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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 5 mai 1997, n° 95-00387

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Process Data Informa (SARL)

Défendeur :

Datalogic (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

MM. Boutie, Kriegk

Avoués :

SCP Rives Podesta, SCP Nidecker Prieu

Avocats :

Mes Duguet Morelle, Bounie Levrat.

T. com. Toulouse, du 21 déc. 1994

21 décembre 1994

La SARL Datalogic est une société informatique qui développe des logiciels fonctionnant sous plate-forme Dos/Windows destinés au marché de l'horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie. La SARL Process Data est une société concurrente dans le même domaine mais son logiciel fonctionne sous le système d'exploitation Unix.

Dans la revue Le Bijoutier du mois de mars 1994 n° 613 paraissait une plaquette publicitaire de la SARL Datalogic dans laquelle cette société se baptise " n°1 de l'informatique HBJO ". De même, s'y trouve une interview du PDG de cette société dans laquelle ce dirigeant, répondant aux questions du journaliste, répondait notamment :

"... Nous ne nous battons pas à propos des notions marginales des systèmes d'exploitation. Datalogic est dans le standard du marché...

Dans le secteur de la bijouterie, les produits Dos (avec ou sans Windows) représentent plus de 85 % du marché en nombre de systèmes installés. Les autres systèmes sont marginaux et par rapport à l'environnement, ils ne progressent pas sur le marché HBJO...

Techniquement, c'est une erreur d'embarquer les clients sous un système d'exploitation tel qu'Unix. Dans la micro-informatique, c'est un système qui d'office régressera dans les prochaines années. Tous les instituts de sondage le prouvent...

Sur 3 000 bijoutiers informatisés, on recense 300 systèmes sous Unix, quelques dizaines sous Prolog, quelques uns sous Macintosh. Cela représente 15 % de produits en dehors du système Dos...

Datalogic a un potentiel immense. L'informatisation est devenue incontournable. C'est la survie du détaillant.

Chaque fois que Datalogic répond à un véritable cahier des charges dans la profession, nous le rapportons ; car il ne s'agit plus d'un choix affectif mais véritablement d'un choix technique, mettant en jeu la solidité de la conception de Bijoux Plus. Notre produit est aujourd'hui simple, puissant et le plus ouvert vers l'avenir ".

Estimant que, par ces propos, la SARL Datalogic s'était rendue coupable de concurrence déloyale par dénigrement et de fausse publicité, la SARL Process Data l'assignait en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 21 décembre 1994, le Tribunal de commerce de Toulouse :

- constatait que l'acte de dénigrement n'est pas constitué,

- constatait encore que le grief de fausse publicité n'existait pas,

- décidait que les conditions définies par la jurisprudence de l'article 1382 du Code Civil n'étaient pas réunies,

- décidait que le lien de causalité et le préjudice n'étaient ni établis ni prouvés,

- décidait que l'action en concurrence déloyale n'était pas fondée,

- déboutait la SARL Process Data de ses demandes et allouait à SARL Datalogic la somme de 20 0000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par déclaration en date du 29 décembre 1994, dont la régularité n'est pas contestée, la SARL Process Data relevait appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées les 28 avril 1995 et 25 février 1997, elle soutient que les éléments ci-dessus rentrent bien dans le champ d'application des dispositions de l'article 1382 du Code Civil tel que défini par la jurisprudence car, même si elle n'est pas nominativement citée, elle peut être facilement reconnue car elle est la seule à développer un logiciel spécifique sous Unix. Elle insiste sur les termes employés à dessein et sur la dénaturation des chiffres. Elle demande encore que soit sanctionnée la publicité mensongère de se prétendre N° 1 de l'informatique HBJO.

Elle conclut à la réformation du jugement et à l'allocation de la somme de 1 000 000 F avec intérêts de droit à compter de l'assignation avec publication de l'arrêt dans trois journaux qu'elle indique. Elle réclame encore la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Son adversaire, dans ses écritures déposées les 14 janvier et 4 mars 1997 estime que les premiers juges ont fait une exacte application des règles de droit aux éléments de l'espèce. Elle sollicite donc la confirmation du jugement entrepris et réclame encore la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, en réparation de son préjudice moral et celle de 20 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles.

Sur quoi,

Attendu que l'ordonnance de clôture intervenait le 27 février 1997 ; que cette date était connue des avoués de la cause depuis le 21 janvier 1997 ; que malgré cela, la SARL Process Data déposait de nouvelles conclusions le 25 février 1997 ;

Qu'il appartenait à la SARL Datalogic, au vu de ce dépôt qu'elle pouvait considérer comme tardif, de déposer immédiatement des conclusions demandant que la clôture ne soit pas prononcée afin de pouvoir répondre à ces dernières écritures ; que d'ailleurs, cette société intimée a laissé passer près de deux années sans répondre aux conclusions d'appelant et que ce n'est qu'au tout dernier moment qu'elle déposait ses écritures et communiquait des pièces ;

Attendu en conséquence qu'il sera fait droit aux demandes de la SARL Process Data et que les conclusions déposées par la SARL Datalogic le 4 mars 1997 et les pièces communiquées le 5 mars 1997 seront déclarées irrecevables ;

Sur la publicité mensongère

Attendu que la société appelante reproche à la SARL Datalogic de s'être intitulé dans son encart publicitaire " N° 1 en informatique HBJO " car aucune classification objective ne lui permet de se décerner cette place et que, ce faisant, elle lui crée un préjudice ;

Mais attendu qu'il n'est pas contesté que la SARL Process Data s'est intitulée elle même N° 1 de l'informatique dans diverses publicités parues de 1988 à septembre 1993 ; que d'autres sociétés informatiques s'intitulent de même ;

Que surtout, il résulte d'une enquête effectuée dans le marché de la bijouterie en octobre 1993, date de l'interview, par la société Egga International que " le bijoutier équipé par Datalogic arrive largement en tête avec 21,3 % du marché, ce qui signifie de l'ordre de 782 bijouteries installées alors que la société Process SARL Datalogic arrive en 2e position avec 8,2 % ;

Qu'ainsi, même si cette étude n'est pas visée dans la publicité litigieuse, elle suffit à démontrer l'absence de mauvaise foi de la SARL Datalogic et le caractère sérieux de cette affirmation ;

Qu'en outre, ce caractère est conforté par l'informatisation des magasins telle que décrite par l'intimée dans ses conclusions recevables et non contestée par la société appelante ;

Qu'enfin, la SARL Process Data ne démontre pas en quoi cette publicité, à la considérer comme fausse, lui aurait causé un préjudice personnel et direct ;

Qu'ainsi, le jugement déboutant la SARL Process Data de ce chef de demande sera confirmé ;

Sur la concurrence déloyale

Attendu que la société appelante explique que les propos tenus par le dirigeant de la SARL Datalogic et rapportés ci-dessus s'analysent en un dénigrement constitutif de concurrence déloyale à son égard ; que notamment, en affirmant que " c'est une erreur d'embarquer les clients sous un système d'exploitation tel qu'Unix ", il y a dénigrement caractérisé d'un système concurrent qui est par elle commercialisé ; que ce système est présenté comme marginal par rapport au système Dos de SARL Datalogic, présenté comme le standard du marché ; qu'en affirmant encore que le système Unix " d'office régressera dans les prochaines années ", elle le fait passer comme un système dépassé, appartenant au passé ;

Attendu en droit que constitue un dénigrement toute action tendant à déprécier ou à discréditer l'industrie, le commerce ou les produits d'un concurrent dont l'identification doit être certaine ; que cette action, constitutive d'une faute même non intentionnelle, doit avoir créé au concurrent lésé un préjudice certain, en relation de causalité directe avec cette faute ;

Attendu qu'en l'espèce que jamais le nom de la SARL Process Data n'est cité dans ledit article ;

Que contrairement à ses affirmations, la SARL Datalogic démontre que la société appelante n'est pas la seule à développer un logiciel sous le système Unix, qui n'appartient d'ailleurs pas à la SARL Process Data ;

Qu'en octobre 1993, date de l'interview, la société Groupe 21 développait un logiciel sous ce système d'exploitation à destination des bijoutiers puisqu'elle avait informatisé en partie le groupe Codhor ;

Que les sociétés SAARI et SYBEL éditent également des logiciels sous Unix qui, même s'ils ne sont pas spécifiques aux bijoutiers, s'adaptent à leur profession s'agissant de logiciels de gestion de stocks et de facturation généralistes ;

Qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de se livrer à une analyse précise des chiffres avancés par chacune des parties mais en retenant seulement que le système Unix représente un nombre moindre de systèmes installés que celui constitué par Dos/Windows, il suffit de constater comme le tribunal que les termes de l'article critiqué ne permettent pas au lecteur de considérer que la SARL Process Data était expressément désignée dans celui-ci ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu quant au préjudice que la SARL Process Data ne fait, pas plus que devant les premiers juges, la preuve de celui qu'elle prétend avoir subi ; qu'en effet, si elle allègue une baisse de ventes de ses logiciels, rien ne permet d'imputer celle-ci à l'article incriminé ; qu'elle ne fournit aucun document probant quant à la rupture de contrats par ses clients à la suite de cette publication ou de mévente directement liée à celle-ci ;

Attendu en définitive que la SARL Process Data ne fait pas la preuve des faits qui lui incombe et que le jugement la déboutant de ses demandes doit être confirmé ;

Attendu que la SARL Process Data, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens ;

Que, tenue aux dépens, elle devra payer à la SARL Datalogic la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Attendu sur les dommages-intérêts qu'il n'est pas démontré une faute dans l'exercice de la voie de l'appel ni l'existence d'un préjudice supérieur à celui inhérent à l'exercice de toute action en justice dépassant ceux alloués par le tribunal ; qu'ils ne seront donc pas accordés en cause d'appel ;

Par ces motifs, La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit en la forme l'appel jugé régulier, Déclare irrecevables les conclusions déposées par la SARL Datalogic le 4 mars 1997 ainsi que les pièces déposées par cette société le 5 mars 1997, Au fond, confirme le jugement rendu le 21 décembre 1994 par le tribunal de commerce de Toulouse, Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à octroi de dommages-intérêts en cause d'appel, Condamne la SARL Process Data à payer à la SARL Datalogic la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Condamne la SARL Process Data aux dépens et autorise la SCP d'Avoués Nidecker-Prieu à les recouvrer conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.