CA Paris, 4e ch. A, 25 septembre 1996, n° 94-023319
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Exploitation des Etablissements TMR (SA)
Défendeur :
Soclaine (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mmes Mandel, Marais
Avoués :
SCP Bommart-Forster, SCP Goirand
Avocats :
Mes Callige, Marcellin.
Faits et procédure
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :
La Société Soclaine est titulaire de la marque Academy Minicraftdéposée le 4 mars 1988 à l'Institut National de la Propriété Industrielle enregistrée sous le n° 1479620 pour désigner en classe 28 les jouets : modèles réduits en matière plastique, prêts à monter.
Ayant fait constater par huissier le 17 avril 1993 que TMR offrait en vente et vendait sur son stand au 14ème Salon International Maquettes et Modèles réduits, des maquettes dépourvues d'étiquettes de conformité et portant la marque Academy Minicraft, la Société Soclaine a par exploit en date du 23 juillet 1993, assigné cette société en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale.
Elle sollicitait outre les mesures habituelles d'interdiction sous astreinte, de destruction et de publication le paiement de dommages et intérêts et d'une somme en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
TMR offrait de régler la somme de 500 F au titre de la réparation du préjudice consécutif à la contrefaçon alléguée, conclut à l'absence de tout acte de concurrence déloyale et reconventionnellement réclamait un franc de dommages et intérêts pour procédure abusive et le bénéfice de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Le Tribunal par le jugement entrepris a :
- dit qu'en offrant en vente et en vendant sans l'autorisation de la Société Soclaine des maquettes sous la marque Academy Minicraft la société TMR avait commis des actes de contrefaçon de la marque Academy Minicraft n° 1.479.620 dont la Société Soclaine est titulaire,
- prononcé des mesures d'interdiction sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée avec exécution provisoire,
- condamné TMR à payer à Soclaine la somme de 60 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- autorisé diverses mesures de publication aux frais de TMR dans la limite de 36 000 F,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
TMR a interjeté appel le 22 août 1994.
Se prévalant du principe de la libre circulation des marchandises dans la CEE et des dispositions de l'article L. 713.4 alinéa 1 du Code de la Propriété Intellectuelle , elle fait valoir que rien ne l'empêchait d'acheter les maquettes litigieuses en Belgique dès lors qu'il s'agissait de produits authentiques et régulièrement distribués sur le marché belge.
Que par ailleurs elle expose qu'elle a agi en toute bonne foi et qu'elle n'était pas informée des droits d'exclusivité consentis à Soclaine.
A titre subsidiaire, elle allègue que le montant des sommes allouées à Soclaine par les premiers juges est disproportionné par rapport aux enjeux économiques réels de l'affaire.
En conséquence elle demande à la Cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que la contrefaçon de marque était constituée,
- débouter Soclaine de l'intégralité de ses demandes et de la condamner à lui payer une indemnité de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- subsidiairement de ramener au franc symbolique le montant des dommages et intérêts alloués à Soclaine.
L'intimée réplique d'une part que TMR ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 713.4 alinéa 1 du Code de la Propriété Intellectuelle, les produits n'ayant pas été mis dans le commerce avec le consentement de Soclaine, d'autre part que TMR a reconnu les actes de contrefaçon en première instance.
Par ailleurs elle expose que TMR a commis des actes de concurrence déloyale en proposant ses maquettes à un prix inférieur et à une clientèle identique.
Enfin elle soutient que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de son préjudice.
En conséquence elle prie la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne la somme allouée à titre de dommages et intérêts et le grief de concurrence déloyale.
Formant appel incident de ces chefs, elle sollicite la condamnation de TMR à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommage et intérêts du fait des actes de contrefaçon de marque et la même somme au titre des actes de concurrence déloyale outre celle de 30 000 F en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR
I - Sur la contrefaçon de marque
Considérant que selon les dispositions de l'article L. 713.4 alinéa 1 du Code de la Propriété Intellectuelle : " le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pur des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté Européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ".
Considérant qu'en l'espèce il n'est pas contesté par Soclaine que les objets offerts à la vente et vendus par TMR soient des objets authentiques.
Mais considérant que TMR ne saurait se prévaloir du seul principe de la libre circulation des marchandises dans la Communauté Européenne dès lors que l'article 36 du Traité de Rome dispose que les interdictions et restrictions d'importation sont admises lorsqu'elles sont justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle.
Considérant par ailleurs que Soclaine étant titulaire en France de droits sur la marque Academy Minicraft et non seulement d'un contrat de distribution exclusive, il appartient à TMR de rapporter la preuve que les maquettes litigieuses revêtues de la marque Academy Minicraft ont été mises sur le marché en Belgique par Soclaine ou avec son consentement.
Or considérant que si TMR verse aux débats la facture de son fournisseur la Société J.R Produits, ayant son siège social à Wemmel Belgique, elle ne démontre pas que cette société avait reçu l'accord de Soclaine pour vendre des produits revêtus de la marque Academy Minicraft et destinés à être commercialisés en France.
Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné TMR pour contrefaçon de la marque 1.479.620.
II - Sur la concurrence déloyale
Considérant que Soclaine qui ne verse aux débats aucun tarif en ce qui concerne les produits Academy Minicraft par elle commercialisés ne rapporte pas la preuve que TMR a offert à la vente les mêmes produits à un prix très inférieur.
Qu'au surplus la seule pratique d'un prix inférieur ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale dès lors qu'il n'est pas démontré que ce prix soit dérisoire ou excéderait les usages du commerce soumis au principe de l'économie libérale.
Considérant enfin qu'il n'est pas démontré que TMR ait cherché par son comportement à se mettre dans le sillage de Soclaine.
Que dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Soclaine de sa demande de ce chef.
III - Sur les mesures réparatrices
Considérant que pour évaluer le préjudice subi par Soclaine il doit être tenu compte du fait que TMR a offert à la vente les produits litigieux dans un salon où Soclaine était également présente et où elle exposait notamment des maquettes Academy Minicraft ainsi qu'elle en justifie par les pièces produites.
Qu'il en est nécessairement résulté un trouble commercial pour Soclaine.
Mais considérant par ailleurs que le nombre des maquettes litigieuses est des plus limité.
Que dans ces conditions les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par Soclaine en lui allouant à titre de réparation la somme de 60 000 F.
Qu'il convient en outre de confirmer les mesures d'interdiction telles qu'ordonnées par le Tribunal.
Considérant en revanche qu'eu égard aux circonstances de la cause, les mesures de publication ne sont pas justifiées.
IV - Sur l'article 700 du NCPC
Considérant que TMR qui succombe sera déboutée de demande de ce chef.
Considérant en revanche qu'il convient d'allouer à Soclaine au titre des frais hors dépens par elle engagés devant la Cour une somme supplémentaire de 10 000 F.
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a autorisé diverses mesures de publication, Le Réformant de ce seul chef et y ajoutant, Déboute la Société Soclaine de sa demande en ce qui concerne les mesures de publication, Condamne la Société d'Exploitation des Etablissements TMR à payer à la Société Soclaine la somme supplémentaire de Dix Mille Francs (10 000 F) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel, Admet la SCP Bommart Forster titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.