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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 15 mai 1996, n° 94-016395

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Comité des Expositions de Paris

Défendeur :

Pro Evénements (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

SCP Gaultier-Kistner, Me Blin

Avocats :

Mes Chouraqui, Vaisse

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 28 avr. …

28 avril 1994

Le Comité des Expositions de Paris dit CEP, association reconnue d'utilité publique, organise de nombreuses manifestations commerciales dans la région parisienne dont la Foire de Paris depuis 1904.

Il est titulaire de la marque dénominative " Foire de Paris " déposée le 4 novembre 1988 sous le n° 964.991 et enregistrée sous le n° 1.496.893 dans les classes de produits ou services 1 à 42, en renouvellement de précédemment dépôts.

En 1993, il a créé au sein de la Foire de Paris qui devait se tenir au Parc des Expositions de la Porte de Versailles du 29 avril au 9 mai, le " Carrefour des Antiquaires " dont il a confié la gestion à Evelyne Taguet Margueridon, exerçant sous l'enseigne Expotrolles.

Le 11 mai 1993, alléguant que la SARL Pro Evénements qui organisait à la Porte d'Auteuil, du 30 avril au 9 mai 1993, une manifestation intitulée " Les Antiquaires à Auteuil ", avait diffusé une documentation précisant : " Nous bénéficions de la proximité de la Foire de Paris (environ un million de visiteurs qui seront sensibilisés par notre importante promotion) " et apposé des panneaux devant les portes principales d'accès du parc des Expositions de la Porte de Versailles, le CEP a assigné celle-ci devant le Tribunal de Grande Instance de Paris aux fins de la voir condamner pur usage illicite de sa marque et concurrence déloyale et parasitaire à lui verser les sommes de :

- 500 000 F en réparation de l'atteinte à sa marque,

- 400 000 F en indemnisation de son préjudice commercial,

- 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La Société Pro Evénements a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement, au mal fondé de la demande et sollicite l'attribution des sommes de 250 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 30 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 28 avril 1994, le Tribunal a :

- rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité en relevant que le CEP avait seul qualité à agir en l'espèce, en tant que titulaire de la marque invoquée et victime directe d'éventuels agissements parasitaires,

- dit la demande mal fondée aux motifs que la référence à la manifestation que constitue la Foire de Paris n'était nullement illicite et que la concurrence déloyale dénoncée s'était exercée de manière normale

- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts, le caractère abusif de l'action n'étant pas établi,

- condamné le CEP à verser à la Société Pro Evénements la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Le CEP a interjeté appel de cette décision le 12 juillet 1994.

A l'appui de ce recours, il fait valoir :

- sur l'atteinte à la marque : que l'utilisation d'une marque sans autorisation de son titulaire est prohibée par les dispositions des articles L. 713-2 et L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle et que la circonstance que la Foire de Paris se tenait concomitamment au Salon des Antiquaires d'Auteuil ne rendait nullement " nécessaire " une quelconque référence à cette marque,

- sur la concurrence déloyale : que les agissements de la Société Pro Evénements ont été " doublement parasitaires puisque cette dernière a d'abord tenté de bénéficier de la notoriété de la Foire de Paris ajoutée à l'ancienneté de l'exposition des Antiquaires d'Auteuil pour détourner des exposants du premier salon d'antiquaires au sein de la Foire de Paris organisé par le Comité des Expositions... (et) ensuite, placé des affiches à la Porte de Versailles et notamment devant l'entrée du " Carrefour des Antiquaires " dans le but évident et d'ailleurs avoué de détourner la clientèle des exposants dudit salon ".

Il poursuit en conséquence l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de l'intimée à lui verser les sommes de :

- 500 000 F à raison de l'atteinte portée à sa marque,

- 400 000 F en réparation du préjudice résultant des agissements parasitaires dénoncés,

- 15 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La Société Pro Evénements qui fait valoir d'une part, que l'utilisation des mots " Foire de Paris " sans fraude et dans un contexte clair, est d'usage courant et ne saurait causer un préjudice, d'autre part que le fait de bénéficier de la notoriété de la manifestation organisée par l'appelante s'inscrit dans le principe de la liberté du commerce, conclut à la confirmation de la décision entreprise.

Alléguant de surcroît que l'obstination du CEP dans sa volonté de la poursuivre lui cause un préjudice qui " atteint sa notoriété dans un environnement professionnel fort étroit ", elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 250 000 F à titre de dommages et intérêts, outre celle de 30 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la demande principale

Sur l'atteinte à la marque

Considérant que la Société Pro Evénements a diffusé auprès de ses clients, en vue de leur participation au salon " Les Antiquaires à Auteuil " qui devait se tenir du 30 avril au 9 mai 1993 à la Porte d'Auteuil, divers documents dont une fiche de renseignements techniques mentionnant à propos du site de cette exposition : " Nous bénéficions de la proximité de la Foire de Paris (environ un million de visiteurs qui seront sensibilisés par notre importante promotion) ".

Considérant que le CEP soutient que cette référence constitue l'utilisation sans son autorisation de la marque dont il est titulaire et ce, pour des services semblables : les manifestations commerciales, foires et salons visés à la classe 42.

Que la Société intimée réplique qu'il ne s'agit que de l'usage " sans fraude et dans un contexte clair " d'un nom générique qui ne recouvre en soi aucun produit ni service précis, qui serait d'usage courant et dont la prohibition reviendrait à " interdire toute exposition pour n'importe quel type de produits pendant la durée de la Foire de Paris, voire à l'extrême tout commerce ".

Considérant que la référence à une marque suffit à caractériser l'usage illicite de celle-ci, lorsque, ainsi faite, elle vise des produits ou services identiques ou similaires à ceux que protège l'enregistrement.

Mais considérant qu'il convient d'observer qu'en l'espèce, la dénomination " Foire de Paris " désigne une manifestation économique de grande importance depuis 1904 et n'a été qu'ultérieurement déposée à titre de marque.

Or considérant que les premiers juges ont exactement relevé que, dans le présent cas, cette dénomination avait été employée pour désigner non pas des produits ou services mais bien l'événement que constitue une telle manifestation.

Qu'ils en ont donc à juste titre déduit qu'un tel usage n'était nullement illicite.

Sur la concurrence déloyale

Considérant que l'appelant soutient que la Société Pro Evénements " a commis des agissements parasitaires au double niveau de la clientèle du Comité des Exposition de Paris, puis de la clientèle des exposants du " Carrefour des Antiquaires " dans le but évident et d'ailleurs avoué de détourner la clientèle des exposants dudit salon ".

Considérant qu'un procès-verbal de constat dressé le 5 mai 1993 par Me Pascal Vignat, huissier de justice à Paris, révèle que neuf affiches ont été apposées sur des mâts à proximité du Parc des Expositions de la Porte de Versailles, comportant le texte suivant : " Les Antiquaires à Auteuil - Porte d'Auteuil 75016 Paris - Salon de Prestige - 30 avril au 9 mai 1992 (en fait, 1993) - 11/12 heures - Pro Evénements Organisation... "

Mais considérant que le Tribunal a pertinemment retenu que ces affiches se bornent à promouvoir une manifestation concurrente, soit une opération conforme au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

Que de même, il n'est nullement établi par l'appelant que l'intimée se soit livrée à des manœuvres déloyales pour attirer indûment à elle des clients ou pour les écarter du " Carrefour des Antiquaires ".

Qu'en revanche, le fait de se référer dans sa documentation à l'événement que constitue la Foire de Paris suffit à caractériser la volonté de la Société Pro Evénements de se placer dans le sillage de cette manifestation de manière à bénéficier de sa notoriété et des efforts réalisés en ce sens par l'appelant, avec lequel elle était en rapport de concurrence.

Que ce comportement parasitaire justifie eu égard au trouble commercial qui en résulte pour le CEP la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 50 000 F à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que l'appel étant partiellement fondé, la Société Pro Evénements ne saurait invoquer le préjudice résultant pour elle de " l'attitude impérieuse à caractère monopolistique " du CEP

Sur les frais non taxables et les dépens

Considérant qu'il est équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et des frais par elle exposés non compris dans ceux-ci.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Comité des Exposition de Paris de la demande en contrefaçon de la marque " Foire de Paris " N° 1.496.893, Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau, Dit la demande en concurrence parasitaire recevable et bien fondée, Condamne en conséquence la Société Pro Evénements à payer au Comité des Expositions de Paris la somme de Cinquante Mille Francs (50 000 F) à titre de dommages et intérêts, Rejette toutes autres demandes, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.