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Décisions

CA Paris, 7e ch., 19 juin 1996, n° 94-1211

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dana

Défendeur :

Faugère et Jutheau (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

Mme Aldige, M. Gastebois

Avoués :

Mes Lecharny, Gibou-Pignot-Grapotte-Benetreau

Avocats :

Mes Sberro, Elkaim Scialom.

T. com. Paris, 7e ch., du 29 mars 1994

29 mars 1994

Faits et procédure

Suivant déclaration du 12 avril 1994, M. Gilbert Dana a interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 29 mars par la 7e chambre du tribunal de commerce de Paris qui :

- l'a débouté de tous les termes de sa demande ;

l'a condamné à payer à la société Faugère et Jutheau la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes des parties ;

- condamné M. Dana aux dépens.

Les faits de la cause, les prétentions et moyens des parties sont exposés dans le jugement déféré, auquel la Cour se réfère expressément.

Il doit, néanmoins, être rappelé et précisé que dans le cadre des contrats-groupe numéro 798 - 148/015 150 et 250 souscrits par les sociétés Goodyear, Goodyear-France et Goodyear Chemicals Europe auprès de la compagnie Union des assurances de Paris, puis de la compagnies Assurances Générales de France, par l'intermédiaire de son courtier, la société Faugère et Jutheau, la gestion des sinistres-maladies du personnel non-cadre a été confiée le 15 février 1989 à la société centre de prévoyance médico-sociale CPMS, exploitée par M. Dana.

Estimant que des propos constitutifs de concurrence déloyale ont été tenus par un responsable du cabinet Faugère et Jutheau au cours de la réunion des commissions de retraite et de prévoyance des sociétés Goodyear le 4 novembre 1922, a, par assignation délivrée le 18 février 1934, saisi le tribunal, qui a rendu la décision critiquée.

Dans ses écritures d'appel, M. Dana demande à la Cour de :

- le dire recevable et bien fondé en son recours ;

- infirmer le jugement ;

- condamner le cabinet Faugère et Jutheau sur le fondement de l'article 1382 du code civil à lui verser la somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ,

- ordonner à titre de dommages et intérêts complémentaires la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux à son choix et aux frais du cabinet Faugère et Jutheau, sans que le coût global puisse excéder 500 000 F hors taxe ;

- faire interdiction au cabinet Faugère et Jutheau de poursuivre ses actes de concurrence déloyale sous astreinte de 500 000 F par infraction constatée ;

- condamner la cabinet Faugère et Jutheau à lui verser la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

- le décharger de la condamnation à payer 10 000 F à ce titre au cabinet Faugère et Jutheau ; ;

- condamner le cabinet Faugère et Jutheau en tous les dépens de première instance et d'appel.

La société Faugère et Jutheau conclut pour voir :

- dire M. Dana tant irrecevable que mal fondé en son appel ;

- l'en débouter ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- condamner M. Dana à lui payer la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

- le condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 1996.

Discussion

Cet arrêt sera contradictoire.

Sur la recevabilité de l'appel

La société Faugère et Jutheau ne formule aucun argument à l'appui de son moyen d'irrecevabilité de l'appel.

Celui-ci ayant été interjeté dans les formes et délai de la loi, le moyen inutile ne peut qu'être rejeté.

Sur la concurrence déloyale

M. Dana fait valoir que le cabinet Faugère et Jutheau a eu, au cours de la réunion du 4 novembre 1992, un comportement diffamatoire et fautif à l'égard du CPMS en jetant le discrédit sur sa compétence et en invoquant des carences totalement inexistantes et que de ces faits le CPMS a subi un préjudice certain, moral et économique.

Mais la concurrence, dont participe les propositions faites par le responsable de la société Faugère et Jutheau à la société Goodyear, notamment, de " mettre en place les systèmes de gestion maladie qui sont assumés pour l'instant par le CPMS et la compagnie d'assurance " et de se " substituer au CPMS pour gérer vos sinistres ", ne peut être tenue pour déloyale que dans la mesure où celui qui s'y livre utilise des procédés de dénigrement, de mensonge, voire de diffamation d'une gravité telle qu'ils heurtent la morale commerciale pour porter une atteinte injustifiée à la notoriété du concurrent dans le but incontestable de détourner sa clientèle.

Tel n'est pas le cas, en l'espèce, de la seule constatation - justifiée, à tout le moins, quant au retard mis à l'établissement des statistiques de l'exercice 1991-de ce que " les organismes gestionnaires de la maladie ne nous donnant pas les éléments que nous souhaitons avoir "; et ce, même si elle comporte une critique feutrée du travail fourni par le CPMS - étant souligné que la même critique est formulée à l'adresse de la compagnie d'assurance quant à la gestion maladie des salariés cadres- qui procède du devoir de conseil de courtier, exactement défini par le tribunal, sollicité formellement par l'assuré et ainsi exprimé : " ... je ne vous demande rien. Je fais une proposition qui éventuellement vous convient... " et ne saurait, à ce titre, être constitutif d'une faute au sens de l'article 1382 du code civil.

Au surplus, M. Dana ne justifie pas d'un préjudice en relation certaine et directe de causalité avec cette faute alléguée puisqu'il résulte des termes même du procès-verbal de la réunion que les membres des commissions qui y participaient ne se sont pas prononcés sur cette proposition sans l'avoir soumise à tout le personnel et sans avoir entendu les arguments du CPMS ;

Qu'il reconnaît lui-même que sa société a conservé en 1993 la gestion maladie des personnels non-cadre, dont elle avait le soutient, alors que le mandat du cabinet Faugère et Jutheau a été résilié au mois de décembre 1993 et qu'elle a obtenu, à la même époque, sur la recommandation de celui-ci, la gestion des sinistres maladies de la société Lesieur ;

Qu'il ne démontre, donc, pas que le prétendue résiliation, de son propre mandat à une date non précisée et, à fortiori, la perte de la gestion des sinistres de la société Firestone, dont il ne justifie pas plus, auraient été la conséquence des propos tenus lors de la réunion du 4 novembre 1992.

C'est ainsi, à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de toutes ses demandes.

Leur décision, dont les autres dispositions ne sont pas remises en question, doit être confirmée purement et simplement.

Sur les frais non taxables

M. Dana, qui succombe en son appel et qui en supportera les dépens, sera condamné à verser la somme de 6 000 F à la société Faugère et Jutheau sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et débouté de sa demande aux mêmes fins.

Par ces motifs et ceux non contraire à cet arrêt, qui ont déterminé les premiers juges ; La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale ; Rejette le moyen d'irrecevabilité de l'appel ; Reçoit l'appel et les demandes additionnelles ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 mars 1994 par la 7ème chambre du tribunal de commerce de Paris ; Y ajoutant, condamne M. Gilbert Dana à verser la somme de 6 000 F à la société Faugère et Jutheau sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Le déboute de sa demande aux mêmes fins ; Le condamne aux dépens d'appel ; Admet l'avoué de la société Faugère et Jutheau au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.