CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 11 septembre 1997, n° 5802-94
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
New Software Associates (SARL)
Défendeur :
Alpha Link, Scigma Link (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franck (faisant fonction)
Conseillers :
MM. Limoujoux, Boilevin
Avoués :
Me Bommart, SCP Fievet Rochette Lafon
Avocats :
Mes Najsztat, Benoist de Witt.
I - Faits et procédure
Le 14 Novembre 1991, la SARL New Software Associates (NSA), Société de conseil et services en informatique, a embauché Mlle Barge en tant qu'ingénieur commercial à compter du 16 Décembre 1991, le contrat comportant une clause de non-concurrence de 24 mois à l'issue de son départ de la société.
Le 18 Novembre 1994, NSA a conclu avec la SA Scigma Link (SL), Société d'informatique, un contrat de sous-traitance d'une durée d'un mois renouvelable relativement à des chantiers suivis par Mlle Barge.
Ce contrat comportait une clause par laquelle la sous-traitante s'interdisait pendant la durée du contrat et un an après, de démarcher le client de NSA.
De la fin décembre 1992 à la fin janvier 1993, plusieurs collaborateurs de NSA ont démissionné et ceux-ci ont été embauchés par la Scigma Link.
Le 12 février 1993, NSA a prononcé le licenciement de Mlle Barge pour faute lourde constituée par des actes de concurrence déloyale et des manœuvres de déstabilisation envers le personnel de la société.
Mlle Barge a déposé le 14 avril 1993, au Greffe du Tribunal de Commerce de Paris les statuts d'une SARL Alpha Link (AL) dans laquelle a été nommée gérante, statuts signés en réalité le 19.01.1993.
Cette société a pour objet des prestations de services et de vente de matériels informatiques et Mlle Barge en détenait 53 % des parts, SL en a souscrit 40 % et le responsable de l'informatique d'un des clients de NSA (Colgate), 5 %.
Début 1993, NSA a perdu un certain nombre de ses clients.
Par l'assignation du 6 Décembre 1993, NSA a demandé au Tribunal de Commerce de Nanterre de condamner les Sociétés AL et SL in solidum à lui payer la somme de 1 411 958 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice économique, la somme de 500 000 F de dommages-intérêts pour dommage moral et trouble commerciale provoqués par leur concurrence déloyale, outre la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Par jugement du 24 juin 1994, le Tribunal de Commerce de Nanterre a seulement condamné la SA Scigma Link à payer à la SARL NSA la somme de 59 500 F de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ainsi que la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Pour statuer ainsi, les premiers juges ont considéré que SL avait débauché deux collaborateurs, Messieurs Paix et Vieville, détachés par NSA chez le client Procrédit, et avait aussi commis un détournement de la clientèle constituée par la Société Procrédit elle-même.
Le 18 juillet 1994, la NSA a interjeté appel du jugement.
II - Thèse en présence
L'appelante soutient que non seulement deux de ses collaborateurs ont été employés dans la Société SL, mais encore que Monsieur Meynard, en mission chez Colgate Palmolive, a démissionné de ses fonctions pour entrer à la Société SL.
Dès lors, elle affirme que, mis à part deux de ses collaborateurs qui ont démissionné de chez elle, le débauchage des salariés caractérise les faits de concurrence déloyale.
De même, elle prétend démontrer qu'elle a été victime d'une captation de clientèle, notamment celle des Sociétés Colgate-Palmolive et Société Générale. Elle estime au regard d'une attestation de Monsieur Perrin, en date du 7 avril 1993, déclarant avoir vu dans le bureau de la Société Générale de Monsieur Heegi, Mlle Barge lui présentant une personne n'appartenant pas aux effectifs de NSA, rapporter la preuve de la collusion de celle-ci avec des cadres de la Société Générale.
Par ailleurs, elle prétend démontrer que la Société AL dont Mlle Barge est la gérante, a été l'auteur d'une concurrence déloyale dès lors que les actionnaires constituant cette société savaient que celle-ci était liée à NSA par un contrat comprenant une clause contre des actes de concurrence déloyale.
En conséquence, elle sollicite la condamnation in solidum des intimés au paiement des sommes :
- de 1 411 958 F en réparation de son préjudice économique,
- de 500 000 F en réparation du dommage moral et du trouble commercial, outre la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Enfin, elle demande l'autorisation de faire publier dans deux journaux, revues ou magazines de son propre choix, des extraits du jugement à intervenir aux frais des intimés pour un coût minimum de 10 000 F par insertion.
Les intimées, Scigma Link et Alpha Link, s'attachent à réfuter l'argumentation de leur adversaire et sollicitent l'infirmation de la décision.
Ils demandent de voir condamner l'appelante au paiement pour chacune de la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 Novembre 1996 et l'affaire a été examinée le 6 Mars 1997.
III - Sur ce, LA COUR
A) Sur les manœuvres des Sociétés Scigma Link et leurs dirigeants
Considérant que le 14 Novembre 1991, NSA a embauché Mlle Marie-Claire Barge à compter du 16 Décembre 1991, en qualité d'ingénieur commercial, comprenant une clause de non-concurrence limitée à la région parisienne et à l'activité objet du contrat de travail valable deux ans après son départ éventuel ;
Qu'en exécution d'un contrat du 25.03.1992 signé entre NSA et Colgate-Palmolive, Mlle Barge est chargée de la supervision de la mission en qualité de " assistante technique ", tel que cela ressort de la lettre qui est adressée à celle-ci par le client (n° 26 Maître Collas avocat) le 26.05.1992 ;
Qu'en plus du contrat Colgate-Palmolive, Mlle Barge est également chargée de la supervision des dossiers :
- Alpha Assurance (Guy)
- Société Générale (Perrin)
- Procrédit (Vieville/Paix)
Qu'il n'est pas dénié par la Société Alpha Link dont la gérante est Mlle Barge, qu'à compter d'octobre 1992 NSA a constaté que le développement commercial de celle-ci a stagné ;
Qu'en outre, à la même époque, elle a convaincu la direction de retenir la Société Scigma Link en qualité de sous-traitant, ce qui a été fait par un contrat établi et signé à cet effet le 18 Novembre 1992, (pièce n° 20) dans lequel figure également une clause de non-embauche de ses personnels respectifs (article 7.2) et de non-concurrence spécifiquement en rapport avec le contrat Colgate-Palmolive (article 7.2 bis) ;
Que le directeur de NSA par précaution et en présence de la démission inexpliquée de plusieurs salariés dont Mlle Barge entre le 15 Janvier et le 27 Janvier 1993, a fait compléter par Scigma Link son contrat de sous-traitance par une lettre en date du 28 Janvier 1993 par laquelle le Président de Scigma M. Bartholome, s'est engagé à " n'entreprendre aucune action commerciale dans le secteur de la gestion commerciale dirigée par Monsieur Guillemet " (directeur de l'informatique de Colgate à Courbevoie) ;
Qu'en effet, dès le 28.12.1992, Monsieur Meynard travaillant pour NSA chez Colgate, démissionne et souhaite précipitamment être libéré le 27 Janvier 1993 ;
Que le 27 Janvier 1993, deux autres salariés Messieurs Paix et Vieville démissionnent par lettre du même jour, alors qu'ils travaillaient sans difficulté pour NSA chez le client Procrédit ;
Qu'enfin, le 15 Janvier 1993, Mlle Barge avait démissionné proposant de raccourcir son préavis de 3 mois, ce pour " convenance personnelle " ;
Que l'appelante invoque le fait que Mlle Barge gérante de Alpha Link, est en réalité à l'époque des faits la compagne de Monsieur Bartholome, PDG de Scigma Link, pour expliquer deux circonstances :
- l'insistance de Mlle Barge auprès de son employeur afin que NSA retienne et consente un contrat de sous-traitance avec Scigma Link,
- la signature d'un chèque de Scigma Link par Mlle Barge, alors que celle-ci n'est officiellement ni salariée ni mandataire social de cette SA ;
Considérant que les présomptions de collusion délibérée entre Mlle Barge et M. Bartholome se trouvent confirmées par les faits suivants :
- Scigma Link constituée le 02.04.1991, qui a une activité identique à celle de NSA, détient 40 % du capital de Alpha Link, 53 % par Mlle Barge et 5 % par Monsieur Alain Guillemet, directeur de l'informatique de Colgate-Palmolive, société cliente à l'origine de NSA,
- les statuts de la SARL AL ont été signés par Mlle Barge le 19.01.1993, soit 4 jours après sa démission par lettre du 15 Janvier,
- l'objet de AL qui est identique à NSA, a pour adresse le même siège social que Scigma Link (PV de constat de Maître Cohen, huissier à Saint-Cloud du 11.10.1993, et de Maître Bego, huissier à Paris du 14.10.1993, pièces 30, 34 bis, 35 à 37),
- le dépôt des actes de modification du siège social transposé de Paris à Nanterre a été opéré au greffe du Tribunal de Commerce de Nanterre le même jour (18.11.1993) sous les n° respectifs 26 473 et 26 474 (extrait Kbis du 22.11.1993 pièces 2 et 3),
- que leur dénomination sociale est connexe par le support identique Link,
- Mlle Barge a été nommée gérante de la SARL AL statutairement sans limitation de durée (article 13 in fine), et M. Patrick Bartholome exerce les fonctions de dirigeant de droit de Scigma Link, mais compte-tenu des liens personnels entretenus avec Mlle Barge et la détention à eux deux de 93 % de AL, celle-ci qui est en dépendance totale de Scigma Link, est capable de parasiter NSA ;
Que cette intention qui s'est réalisée par la suite ressort d'une attestation (19.07.1993) d'une ancienne " ingénieur d'affaires ", fonction équivalente à celle de Mlle Barge qui indique que cette dernière dès novembre 1992 ne cachait pas ses projets et travaillait déjà de fait pour Scigma Link et préparait la création de Alpha Link ;
Qu'en conséquence, il résulte des contestations ci-dessus qu'au cours de l'exécution de son contrat de travail et en tout état de cause, alors que son préavis de travail n'était pas expiré, Mlle Barge a conçu avec Scigma link un projet de parasitage et de déstabilisation de NSA et a commencé à le réaliser par la création d'une société écran AL qui a réuni un concurrent et un des cadres, spécialisé et responsable de l'informatique de son client Colgate, dossier qu'elle avait en charge, ceci afin d'échapper à ses obligations contractuelles de non-concurrence contenue dans son contrat de travail du 14.11.1991 ;
Quant aux agissements de Scigma Link, ils ont été pertinemment identifiés et sanctionnés par les premiers juges dont les motifs non contraires à ceux de la Cour seront confirmés sur ce point ;
B) Sur le débauchage de personnel
Considérant qu'il est établi que concurremment aux manœuvres mises en place par Mlle Barge et Scigma Link, M. Antoine Meynard (en mission chez Colgate) a démissionné le 28 Décembre 1992, sans aucun motif sérieux, alors qu'il était embauché depuis seulement le 16 Mars 1992 en qualité d'analyste-programmeur et en conséquence libéré de son préavis le 8 Janvier 1993 ;
Que Scigma Link n'a pas nié avoir embauché Monsieur Meynard, mais le PDG de cette société concurrente a refusé, malgré une double sommation (PV des 11.10.1993 précités) de communiquer le registre obligatoire de son personnel ;
Que Monsieur Yvon Vieville (en mission chez Procrédit) qui avait été embauché le 12 Février 1990, a donné sa démission le 27.01.1993 demandant à être libéré un mois plus tard ;
Qu'il est établi que réembauché par Scigma Link, il est resté chez Procrédit au même poste (pièces 17 à 19) ;
Que Monsieur Bruno Paix (en mission chez Procrédit) embauché au sein de la Société NSA Lille le 27 Février 1989, a remis sa démission le 27 Janvier 1993 demandant à être précipitamment libéré au bout d'un mois, alors que son préavis expirait le 27 mars suivant (pièces 11, 12), ce que NSA a été obligée de lui rappeler ;
Que par lettre de son propre client Procrédit (11.10.1993) NSA a reçu confirmation que cet analyste-programmeur est resté chez Procrédit au même poste pour le compte de Scigma Link (pièce n°19) ;
Que la Cour relève que les lettres des deux démissionnaires ont été établies le même jour en des termes très proches, sans aucun motif avéré et pour une sortie à la même date ;
Considérant qu'il résulte d'une attestation du 05.04.1993 (pièce n°31), que d'autres propositions ou manœuvres ont été faites par Mlle Barge en rapport avec Scigma Link envers ou contre divers salarié de NSA, qui n'ont pas accepté ou sont revenus sur leur décision et dont il résulte clairement le projet avéré de Mlle Barge de créer sa propre société concurrente même au détriment de NSA ;
Que le dernier avatar de ces manœuvres déloyales est illustré par le cas de Monsieur Jorez, salarié déjà embauché par contrat en date du 13 Novembre 1992 et qui a fait savoir téléphoniquement le 10.02.1993 que finalement il ne prendrait pas ses fonctions qu'il devait prendre chez Colgate-Palmolive, dont le directeur informatique n'était autre que Monsieur Guillemet, porteur de 5 % des parts de Alpha Link depuis le 19.01.1993 ;
Que devant l'ensemble des éléments objectifs et le faisceau de présomptions graves, précises et concordantes rappelées ci-dessus, la direction de NSA, afin de tenter de limiter les conséquences pouvant découler des agissements de Mlle Barge, a enclenché une procédure de licenciement : mise à pied conservatoire le 28.01.1993 et définitive pour fautes lourdes le 02.02.1993 entretien préalable le 09.02.1993 et notification du licenciement pour les mêmes motifs le 12.02.1993 ;
Considérant qu'en dehors de cette procédure spécifique ressortissant de la compétence du Conseil des Prud'hommes devant lequel elle est pendante, l'ensemble des démissions enregistrées dans un laps de temps très court de un mois (28.12.1992 à 28.01.1993), de techniciens hautement qualifiés " analystes-programmeurs " travaillant sur site des clients directs de NSA ou confiés en sous-traitance à Scigma Link par elle, constitue autant de manœuvres déloyales tendant à déstabiliser massivement le service entier confié à Mlle Barge en sa qualité d'assistant clientèle et propre en conséquence à ruiner une partie déterminante de l'activité économique de la société parasitée, afin d'en capter de manière déloyale une partie de la clientèle;
C) La captation de clientèle
C1 - Le 16 Décembre 1992, NSA organisait une conférence-débat avec les clients ; Claire Barge était en arrêt maladie pendant la semaine du 14 au 18 Décembre ; aucun des clients dont elle avait la charge n'assistait à cette conférence ; au cours de sa semaine d'arrêt, Claire Barge était injoignable au téléphone, tous les appels parvenaient à un répondeur ;
C2 - Considérant qu'il est ainsi apparu que Claire Barge était intervenue directement auprès de certains clients pour faire cesser les contrats avec NSA (attestation Perrin du 07.04.1993) afin de leur présenter des personnes n'appartenant pas au personnel de NSA ;
Que le résultat n'a pas manqué dès lors que le 28.01.1993, soit le jour même de la mise à pied de Mlle Barge et des démissions des techniciens Paix et Vieville, la Société Générale a rompu son contrat sur un motif non explicite dans sa lettre du 03.02.1993 (pièce n° 24) ;
Que d'une part, il y a lieu de souligner que le technicien Perrin était en mission de délégué aux études informatiques de la DRH, de la Société Générale depuis octobre 1992 sans avoir fait l'objet d'aucune remarque quant à sa compétence ;
Que d'autre part, la Société Alpha Link ne répond pas sur l'attestation de ce dernier qui affirme avoir vu Mlle Barge le 19 Janvier dans les locaux de la Société Générale et plus précisément dans le bureau du DRH, Monsieur Haegi ami de celle-ci, lui présentant une personne n'appartenant pas aux effectifs de NSA ;
Qu'au surplus, l'appelante affirme que Mlle Barge ne s'est pas acquittée de sa mission tendant à prendre rendez-vous avec la Société Générale pour y présenter Mlle Meguelati, salarié de NSA et que ce rendez-vous pour cause n'a jamais été fixé ;
Que cette circonstance n'a pas été démentie par ses adversaires, nécessairement concernés pour avoir accepté Mlle Barge comme gérante de Alpha Link également " filiale " à 40 % minimum de Scigma Link ;
C3 - Considérant que le 15 Mars 1993, la Société Procrédit, client de NSA suivi par Claire Barge, a dénoncé son contrat par anticipation dès le 15 Mars 1993, soit moins d'un mois après la démission de Monsieur Paix et avant même l'expiration du préavis de Monsieur Vieville (27.03.1993) ;
Que la Cour a déjà relevé que par lettre du 11.10.1993, Procrédit - réalisant vraisemblablement le danger de se prêter à ces manœuvres déloyales - a préféré reconnaître que les deux anciens techniciens travaillaient toujours chez elle, mais pour le compte de Procrédit (pièce n° 19) ;
C4 - Considérant que pour le contrat " Colgate-Palmolive " n° 92009 en date du 25 Mars 1992, comportant une clause de non-sollicitation du personnel, les intimés croient pouvoir estimer que la concurrence n'a pas pu produire son effet dès lors que Mlle Béatrice Paillaux, salariée de NSA intervient encore pour ce client ;
Que cette considération est étrangère aux griefs reprochés et établis (infraction aux clauses de non-débauchage ci-dessus) ;
Qu'au surplus il n'est pas contestable que du fait des manœuvres conjointes de Mlle Barge, M. Bartholome de Scigma Link et M. Guillemet, directeur de l'informatique chez Colgate, tous actionnaires de AL, il était aisé pour donner le change devant la tournure judiciaire prise par les infractions aux stipulations contractuelles de non-concurrence (procédure Prud'hommes et assignation devant le Tribunal de Commerce de Nanterre le 06.12.1993) de laisser Mlle Paillaux continuer son contrat, et qu'en tout état de cause l'ingérence fautive des intimées dans l'activité informatique de Colgate s'est nécessairement traduite par la perte du développement de la propre activité de NSA chez cette société cliente et ce en raison directe des manœuvres déloyales de celles-ci ;
Que par ailleurs, il convient de rappeler que les manœuvres de déstabilisation des intimés se sont traduites notamment par les faits suivants :
- Monsieur Jorez aurait dû intervenir au nom de NSA chez Colgate et y a renoncé,
- Monsieur Meynard y était détaché et a été le premier à démissionner le 28.12.1992 pour reprendre chez Scigma Link d'autres chantiers ;
Qu'il convient en effet de considérer que l'interlocuteur de NSA chez Colgate, Monsieur Guillemet, intervenu au capital d'Alpha Link à hauteur de 5 %, du fait de ses relations avec les sociétés intimées et de ses intérêts, ne pouvait se comporter depuis des mois en intermédiaire fiable et impartial dans les événements qui ont suivi ;
Que de même, Monsieur Bartholome, sous-traitant de NSA-Scigma Link, intervenant chez le client Colgate, n'a pas informé son donneur d'ordre de ses prises de participation chez Alpha Link, ce en infraction à ses engagements du 18.11.1992, réitérés le 28.01.1993 (pièces 20 et 21), de n'entreprendre aucune action commerciale auprès du secteur dirigé par Monsieur Guillemet ;
Qu'en conséquence, tant par la nature précise, construite et déterminée des manœuvres de camouflage des activités transfuges de Mlle Barge dès novembre 1992, puis par la création de Alpha Link, ensuite par les actions parasitaires ayant abouti à la désorganisation d'un service entier composé de techniciens hautement qualifiés dont Mlle Barge avait l'emploi dans le cadre des contrats principaux de clientèle qui lui étaient dévolus (Société Générale, Procrédit, Colgate), que par la perte provoquée, même partielle, de la clientèle, soit pour mieux la récupérer à travers une société introduite comme sous-traitante soit en attirant comme actionnaires dans une autre société écran Alpha Link, un cadre haut niveau du service informatique d'un " grand compte ", interlocuteur habituel du donneur d'ordre, ces agissements constituent les éléments fautifs de la concurrence déloyale, lesquels doivent être sanctionnés comme tels;
D) Sur le préjudice
Considérant que l'ensemble de ces agissements, menés conjointement par les sociétés intimées, ont provoqué un préjudice important déjà consommé ;
Que la Cour estime les éléments contenus au dossier suffisant (pièces 34, 1 annexe, 20 conditions particulières, n° 14 p.7, n° 13 p.7, n° 10 et 25, n°22 annexe 1 et 2, et n° 26 annexe 1) pour fixer le dommage subi par NSA par suite de la captation parasitaire d'une partie de sa clientèle, par le débauchage déstabilisant de son personnel et toutes autres manœuvres ci-dessus décrites, à l'équivalent de 6 mois de profit brut arrondi à la somme de 600 000 F (six cent mille francs) que devront régler, solidairement les Sociétés Alpha Link et Scigma Link en réparation du préjudice économique ;
Considérant que la notion de moralité doit également s'appliquer même dans les affaires et qu'en l'espèce, le trouble ressenti par la personne morale, SARL NSA, est évident notamment en termes de communication interne à l'entreprise ;
Que de même, au plan de la communication externe la déstabilisation partielle de NSA n'a pu qu'apparaître aux yeux de ses autres concurrents ou de ses clients comme une faiblesse propre à compromettre la fiabilité et le secret des données confiées en traitement ;
Qu'il échet en conséquence de réparer ce dommage par l'allocation d'une somme forfaitaire de 100 000 F, que devront régler solidairement les Sociétés Alpha Link et Scigma Link ;
Qu'en outre les intimées seront solidairement condamnées à régler la publication des extraits choisis du présent arrêt dans les deux supports choisis par NSA, ce à hauteur de 10 000 F pour chacune des deux insertions ;
E) Sur les autres demandes
Considérant que les intimées qui succombent au principal seront déboutées de toutes leurs demandes accessoires, mais devront régler les dépens de l'appel ;
Qu'en revanche, les circonstances de la cause rendent inéquitable pour l'appelante la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour soutenir ses intérêts ;
Qu'il échet en conséquence et sur le fondement de l'article 700 du NCPC, de condamner solidairement les Sociétés Scigma Link et Alpha Link à verser à l'appelante la somme de 30 000 F en cause d'appel ;
Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la SARL New Software Associates en son appel, régulier en la forme, Le dit bien fondé, Réforme partiellement le jugement entrepris (n° 94F00193), Statuant à nouveau, Constate que les Sociétés SA Scigma Link et SARL Alpha Link ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la SARL New Software Associates, notamment par des manœuvres dolosives et actes parasitaires, débauchage en nombre de personnel qualifié, captation de clientèle ; Condamne solidairement la SARL Alpha Link et la SA Scigma Link à verser à la SARL New Software Associates la somme de 600 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique ; Confirmant pour le surplus, Et y ajoutant, Condamne solidairement la SARL Alpha Link et la SA Scigma Link à verser à la SARL New Software Associates la somme de 100 000 F en réparation du préjudice commercial subi par ladite personne morale ; Condamne solidairement la SARL Alpha Link et la SA Scigma Link à verser à la SARL New Software Associates la somme de 20 000 F affectée à la publication de deux insertions d'extraits du présent arrêt, dans deux supports au choix de la SARL New Software Associates, victime des agissements délictueux ; Condamne solidairement la SARL Alpha Link et la SA Scigma Link à verser à la SARL New Software Associates la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, en cause d'appel ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires comme étant irrecevables, mal fondées ou sans objet ; Condamne solidairement la SARL Alpha Link et la SA Scigma Link aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par Maître Bommart, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.