mesures de publication ordonnées à trois journaux ; Dit que la publication tiendra compte du présent arrêt ; Condamne M. Larroque à payer à la société Tifon la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; Le condamne à payer à la société Tifon la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne M. Larroque aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Teytaud, avoués, selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.