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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 17 avril 1996, n° 94-020263

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Theves

Défendeur :

Val De Marne Coiffure (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

SCP Bernabé-Ricard, SCP Bollet-Baskal

Avocats :

Mes Aymes, Chevallier.

T. com. Créteil, 2e ch., du 14 juin 1994

14 juin 1994

Alain Thèves, artisan coiffeur, exploite un salon sis 9 rue du Général Leclerc à Créteil.

Le 5 août 1993, l'une de ses employées, Joëlle Brillant, épouse Bottacci lui a remis sa démission.

Ayant constaté qu'elle avait été embauchée le 30 septembre 1993 par contrat prenant effet au 1er octobre suivant par la SARL Val de Marne Coiffure qui exerce la même activité que lui, 10 rue du Général Leclerc à Créteil, Alain Thèves, invoquant tant un débauchage illicite qu'un détournement de clientèle, a assigné cette société le 21 octobre 1993 devant le Tribunal de Commerce de Créteil aux fins de voir :

- déclarer la défenderesse coupable de concurrence déloyale,

- condamner ladite société à lui verser les sommes de :

200 000 F en réparation du préjudice résultant de la perte de clientèle alléguée,

10 000 F en indemnisation de son préjudice moral,

10 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans un journal local aux frais de la Société Val de Marne Coiffure.

Celle-ci a conclu le 8 mars 1994 au rejet de la demande et a sollicité l'attribution des sommes de 50.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 14 juin 1994, le Tribunal relevant d'une part, que le fait d'embaucher un personnel ayant travaillé dans une entreprise concurrente ne suffisait pas à caractériser un acte de concurrence déloyale, d'autre part, que le demandeur ne justifiait pas que la baisse de son chiffre d'affaires soit due à un détournement de clientèle opéré par Joëlle Bottacci pour le compte de la Société Val de Marne Coiffure, a débouté Alain Thèves de ses prétentions, l'a condamné à payer une somme de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile à la défenderesse, dont la demande en dommages et intérêts a été rejetée.

Alain Thèves a interjeté appel de ce jugement le 21 juillet 1994.

A l'appui de ce recours, il expose que, durant ses congés d'été 1993 soit du 15 au 31 juillet, ses deux employées, Christelle Fuster et Joëlle Bottacci, ont été contactées par Josette Rigaudy, gérante de la Société Val de Marne Coiffure et qu'à la suite de cette démarche, il a eu la surprise de voir Joëlle Bottacci, à l'expiration de son préavis, travailler dans le salon situé en face du sien.

Il fait valoir qu'une attestation de Christelle Fuster en date du 7 octobre 1993 établit la manœuvre de débauchage tendant à désorganiser son entreprise et à détourner une partie de sa clientèle, " inévitablement entraînée " par Joëlle Bottacci.

Il sollicite en conséquence l'infirmation de la décision déférée sauf en ce qu'elle a débouté la Société Val de Marne Coiffure de sa demande reconventionnelle et poursuit la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes de 200.000 F en réparation de son préjudice matériel, de 100.000 F au titre de son préjudice moral et de 15.000 F pour ses frais irrépétibles.

Il demande également la publication du présent arrêt dans un journal local, aux frais de l'intimée.

La Société Val de Marne Coiffure qui a formé un appel incident par conclusions du 23 janvier 1995, conclut à la confirmation du jugement entrepris du chef de la demande principale et à son infirmation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle.

Soutenant qu'Alain Thèves " par son action sans motif " lui a causé auprès de la clientèle un préjudice certain, elle évalue la réparation de celui-ci à la somme de 50.000 F et les frais par elle exposés en cause d'appel à 15.000 F.

SUR CE

Sur la demande principale

Considérant que le principe de la liberté du travail autorise un salarié à mettre fin à son engagement pour exercer une activité pour le compte d'un nouvel employeur.

Qu'il n'est pas interdit à celui-ci de discuter et d'arrêter les clauses d'un contrat de travail et de s'engager à embaucher le salarié d'une entreprise concurrente avant même que ce salarié ait manifesté à celle dernière son intention de la quitter.

Qu'en l'espèce, quand bien même il serait possible de prendre en considération l'attestation délivrée par Christelle Fuster à son employeur, il n'en résulterait pas la preuve de l'existence d'actes de concurrence fautifs, Josette Rigaudy s'étant bornée, à la suite de la maladie d'une employée, à afficher du 31 août au 4 septembre 1993, une offre d'emploi à sa devanture, à publier deux annonces dans des journaux professionnels et à contacter deux coiffeuses dont l'une a accepté sa proposition.

Considérant qu'Alain Thèves allègue également que l'intention de nuire de l'intimée se caractérisait par l'assurance que Joëlle Bottacci entraînerait inévitablement avec elle la clientèle qui lui était attachée et utiliserait dans son nouvel emploi la technique acquise auprès de l'appelant.

Qu'il soutient que ce détournement a eu pour conséquence une baisse de 10 % de son chiffre d'affaires dans les mois suivant le départ incriminé.

Mais considérant que la liberté de la concurrence restant le principe fondamental des rapports commerciaux, chaque commerçant a la possibilité d'attirer la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, sous la réserve de respecter les usages loyaux du commerce.

Qu'en l'absence de preuve de procédés irréguliers, le Tribunal qui, au surplus, a exactement relevé qu'Alain Thèves ne justifiait pas de la corrélation entre la chute de son chiffre d'affaires et le départ de Joëlle Bottacci, a à bon droit rejeté ce grief.

Sur la demande reconventionnelle

Considérant que la Société Val de Marne Coiffure qui n'établit pas le caractère abusif de l'action d'Alain Thèves, sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

Sur le frais non taxables

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes par elle exposées non comprises dans les dépens.

Par ces motifs, confirme le jugement entrepris, en toutes ses dispositions à l'exception de celle fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Le réformant de ce chef et statuant à nouveau, Déboute la Société Val de Marne Coiffure de sa demande à ce titre, Rejette toutes autres demandes, Condamne Alain Thèves aux dépens d'appel, Admet la SCP Bollet Baskal, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.