CA Paris, 4e ch. A, 25 septembre 1996, n° 94-025291
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
GEPS (SARL)
Défendeur :
Carrasset Marillier (és qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mmes Mandel, Marais
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Bommart Forster
Avocats :
Mes Bijaoui, Guedj
Faits et procédure
Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :
La société PEP qui est l'éditrice du magazine intimité a publié en avril 1993 le numéro 1 d'un spécial roman photos sous le titre Télé Roman dont la rédaction avait été confiée à GEPS.
PEP a été mise en redressement judiciaire par jugement en date du 9 juin 1993.
Courant novembre 1993 GEPS a publié le numéro 1 d'un magazine intitulé Télé Roman constitué essentiellement de romans photos. Estimant que ce magazine constituait la copie conforme de celui paru sous la marque Intimité, la société PEP assistée de Maître Vergnaud ès qualités d'administrateur judiciaire a, par exploit en date du 9 février 1994 assigné GEPS en concurrence déloyale.
Elle sollicitait outre des mesures d'interdiction sous astreinte le paiement de la somme de 1 202 307, 52 F à titre de dommages et intérêts et une somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. GEPS concluait au rejet des demandes et reconventionnellement réclamait le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et le bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Le Tribunal par le jugement entrepris après avoir retenu que PEP était restée propriétaire de l'édition de roman photos dont GEPS avait reproduit un simple plagiat en ayant essayé de se constituer frauduleusement des droits de propriété et antériorité a :
- interdit à GEPS de proposer à la vente ou vendre son magazine Télé Roman - Comment Vivre à Deux - La Passion du Cour - sous astreinte de 10 000 F par jour, huit jours après la signification du jugement,
- condamné GEPS à payer à PEP assistée de Maître Vergnaud ès qualitéss la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire à charge par PEP de fournir une caution bancaire égale au montant de la condamnation,
- condamné GEPS à payer la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
GEPS a interjeté appel le 13 octobre 1994.
Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter PEP de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
PEP ayant été mise en liquidation judiciaire par jugement en date du 27 mai 1994 et Maître Carasset Marillier ayant été désignée en qualité de représentant des créanciers et mandataire liquidateur elle est intervenue volontairement et a repris la procédure. Elle demande à la Cour de confirmer la décision déférée sauf sur le montant des dommages et intérêts qu'elle prie la Cour de porter à la somme de 1 202 307,52 F.
Par ailleurs, elle sollicite paiement de la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.
Sur ce, la COUR
I - Sur la procédure
Considérant que l'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 1996.
Que le 18 juin GEPS a fait signifier de nouvelles conclusions.
Que le 20 juin elle a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture.
Que le 24 juin l'intimée a conclu au rejet des conclusions signifiées après clôture.
Considérant ceci exposé que l'intimée a fait signifier des conclusions sur le fond le 10 mai 1996.
Que l'ordonnance de clôture qui devait initialement être rendue le 13 mai 1996 a été renvoyée à deux reprises au 20 mai puis au 17 juin 1996 pour permettre précisément à l'appelante de répliquer.
Qu'alors que celle-ci était informée de ce que la clôture serait rendue le 17 juin, les plaidoiries étant fixées à la date du 24 juin 1996, elle s'est abstenue de faire signifier en temps utile des conclusions en réponse.
Que l'appelante ayant bénéficié à la date du prononcé de la clôture d'un délai de plus d'un mois pour répliquer et ne justifiant d'aucune cause grave qui se soit révélée postérieurement à son prononcé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de révocation.
Qu'en conséquence les conclusions signifiées le 18 juin 1996 sont irrecevables.
II - Sur fond
Considérant que GEPS fait valoir à l'appui de son appel que :
- Monsieur Zenou est le seul dépositaire de la marque et du logo Télé Roman ou TV Roman,
- GEPS a conçu le numéro d'avril 1993 conformément à ce logo et à cette marque,
- PEP n'a acquis aucun droit sur la formule inventée par Monsieur Zenou dont elle a refusé de payer le prix de l'exclusivité,
- Monsieur Zenou a cédé le logo de sa conception a GEPS, PEP ayant refusé de signer les contrats de licence,
Elle en conclut que c'est à tort que le Tribunal a estimé que PEP était restée propriétaire de cette formule de romans-photos et ajoute que les revues en cause étant parues à huit mois d'intervalle, il n'y a aucune concurrence possible entre elles.
Considérant que l'intimée réplique que la marque Télé Roman au demeurant générique, est étrangère aux faits de la cause.
Qu'elle soutient que GEPS a conçu pour son compte et à sa demande la maquette du Télé Roman intimité et que la mention Copyright PEP portée sur le magazine démontre à l'évidence qu'elle disposait de l'ensemble des droits sur celui-ci.
Considérant enfin qu'elle soutient n'avoir jamais reçu le moindre contrat de licence de marque.
Qu'en conséquence elle prétend que GEPS s'est appropriée le travail effectué pour son compte avec la volonté de capter sa clientèle et d'entretenir une confusion dans l'esprit des lecteurs.
Considérant ceci exposé qu'il convient de rappeler que PEP a formé une demande pour faits de concurrence déloyale tenant à la présentation tant extérieure qu'intérieur d'un journal et n'oppose pas des droits sur un titre.
Que le problème des droits sur la dénomination Télé Roman est donc étranger aux faits de la cause.
Considérant que la comparaison des deux magazines en litige révèle que celui édité par GEPS est la copie presque servile de celui de PEP non seulement en ce qui concerne la première page de couverture mais également pour ce qui est de la présentation intérieure et du contenu :
- même composition du sommaire en employant les mêmes couleurs,
- rubrique de deux pages consacrée aux stars,
- deux nouvelles,
- des romans-photos dont un avec un texte écrit sur fond jaune clair comme dans le magazine PEP,
- un jeu fléché à la fin,
- une quatrième page de couverture montrant la première page de couverture d'un prochain hors série.
Considérant qu'il est établi par les pièces mises aux débats (factures de GEPS, numéros du magazine Intimité) que GEPS a assuré en 1992 et 1993 la rédaction de plusieurs numéros du magazine Intimité dont le numéro 1 d'avril 1993 consacré aux romans-photos, Monsieur Zenou étant le directeur de la rédaction.
Or, considérant que pour s'opposer aux prétentions de PEP, GEPS ne justifie pas que Monsieur Zenou ait déposé le moindre logo à l'Institut National de la propriété intellectuelle ou auprès d'un autre organisme, la photocopie produite et comportant les mentions : couverture n°1 10/12/94, Télé Roman, bandeau horizontal rouge et des indications quant à des dimensions, ne portant aucun cachet officiel.
Que par ailleurs, Monsieur Zenou, qui au demeurant n'est pas intervenu à la procédure, est titulaire de la marque Télé TV Roman déposée le 29 décembre 1992 et enregistrée sous le numéro 92448011 sans revendication de couleurs et sans élément figuratif et non d'une marque Télé Roman.
Considérant dans ces conditions que, outre le fait que nul ne plaide par procureur, GEPS ne saurait se prévaloir de droits privatifs sur la maquette et le contenu du magazine incriminé.
Considérant que contrairement à ce que soutient l'appelante, elle est directement en concurrence avec PEP dès lors que le magazine qu'elle édite s'adresse à la même clientèle et propose les mêmes sujets de lecture sous la même forme.
Considérant en conséquence que GEPS en éditant en novembre 1993 un magazine de romans-photos reproduisant servilement la première page de couverture du magazine PEP et en adoptant les mêmes rubriques et présentations générale, alors qu'elle avait antérieurement rédigé pour le compte de PEP le magazine Intimité spécial roman-photos, a commis une faute et a manifestement cherché non seulement à tirer profit de la situation difficile dans laquelle se trouvait PEP à cette date mais encore à détourner la clientèle de cette société.
Que la responsabilité de l'appelante se trouve donc engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
Considérant que l'intimée fait valoir que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de son préjudice.
Que l'appelante prétend en revanche que PEP qui n'a subi aucune perte de clientèle ne peut prétendre aux moindres dommages et intérêts.
Considérant ceci exposé, qu'il résulte du relevé des Messageries Lyonnaises de Presse que le numéro 1 d'Intimité roman-photos avait connu un certain succès, s'étant vendu à 164 423 exemplaires pour un chiffre d'affaires de 1 202 307,52 F.
Que même si PEP était en redressement judiciaire à la date à laquelle le magazine de GEPS a été publié, il n'en demeure pas moins que sa sortie n'a pu que compromettre les chances de redressement de PEP et l'a privée des bénéfices qu'elle était en droit d'espérer.
Que toutefois l'intimée n'établit pas qu'elle était sur le point de publier un nouveau numéro consacré aux romans-photos au moment où GEPS a édité le sien.
Que dans ces conditions, le préjudice de PEP sera intégralement réparé par le versement d'une somme de 250 000 F.
Que par ailleurs, il y a lieu de confirmer les mesures d'interdiction telles qu'ordonnées par les premiers juges.
Considérant qu'il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge des frais hors dépens par elles engagés en appel.
Qu'en revanche, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à PEP au titre des frais irrépétibles de première instance la somme de 20 000 F.
Par ces motifs, Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, Dit irrecevables les conclusions signifiées le 18 juin 1996 par GEPS, Donne acte à Maître Carrasset Marillier de son intervention ès qualités de représentant des créanciers et de liquidateur de la société Publication Européenne de Presse PEP, Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages et intérêts , L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau, Condamne la société GEPS à payer à Maître Carrasset Marillier ès qualités la somme de deux cent cinquante mille francs (250 000 F) à titre de dommages et intérêts, Déboute les parties de leur demande du chef de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la société GEPS aux dépens d'appel, Admet la SCP Bommart Forster, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.