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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 27 juin 1996, n° 602-94

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Containers Directs TS (Sté)

Défendeur :

Duarig (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magendie

Conseillers :

MM.Frank, Boilevin

Avoués :

SCP Fievet Rochette Lafon, SCP Lefevre, Tardy

Avocats :

Mes Furtos, Arnaud.

T. com. Versailles, du 3 nov. 1993

3 novembre 1993

Rappel des faits et de la procédure

La Société Duarig, qui fabrique des articles de sport, a commercialisé un panneau de basket dans un emballage plastique thermoformé transparent.

Estimant qu'un tel panneau, acheté le 05.06.1992 dans le magasin Carrefour de Portet Sur Garonne, était la copie servile du sien, et ayant découvert que ce panneau avait été vendu par la Société Containers Direct TS (CDTS), la Société Duarig a assigné cette dernière société sur le fondement de la concurrence déloyale en réparation du préjudice qu'elle aurait ainsi subi.

Par le jugement entrepris, les juges consulaires ont accueilli l'action à hauteur de 150 000 F.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont essentiellement retenu que " la comparaison des deux panneaux montre à l'évidence, ... que celui de la marque Slam Dunk " vendu par CDTS est la copie servile de celui de la marque Duarig ", ajoutant qu'aucune raison technique n'imposait une telle copie " ;

Exposé des thèses en présence et des demandes des parties

La Société CDTS soutient essentiellement que le produit commercialisé par la Société Duarig ne présente en lui-même aucune originalité, tant en ce qui concerne le structure métallique à laquelle est fixé le filet appelé à recueillir le ballon de basket, que son support mural, l'un et l'autre étant d'une forme et d'une conception standards sur le marché mondial, les moyens de fixation ne présentent pas davantage d'originalité ; enfin le conditionnement lui-même ne fait que suivre les contours du produit et n'apporte à celui-ci aucun caractère distinctif ni attractif. Elle aoute que l'article dont s'agit est d'une extrême banalité et que la Société Duarig ne saurait revendiquer une quelconque antériorité, alors que le produit litigieux a été commercialisé en France et dans le monde entier à des centaines de milliers d'exemplaires.

L'appelante conteste en outre l'évaluation arbitraire du préjudice à laquelle a procédé le Tribunal.

Elle demande à la Cour de :

- constater qu'il n'y a eu de la part de la Société Duarig aucune créativité dans la conception du produit litigieux,

- constater que la Société Duarig ne saurait revendiquer une quelconque antériorité sur ce produit, celui-ci étant vendu bien avant ses interventions à des centaines de milliers d'exemplaires en France et à l'étranger ;

- constater qu'il n'y a pu avoir dans l'esprit du public aucune confusion entre le produit vendu par la Société Duarig et celui incriminé ;

- en conséquence, dire et juger qu'il n'y a eu acte de concurrence déloyale de la part de la Société CDTS à l'encontre de la Société Duarig ;

Ce faisant,

- réformer le jugement rendu par le TC de Versailles, le 03.11.1993 en toutes ses dispositions et débouter la Société Duarig de ses demandes indemnitaires, celles-ci étant dénuées de tout fondement et en toute hypothèse le préjudice prétendument allégué n'étant pas démontré et son évaluation n'étant justifiée ;

- condamner la Société Duarig à la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- la condamner également à la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Fievet Rochette et Lafon, avoués associés, dans les termes de l'article 699 du NCPC.

La Société Duarig s'attache à réfuter cette argumentation. Elle soutient que la preuve d'une concurrence déloyale se trouve établie par la copie à l'identique de son produit, ce qui constitue un acte de concurrence déloyale.

Elle chiffre son préjudice à la somme de 500 000 F.

Elle prie enfin la Cour de lui allouer la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR

Considérant que si le seul fait de proposer à la vente des produits imités constitue une concurrence déloyale prohibée, c'est à la condition que l'imitation ait pour effet de créer une confusion entre les produits dans l'esprit de la clientèle;

Considérant que si les deux panneaux litigieux sont, comme l'a relevé le premier juge, très ressemblants dans leur forme et contour, il n'en demeure pas moins qu'ils sont parfaitement distinguables, ce qui exclut qu'ils puissent prêter à confusion dans l'esprit des clients potentiels;

Considérant en effet que l'article commercialisé par la Société Duarig comporte un panneau de contour vert sur fond blanc avec l'inscription en gros caractères de la marque Duarig, alors que le produit vendu par la Société CDTS comporte un panneau de couleur rouge sur fond noir avec l'inscription en lettres jaunes des mots " Slam Dunk " ; que de surcroît la tranche du panneau Duarig est plastifiée alors que celle du panneau concurrent ne l'est pas, laissant apparaître l'aggloméré qui en constitue l'épaisseur; que ce détail important confère au second panneau un caractère bas de gamme, d'une qualité très inférieure au premier:

Considérant que l'absence de confusion ou de risque de confusion entre les panneaux commercialisés par la Société CDTS et ceux de la Société Duarig suffit à faire écarter la demande de cette dernière fondée sur la concurrence déloyale;

Que le jugement entrepris sera réformé, l'équité justifiant en outre de ne pas laisser à la charge de la Société CDTS les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Dit la Société Containers Direct TS (CDTS) recevable et fondée en son appel, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Déboute la Société Duarig de ses demandes fondées sur l'existence d'actes de concurrence déloyale ; La condamne à 5 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Déboute la Société Containers Direct TS (CDTS) de sa demande de dommages-intérêts, Condamne la Société Duarig aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Fievet Rochette et Lafon, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.