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Décisions

CA Dijon, ch. soc., 19 novembre 1996, n° 439-96

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Brignoli, Dijon Manutention Systèmes (SARL)

Défendeur :

Lepetit Niquevert (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Verpeaux

Conseillers :

Mme Dufrenne, M. Fedou

Avocats :

Mes Schihin, Magdelaine, Philizot.

Cons. prud'h. Dijon, du 12 déc. 1995

12 décembre 1995

Monsieur Eric Brignoli est demeuré au service de la SA Lepetit Niquevert en qualité de responsable atelier du 5 août 1991 au 28 novembre 1994 date d'effet de sa démission.

Il est entré au service de la SARL Dijon Manutention Systèmes DMS le 1er décembre 1994 en qualité de préparateur de fabrication.

Faisant grief à son ancien salarié de la violation de la clause de non-concurrence insérée à l'article 11 de son contrat de travail, la SA Lepetit Niquevert a, les 14 avril et 23 juin 1995, saisi le Conseil de Prud'hommes de Dijon d'une demande en réparation formée également à l'encontre de son nouvel employeur.

Par décision du 12 décembre 1995, la juridiction prud'homale a :

- condamné solidairement Monsieur Eric Brignoli et la SARL DMS à payer à la SA Lepetit Niquevert la somme de 120.000 F à titre de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence,

- condamné Monsieur Eric Brignoli à payer à la SA Lepetit Niquevert la somme de 2.500 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- et débouté Monsieur Eric Brignoli et la SARL DMS de leurs demandes.

Appel de ce jugement a été relevé par Monsieur Eric Brignoli et par la SARL DMS.

Monsieur Eric Brignoli conclut au débouté des demandes de la SA Lepetit Niquevert ainsi qu'au paiement d'une somme de 7.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il conteste à titre principal la validité de la clause de non-concurrence qui lui est opposée et qui, selon lui, n'est pas justifiée par un intérêt légitime de la SA Lepetit Niquevert.

Il soutient à titre subsidiaire que cette société ne rapporte pas la preuve d'une violation de l'engagement de non-concurrence qu'il a souscrit et qui lui interdit seulement d'exercer une activité le plaçant en concurrence avec elle.

La SARL DMS sollicite également le débouté des demandes formées à son encontre.

Elle reprend tout d'abord l'argumentation développée par Monsieur Eric Brignoli. Elle prétend ensuite que la SA Lepetit Niquevert n'établit ni les fautes qu'elle lui impute ni le préjudice qu'elle aurait subi de ce fait.

La SA Lepetit Niquevert requiert pour sa part la confirmation du jugement ainsi que le versement, par chacun des appelants, d'une somme de 3.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle estime tout d'abord que les Premiers Juges ont justement reconnu la validité de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de Monsieur Eric Brignoli qui exerçait des fonctions le mettant en contact direct avec la clientèle.

Elle maintient ensuite qu'en entrant au service d'une entreprise concurrente, Monsieur Eric Brignoli a violé l'engagement de non-concurrence souscrit. Elle ajoute que la preuve des actes concurrentiels commis par la SARL DMS à l'occasion de l'engagement de Monsieur Eric Brignoli est administrée par les pièces qu'elle produit et qu'elle analyse.

Elle s'explique enfin sur le préjudice qu'elle a subi.

Discussion :

Sur les demandes à l'encontre de Monsieur Eric Brignoli :

Attendu, en ce qui concerne la portée de la clause de non-concurrence, qu'il est justifié que la clause de non-concurrence insérée à l'article 11 du contrat de travail à durée indéterminée constaté par écrit du 5 août 1991 est rédigée dans les termes ci-après :

" En cas de rupture du contrat, quels que soient l'auteur et le motif de cette rupture, Monsieur Eric Brignoli s'interdit d'exercer directement ou indirectement pour son propre compte ou pour le compte d'un employeur, une activité le plaçant en concurrence avec la Société ou toute entreprise qui poursuivrait tout ou partie de l'exploitation de cette dernière, à la suite d'une modification juridique telle que celles envisagées par l'article L. 122-12 du code du travail.

Toutefois, cette interdiction est limitée pour une durée de un an suivant la date de rupture du présent contrat, et, sur un rayon de 150 kms autour du siège de la Société Lepetit-Niquevert basé à Dijon " ;

Que Monsieur Eric Brignoli fait justement valoir que l'interdiction porte sur l'activité qu'il déploiera personnellement et non sur l'activité exercée par son nouvel employeur ;

Attendu, en ce qui concerne la violation de cette clause de non-concurrence, qu'il résulte tout d'abord des clauses des contrats de travail conclus les 5 août 1991 puis 1er décembre 1991,

- qu'en sa qualité de responsable d'atelier de la SA Lepetit Niquevert, Société d'Approvisionnement de Matériels Industriels, Monsieur Eric Brignoli était notamment chargé de la gestion de l'atelier Bandes Transporteuses, du réapprovisionnement des produits de cette division et de la prise en compte des appels des clients concernant l'atelier Bandes Transporteuses,

- tandis qu'en sa qualité de préparateur de fabrication de la SARL DMS, Monsieur Eric Brignoli a la charge des travaux de montage, de mise en place et du suivi des matériels et installations fabriqués ou aménagés par cette société de fabrication de matériel de manutention en continu -maintenance transmission- et vulcanisation de bandes transporteuses,

Qu'il ressort ensuite du procès-verbal de constat dresse le 27 mars 1995 par Maître D. Debost, Huissier de Justice, qui a recueilli les déclarations de Messieurs Thierry Laloge et Pascal Tradigo, salariés de la SARL DMS et des attestations rédigées par Messieurs Philippe Chandelier, collaborateur de la SARL DMS et Franck Gonachon, autre salarié de la SARL DMS, que Monsieur Eric Brignoli n'intervient pas dans l'activité bande transporteuse exercée par la SARL DMS ;

Attendu en outre que les faits relatés par Monsieur Christian Joguin, attaché commercial de la Société Novec, sont antérieurs à la date de rupture du contrat de travail ayant lié la SA Lepetit Niquevert et Monsieur Eric Brignoli ;

Que rien ne permet d'affirmer que Monsieur Eric Brignoli est à l'origine du refus d'offre que la SNC Rocamat Seine a notifié à la SA Lepetit Niquevert le 14 décembre 1994 ;

Attendu enfin qu'il résulte des écrits émanant de la SARL Martens France et de l'attestation établie par Monsieur André Klock, responsable de cette société, que Monsieur Eric Brignoli est étranger à la rupture des relations que ce fournisseur de bandes transporteuses a entretenues avec la SA Lepetit Niquevert jusqu'au début de l'année 1995 ;

Que faute de rapporter la preuve, dont elle a la charge, d'une violation de la clause de non-concurrence souscrite par Monsieur Eric Brignoli, la SA Lepetit Niquevert doit être déboutée de ses demandes à l'encontre de celui-ci;

Sur les demandes à l'encontre de la SARL DMS :

Attendu qu'il résulte des motifs ci-dessus que la SA Lepetit Niquevert ne démontre pas que les conditions dans lesquelles Monsieur Eric Brignoli est employé par la SARL DMS contreviennent à l'engagement de non-concurrence souscrit ;

Que la SA Lepetit Niquevert ne peut donc faire grief à la SARL DMS d'avoir commis une faute en embauchant Monsieur Eric Brignoli ;

Qu'elle ne peut par ailleurs poursuivre devant la juridiction statuant en matière prud'homale la réparation du préjudice qu'elle peut subir du fait d'éventuels actes de concurrence déloyale ou illicite commis par la SARL DMS ;

Qu'elle doit donc être déboutée de ses demandes à l'encontre de cette société ;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Attendu que l'équité ne commande pas de faire bénéficier les parties appelantes des dispositions de ce texte ;

Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Dijon du 12 décembre 1995 ; Déboute la SA Lepetit Niquevert de ses demandes ; Ajoutant ; Déboute Monsieur Eric Brignoli et la SARL DMS de leurs prétentions fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne la SA Lepetit-Niquevert aux entiers dépens.