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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 16 octobre 1996, n° 9501219

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Philips Electronique Grand Public (Sté), Philips Electronics NV (Sté)

Défendeur :

A + T Holland BV (Sté), Eureka Trading Limited (Sté), Filliol (ès qual.), Métronic (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

(faisant fonction) : M. Roy

Conseillers :

M. Poumarède, Mme Letourneur-Baffert

Avoués :

Mes Bazille, Genicon, Leroyer-B, Gauvain, Demidoff, Bourges

Avocats :

Mes Benoît, Leonis, Slearl Bellanger Baron.

TGI Rennes, du 30 nov. 1994

30 novembre 1994

Faits et procédure

1. Les Sociétés du Groupe Philips fabriquent et commercialisent des démodulateurs portant la référence STU 902 destinés à la réception sur un téléviseur ordinaire d'émissions de télévision par satellite produites par la Société britannique BSB et diffusées selon la norme dite " D MAC " ;

2. Inquiète de la présence sur le marché d'un produit semblable sous sa marque mais complètement transformé pour permettre la réception d'autres émissions de télévision que celles auxquelles il était destiné, la Société Philips Electronics NV a fait établir le 13 novembre 1992, un procès verbal de contrefaçon dans les locaux de la Société Brit Espace; celle-ci a reconnu avoir sur la demande d'une Société A+T de droit hollandais, transformé des démodulateurs achetés sous la désignation RS 48 à la Société Eureka Trading Limited, Unit 5, de droit anglais, et destinés à la Société Métronic sis à Chambray Les Tours, exportatrice de ces produits vers l'Algérie et les pays de l'Est accompagnés d'une notice portant la mention Philips STU 902, et la représentation graphique du démodulateur sur lequel apparaît le sigle et le nom Philips ;

3. Statuant, sur les actions des Sociétés Philips Electronics NV, société de droit néerlandais et Philips Electronique Grand Public, société anonyme de droit français titulaire de la licence des marques précitées en contrefaçon et usage illicite de marque au préjudice de la première et en concurrence déloyale au préjudice de la seconde, dirigées contre la Société Bretonne de Techniques Spatiales "Brit Espace", la Société Métronic SA, la Société A+T Holland TV de droit néerlandais, et la Société Eureka Trading Limited et sur l'action en garantie de la SA Métronic contre la SARL Satel...

4. Par jugement du 30 novembre 1994, réputé contradictoire à l'égard des Sociétés Satel, A+T Holland et Eureka, le Tribunal de Grande Instance de Rennes a déclaré les Sociétés Philips irrecevables en leurs demandes contre la Société Brit Espace, les a déboutées de toutes prétentions, de même la Société Métronic en son appel en garantie, condamnant les demanderesses à payer 10.000,00 F à celle-ci, par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

5. Les Sociétés Philips ont interjeté appel de ce jugement ;

Moyens et prétentions des parties

6. Appelantes, les Sociétés Philips font grief au Tribunal d'avoir ainsi statué au motif essentiellement que la Société Métronic n'avait pas commis d'acte de commercialisation des matériels argués de contrefaçon, et que la participation des Sociétés A+T Holland et Eureka Trading, à la contrefaçon n'était pas établie,

Alors

7. Qu'en vertu des articles L. 713-2, L. 713-4 et L. 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, le propriétaire d'une marque peut s'opposer à la commercialisation sous sa marque de produits modifiés ou altérés sans son accord, dans leurs caractéristiques essentielles, constitutive d'usage illicite et de contrefaçon de ladite marque ;

8. Que la vente de produits de marque, substantiellement modifiés, ne correspondant pas aux caractéristiques spécifiées ou atteints de défectuosités nécessitant leur remplacement, constitue une concurrence déloyale et génère, par la dégradation de l'image commerciale des Sociétés exploitant la marque, un préjudice distinct de ladite concurrence, au-delà de celui résultant de la contrefaçon et de l'usage évoqués ci-dessus ;

9. Que la Société Métronic vraisemblablement commanditaire de la transformation litigieuse, s'est en connaissance de cause fait livrer des démodulateurs transformés ne pouvant pas être présentés sous la marque Philips et les a commercialisés, que d'une part en effet elle savait que n'étaient pas d'authentiques produits Philips, ces démodulateurs désignés sous la référence RS 48, inexistante chez Philips, dont les caractéristiques et spécifications définies par elle-même ne correspondaient pas au modèle STU 902 d'origine, que d'autre part elle a livré ceux-ci aux magasins Bricorama ou à leur centrale d'achat même si certains d'entre eux, défectueux, ont été retournés, se rendant coupable des fautes invoquées au numéros 7 et 8 du présent exposé ;

10. Que la responsabilité de la Société Eureka Trading était engagée sur les mêmes fondements pour avoir commercialisé et livré en France des appareils techniquement modifiés, présentés sous la marque dénominative et figurative "Philips" appartenant à la Société Philips Electronics, ainsi que cela résulte notamment d'une facture du 5 Juin 1992 s'appliquant à deux démodulateurs fournis par elle à titre d'échantillons prototypes puisque désignés "comme non modifiés" et manifestement destinés à faciliter les modifications ultérieures par la Société Brit Espace ;

11. Qu'outre l'atteinte à la renommée de leurs marques par la diffusion de produits défectueux sous les dénominations Philips, les appelantes ont subi un préjudice commercial résultant de la mévente de leurs propres produits répondant aux mêmes caractéristiques que les appareils modifiés ;

Les Sociétés Philips demandent en conséquence à la Cour de :

12. Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, statuant à nouveau, déclarer recevables les demandes des Sociétés Philips Electronics et Philips formées à l'encontre de la Société Brit Espace, prise en la personne de son mandataire liquidateur ;

Dire que la Société Bretonne de Techniques Spatiales "Brit Espace" la Société Métronic, la Société A+T Holland et la Société Eureka Trading ont commis des actes de contrefaçon et d'usage illicite des marques internationales "Philips" enregistrées sous les numéros R 380, 743 A et 469 043 A appartenant à la société Philips Electronics et exploitées par la Société Philips Electroniques Grand Public ;

Dire que, ce faisant, elles ont commis à l'égard de la Société Philips Electronique Grand Public des actes constitutifs de concurrence déloyale ;

Faire interdiction à Maître Filliol ès qualité, aux Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, d'importer en France, de détenir, d'offrir en vente et de vendre, et généralement de commercialiser de quelque façon que ce soit, sous les marques " Philips " et la référence STU 902, des appareils permettant la réception de signaux de télévision par satellite, dont les caractéristiques et constituants techniques ont été substantiellement modifiés, et ce sous astreinte de 5.000,00 F par infraction commise à compter de la signification de l'arrêt ;

Ordonner en vue de leur destruction sous contrôle d'Huissier, la confiscation des appareils modifiés portant les marques contrefaisantes et la référence " STU 902 ", qui seront trouvés en la possession de Maître Filliol, ès qualité et des Sociétés Métronic, M-T Holland et Eureka Trading, en quelque lieu que ce soit ;

Déclarer Maître Filliol, ès qualité de mandataire liquidateur de la Société Brit Espace, les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, responsables in solidum du préjudice causé aux Sociétés Philips Electronics et Philips Electroniques Grand Public, du fait des actes de contrefaçon et d'usage illicite des marques et des actes de concurrence déloyale ;

Fixer à la somme de 100.000,00 F le montant des dommages intérêts dus par la Société Brit Espace en réparation du préjudice causé, et dire que ce montant sera inscrit au passif de ladite Société ;

Condamner in solidum les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading à payer à la Société Philips Electronics la somme de 500.000,00 F de dommages intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et d'usage illicite de ses marques ;

Condamner in solidum les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading à payer à la Société Philips Electronique Grand Public la somme de 500.000,00 F de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et d'usage illicite des marques dont elle est licenciée, et des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice ;

Ordonner la publication de l'arrêt, au besoin traduit, dans douze journaux ou périodiques français, néerlandais et anglais, du choix des Sociétés Philips Electronics et Philips Electroniques Grand Public, aux frais in solidum de Maître Filliol, ès qualité et des Société Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, dans la limite d'un coût maximum de 25.000,00 F hors taxes par insertion ;

Condamner in solidum Maître Filliol, ès qualité, les sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading à payer à chacune des Sociétés Philips Electronics et Philips Electronique Grand Public la somme de 25.000,00 F à titre d'indemnité des frais irrépétibles, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance, qui comprendront ceux de la saisie contrefaçon, et d'appel, qui pourront pour ces derniers être recouvrés directement par la SCP Bazille Genicon, avoués, dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Intimée, la SA Métronic conclut à la confirmation du jugement et réclame 50.000,00 F à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et 20.000,00 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle en substance ;

13. Que négociante depuis sa création en Juin 1991, en matériels et appareils électriques et électroniques, à la recherche de démodulateurs susceptibles grâce à des caractéristiques définies par elle, de s'intégrer dans un ensemble de récepteur de télévision par parabole dénommé Satel Kit Métronic, elle s'est fait livrer en 1992 par la Société Satel qui les tenait d'une Société hollandaise A+T Holland 3V, 41 de ces appareils de marque Philips type RS 48, qu'impropre à sa destination ce matériel, sur la demande de Satel était retourné à Brit Espace, que pour satisfaire aux engagements pris avec les centrales d'achat, notamment de Bricorama, de vendre des démodulateurs dotés des caractéristiques annoncées dans les publicités de ces grands magasins " d'ailleurs sans aucune mentions de la marque Philips ", elle avait du, après rupture amiable du marché directement avec A+T Holland 8V, les remplacer par d'autres appareils équivalents mais plus chers, subissant un préjudice certain ;

14. Qu'ainsi soucieuse avant tout d'obtenir des appareils répondant à des spécifications particulières mais dont la marque lui était indifférente, elle avait reçu exclusivement des démodulateurs RS 48 (en aucun cas des STU 902), qui impropres à leur destination et aussitôt retournés, n'avaient fait l'objet d'aucune commercialisation, leur simple réception, pour la réalisation des tests d'usage, ne pouvant être qualifié telle ;

15. Que par suite, n'ayant émis aucun document reproduisant la marque sur le logo de la Société Philips Electronics, ni modifié les caractéristiques d'un matériel déjà vendu sous cette marque, elle a seulement trompée sur leur origine par les Sociétés Satel et Brit Espace, intégré des démodulateurs dans un ensemble persistant, et ne peut se voir reprocher aucune des fautes visées aux numéros 7 et 8 du présent exposé ;

Intimée, la Société Eureka Trading Limited, conclut à la confirmation du jugement et réclame 30.000,00 F au titre des frais non répétibles ; elle soutient en substance ;

16. Qu'ayant seulement livré à la Société Brit Espace des démodulateurs dans leur configuration initiale, elle n'est pas intervenue dans le processus de modification bien postérieur, et n'a jamais commercialisé les appareils transformés par la Société Brit Espace ;

17. Que pour les mêmes motifs aucune concurrence déloyale ne peut lui être reprochée, laquelle suppose en toute occurrence l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de cause à effet entre la première et le second, non démontrée en l'espèce ;

Bien que régulièrement assignés, Maître Filliol ès qualité de liquidateur de la Société Bretonne de Techniques Spatiales "Brit Espace' en liquidation judiciaire, et la Société A+T Holland 3V, n'ont pas constitué avoué ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère expressément aux énonciations de la décision et aux écritures déposées ;

Motifs

Considérant que par exception au principe posé par l'alinéa 1er de l'article 71-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, l'alinéa second de ce texte, laisse au propriétaire d'une marque la faculté de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation des produits mis par lui-même ou avec son consentement, sur le marché communautaire, s'il justifie de motifs légitimes tenant notamment à la modification ou l'altération ultérieurement intervenue de l'état de ces produits ;

Considérant que la Société Philips NV justifie sa propriété de la marque dénominative Philips, déposée internationalement depuis 1971, et d'une marque figurative, également déposée depuis 1982, utilisant la dénomination précédente à l'intérieur d'un graphisme en forme d'écusson, désignant toutes les deux les même produits ;

Que l'action ainsi prévue étant réservée au propriétaire des marques abusivement utilisées ou contrefaites, la réparation est due seulement à celui-ci, et non à la Société Philips Electronique Grand Public, exploitante desdites marques en France, dont les demandes de ce chef ne seront pas accueillies ;

Considérant qu'un procès verbal de saisie contrefaçon a été établi le 13 Novembre 1992 par Maître Marie, Huissier de Justice à Bain de Bretagne à la requête de la société Philips Electronics NV, régulièrement autorisée, que cet officier ministériel, accompagné de Messieurs Caron et Bruneau de la Société SPID experts en brevets, s'est transporté dans les locaux de la Société Brit Espace à Maure de Bretagne, qu'il y a saisi deux démodulateurs contenus dans deux cartons ne comportant aucune marque apparente mais destinés à l'Algérie et aux pays de l'Est, qu'il a obtenu la notice d'accompagnement sur laquelle figurait en couverture le titre "Philips STU 902 et en avant dernière page la mention "Démodulateur Philips", que sur les appareils eux-mêmes, l'Huissier relevait et photographiait la marque Philips en face avant avec l'écusson puis sur un autocollant en face arrière, que procédant au démontage de l'un d'eux, il constatait le remplacement d'une mémoire sur la carte mère et d'un circuit d'origine (le nouveau étant fixé de plusieurs points de colle) et le retrait de deux circuits intégrés ;

Que recueillant les observations de Monsieur Pes gérant de la SARL Brit Espace, Maître Marie consignait que cette société modifiait elle-même les démodulateurs d'origine STU 902 Philips provenant de la Société anglaise Eureka Trading Ltd, à la demande de la Société hollandaise A+T Holland qu'elle les livrait ensuite à la Société Métronic en France, qui en aurait ainsi reçu 250 en Juillet et Août 1992, transformés sur ordre oral de la Société A+T, que d'après la personne entendue, la Société Métronic en aurait vendu environ 30 et retourné 220 ;

Considérant qu'il résulte des pièces produites spécialement des correspondances échangées entre les Sociétés Satel, Métronic, A+T et Brit Espace, que de Mars à Mai 1992, tandis qu'elle faisait des offres à diverses centrales d'achat, notamment à Bricorama, la Société Métronic, obtenait de la Satel, agent d'A+T en France d'après la lettre adressée par celle-ci à Métronic le 2 Septembre 1992, diverses propositions de programmations du récepteur Philips RS 48 répondant aux exigences techniques précédemment exprimées (lettres des 18 Mars, 23 et 25 Mai 1992), qu'une première lettre de crédit irrévocable était tirée peu après par Métronic à l'ordre d'A+T sur la base d'une facture pro forma établie par celle-ci le 2 juin précédent, s'appliquant à trois livraisons chacune de 250 kits incluant le récepteur RS 48 Philips, que ce crédit documentaire était modifié le 18 Juin suivant en transférant le lieu de livraison qu'à la suite d'une seconde modification la livraison était ramenée à 250 récepteurs Philips ;

Considérant que la lettre de voiture internationale intitulée CMR établie le 26 Juin 1992 mentionnant pour expéditeur la Société Eureka et la lettre du transporteur Gefco, de Calais, déclarant avoir reçu d'Eureka, 300 récepteurs Philips RS 48 a destination de Brit Espace qui les a reçus le 1er juillet 1992, selon bon de livraison établi à cette date, confirment les déclarations faites par Monsieur Pes, gérant de Brit Espace lors de la saisie contrefaçon, décrivant ce qui s'analyse comme un véritable concert frauduleux, qu'en effet il apparaît qu'en possession d'appareils Philips STU 902, la Société Eureka, les exportait en France sous la désignation RS 48 Philips, honorant par une livraison directe à la société Brit Espace chargée de les transformer complètement, une commande passée entre la Société Métronic et la Société hollandaise A+T, par l'entremise de Satel agent de cette dernière, ces produits étant destinés notamment aux grands magasins continentaux où la vente nécessite la modification de leurs caractéristiques d'origine, que la connaissance par Eureka des transformations futures est corroborée par une facture qu'elle a émise le 5 juin 1992, en début de processus, à l'ordre d'A+T, s'appliquant à des démodulateurs Philips non modifiés (unmodified) fournis à titre d'échantillons (samples), précisions autrement inutiles, qu'ainsi cette société a en connaissance de cause commercialisé sous la marque Philips en modifiant la référence des démodulateurs qu'elle savait destinés à être transformés, puis effectivement diffusés sur le marché continental sous la même marque qu'elle a ainsi fait un usage illicite de ladite marque, contribué consciemment de façon décisive à la contrefaçon de celle-ci, que la Société Netronic à l'origine des modifications essentielles apportés au matériel Philips, dont elle était convenu avec la Société Satel, agent en France de la Société hollandaise A+T, ne pouvait ignorer que les démodulateurs commandés à celle-ci lui étaient livrés sous la marque Philips, par la Société Brit Espace qui les avait reçus pour transformation directement de la Société anglaise Eureka, qu'en offrant à son tour de les vendre et en maintenant cette offre jusqu'à ce que les produits, modifiés sur sa demande pour y satisfaire, se soient révélés défectueux, à la centrale d'achat Bricorama notamment, et à fortiori en les vendant à des tiers selon Monsieur PES gérant de la Brit Espace pour trente d'entre eux, la société Métronic a fait acte de commercialisation de ces produits après modification de leurs caractéristiques essentielles sans l'accord du propriétaire des marques litigieuses, qu'elle a ainsi commis des fautes constitutives d'usage illicite des marques Philips, tout comme la Société Eureka, que la circonstance du retour des marchandises en raison de leur défectuosité, indépendante de la volonté des intéressées n'enlève pas à ce comportement son caractère fautif ;

Considérant que la Société Satel, agent de la Société A+T Holland et la Société A+T elle-même, ont consciemment vendu en France des démodulateurs Philips transformés dans leurs caractéristiques essentielles et les ont fait livrer après leurs modifications par la Société Brit Espace sur leur ordre à la Société Métronic en vue de leur mise sur le marché ;

Considérant que dans les conditions ci-dessus décrites les Sociétés intimées ont soit commercialisé (Société Métronic), soit favorisé sciemment la commercialisation (les autres sociétés) des produits sous les marques Philips, après transformation de leurs caractéristiques essentielles, sans le consentement du propriétaire de ces marques, qu'elles ont porté atteinte dans leur spécialité même au caractère distinctif de celles-ci d'autant plus gravement que les marchandises ainsi offertes à la vente et vendues se sont avérées défectueuses, qu'elles ont de la sorte fait un usage abusif de ces marques qui autorisait la Société Philips Electronics à agir en réparation de préjudice ainsi causé et à s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation en requérant les mesures de contrainte et de publicité légalement permises ;

Que le préjudice sera de ce chef évalué à 100 000 Francs, somme dont les intimés seront tenues in solidum à l'égard de la Société Philips NV, propriétaire des marques abusivement utilisées ;

Considérant qu'en vendant, après modification, du matériel Philips, sous cette marque les intimées ne se sont pas placées en situation de concurrence dès lors qu'il n'est pas établi que les Sociétés Philips, appelantes commercialisent des démodulateurs dotés des mêmes caractéristiques que ceux contrefaits, qu'à défaut de tout risque de confusion avec des produits similaires, elles n'ont subi aucun trouble dans la possession légitime de leur clientèle, caractérisant la concurrence déloyale, que leur action de ce chef sera donc rejetée ;

Considérant que les Sociétés intimées qui succombent pour l'essentiel supporteront les dépens de première instance et d'appel, que de ce fait elles ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ni prétendre à dommages intérêts pour procédure abusive ;

Que l'équité commande en revanche de faire droit pour partie aux demandes des Sociétés Philips fondées sur ce texte ;

Par ces motifs, Confirme le jugement en ce qu'il a débouté les Sociétés Philips de leur action concurrence déloyale et la Société Philips Electroniques Grand Public de son action en contrefaçon de marques ; Réformant pour le surplus ; Dit qu'en commercialisant, sous les marques dénominative et figurative "Philips" et la référence 'STU 902", des appareils permettant la réception de signaux de télévision par satellite, dont les caractéristiques et constituants techniques ont été substantiellement modifiés, la Société Bretonne de Techniques Spatiales "Brit Espace", la Société Métronic, la Société A+T Holland et la Société Eureka Trading, ont commis des actes de contrefaçon et d'usage illicite des marques internationales 'Philips" enregistrées sous les numéros R 380, 743 A et 469 043 A, appartenant à la Société Philips Electronics et exploitées par la Société Philips Electronique Grand Public ; En conséquence, fait interdiction à Maître Filliol, ès qualité, aux Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, d'importer en France, de détenir, d'offrir en vente et de vendre, et généralement de commercialiser de quelque façon que ce soit, sous les marques "Philips" et la référence "STU 902", des appareils permettant la réception de signaux de télévision par satellite, dont les caractéristiques et constituants techniques ont été substantiellement modifiés, et ce sous astreinte de 3.000,00 F par infraction commise à compter de la signification de l'arrêt ; Ordonne en vue de leur destruction sous contrôle d'Huissier, la confiscation des appareils modifiés portant les marques contrefaisantes et la référence "STU 902", qui seront trouvés en la possession de Maître Filliol, ès qualité, et des Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, en quelque lieu que ce soit ; Déclare Maître Filliol, ès qualité de mandataire liquidateur de la Société Brit Espace, les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, responsable in solidum du préjudice causé à la Société Philips Electronics NV de droit néerlandais du fait des actes de contrefaçon et d'usage illicite des marques ; Fixe à la somme de 100.000,00 F le montant des dommages intérêts dus in solidum avec les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading par la Société Brit Espace à la Société Philips Electronics NV et dit que cette somme sera inscrite au passif de la Société Brit Espace ; Condamne in solidum les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading à payer à la Société Philips Electronics la somme de 100.000,00 F de dommages intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et d'usage illicite de ses marques ; Ordonne la publication du dispositif de l'arrêt, au besoin traduit, dans six journaux ou périodiques français, néerlandais et anglais, du choix de Société Philips Electronics NV de droit néerlandais aux frais in solidum de Maître Filliol, ès qualité et des SociétéS Métronic, A+T Holland et Eureka Trading, dans la limite d'un coût maximum de 20.000,00 F hors taxes par insertion ; Condamne in solidum Maître Filliol, ès qualité, les Sociétés Métronic, A+T Holland et Eureka Trading à payer à la Société Philips Electronics la somme de 15.000,00 F, par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Les condamne sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance, qui comprendront ceux de la saisie contrefaçon et d'appel, qui pourront pour ces derniers être recouvrés directement par la SCP Bazille Genicon, avoués, dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.