CA Paris, 14e ch. B, 22 novembre 1996, n° 95-20151
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bouillot, Aqualab (SARL)
Défendeur :
Laboratoires Fumouze (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ballu
Conseillers :
MM. André, Valette
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Teytaud
Avocats :
Mes Bures, Mendras.
LA COUR statue sur l'appel formé par Xavier Bouillot et la SARL Aqualab d'une ordonnance de référé rendue le 23 juin 1995 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris qui leur a interdit, sous astreinte de 2 500 F par infraction constatée ;
- de faire usage de la marque " Marister " ;
- de diffuser tout document ou élément publicitaire comportant la formule : " le seul spray marin garanti stérilisé sans recours aux rayonnements gamma d'ions radioactifs " ;
- et qui les a condamnés in solidum à verser à la société Laboratoires Fumouze la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Soutenant que la marque Marister déposée par Xavier Bouillot et utilisée par la société Aqualab pour la commercialisation d'un pulvérisateur nasal constituait une contrefaçon de la marque Stérimar qu'elle utilisait pour diffuser un produit similaire, la société Laboratoires Fumouze a assigné ceux-ci devant le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris qui a rendu l'ordonnance dont appel.
Devant la Cour, les appelants contestent la contrefaçon alléguée, aucune confusion ne pouvant, selon eux, se produire entre les marques Stérimar et Marister. Ils font aussi valoir que les mentions portées sur l'emballage de leur produit ont un caractère purement informatif exclusif de toute déloyauté. Ils soulignent enfin que l'exécution de la décision entreprise a entraîné différents frais ainsi qu'une privation de gains lui causant un préjudice commercial de 786 644,08 F.
Ils concluent à l'infirmation de l'ordonnance, étant jugé n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société intimée.
Ils sollicitent en conséquence la condamnation provisionnelle de celle-ci à leur verser les sommes de 786 644,08 F et de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 10 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
La société Laboratoires Fumouze réplique que le sérieux de son action au fond est manifeste, que la contrefaçon est évidente et que la formule utilisée par les appelants est constitutive d'un acte de concurrence déloyale.
Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation des appelants à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 1996.
Le même jour les appelants ont communiqué des pièces et conclu au report des dates de clôture et de plaidoiries sollicitant subsidiairement le bénéfice de leurs écritures antérieures.
Le 17 octobre 1996 la société Email Diamant devenue SA Laboratoires Fumouze intervient volontairement aux débats pour réclamer le bénéfice des écritures de l'intimée.
Les appelants soulignent que l'intervenant volontaire ne justifie pas du transfert de la marque Stérimar.
Sur ce, La Cour,
Considérant que les appelants n'invoquent ni ne démontrent l'existence d'une cause grave au sens de l'article 784 du Nouveau code de procédure civile justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 1996 ; qu'en concluant et en communiquant neuf pièces le jours même de cette ordonnance, alors que les dernières écritures de l'intimée remontent au 26 septembre 1996 ils ont interdit à celle-ci d'en prendre connaissance et d'y répliquer utilement ; qu'il convient donc en application des articles 15 et 16 du Nouveau code de procédure civile d'ordonner le rejet des débats des pièces et conclusions des appelants du 10 octobre 1996 ;
Considérant que la SA Laboratoires Fumouze se disant anciennement dénommée Email Diamant ne fournit à la Cour aucune pièce ou document lui permettant d'examiner la recevabilité et le bien fondé de sa demande d'intervention volontaire contestée par les appelants ; qu'elle en sera donc déboutée ;
Considérant que la marque Marister comporte le même nombre de lettres et de syllabes que la marque Stérimar, antérieurement déposée par la société intimée dont elle ne constitue qu'un anagramme doublé d'une similitude de consonance ; que l'organisation, l'identité de structure et de sonorité de la marque des appelants avec celle de l'intimée créent entre elles un risque certain de confusion dans l'esprit de la clientèle alors qu'elles désignent toutes deux un produit destiné à l'hygiène nasale, sans qu'il y ait lieu de tenir compte des conditions dans lesquelles sont représentées et utilisées les deux marques, le droit revendiqué par la société intimée portant sur le signe lui-même, indépendamment des circonstances de son emploi ;
Considérant en conséquence que l'action au fond engagée par la société Laboratoires Fumouze apparaît sérieuse ; qu'il n'est pas contesté qu'elle ait été intentée dans un bref délai ; que pour ces motifs et ceux non contraires du premier juge que la Cour fait siens la décision entreprise, rendue en la forme des référés, doit être confirmée en ce qu'elle a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant par ailleurs qu'en de justes motifs que la Cour adopte le premier juge a retenu que les affirmations mensongères de la société Aqualab selon lesquelles le produit qu'elle commercialisait était le seul " spray " garanti stérilisé sans recours aux rayonnements gamma d'ions radioactifs étaient constitutives d'un acte de concurrence déloyale vis à vis de la société intimée qui vendait un produit aux caractéristiques similaireset auquel il importait de mettre un terme dans les conditions visées par l'article 809 alinéa 1 du Nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'ordonnance entreprise devra donc être confirmée en toutes ses dispositions, les appelants étant déboutés par voie de conséquence de toutes leurs prétentions ;
Considérant qu'il est inéquitable de laisser supporter à la société intimée les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel ; qu'il n'est en revanche pas contraire à l'équité de rejeter les prétentions des appelants fondées sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs : Déclare irrecevables les conclusions et les pièces des appelants déposées le 10 octobre 1996 ; Déboute la société Laboratoires Fumouze se disant anciennement Email Diamant (RCS Nanterre B 57 209 7707) de son intervention volontaire ; Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne in solidum Xavier Bouillot et la société Aqualab à payer à la société Laboratoires Fumouze la somme de huit mille francs (8 000 F) au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne in solidum Xavier Bouillot et la société Aqualab aux entiers dépens ; Accorde à la SCP Teytaud, avoués, le droit prévu par l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.