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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 18 mars 1996, n° 9301731

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Berteloot

Défendeur :

Carpy

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gautier (faisant fonction)

Conseillers :

M. Gouilhers, Mme Penot

Avoués :

Mes Guillaumin, Tracol

Avocat :

Me Rouaud.

T. com. Bourges, du 24 août 1993

24 août 1993

Mme Roger Berteloot employait depuis le 25 janvier 1982 Mme Marie-Hélène Da Silva épouse Tranchard en qualité de coiffeuse. Le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, laquelle lui faisait interdiction en cas d'expiration du contrat pour quelque cause que ce soit, de s'engager pendant une durée de six mois et dans un rayon de 15 000 mètres à vol d'oiseau dans une activité similaire.

Le 24 septembre 1989, Mme Tranchard démissionnait pour aller s'embaucher immédiatement dans le magasin de M. Carpy situé dans la toute proximité du magasin de Mme Berteloot.

Mme Berteloot a fait assigner M. Carpy en paiement de la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts, demande fondée sur la concurrence déloyale et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement rendu le 24 août 1993, le Tribunal de commerce de Bourges a débouté Mme Berteloot de ses demandes et l'a condamnée à verser à M. Carpy la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mme Berteloot a interjeté appel de cette décision.

Elle fait valoir :

- que M. Carpy connaissait l'existence de la clause de non-concurrence liant Mme Tranchard et que l'employeur qui recourt sciemment aux services d'un salarié qu'il sait tenu par une clause de non-concurrence vis-à-vis de son précédent employeur, se rend lui-même coupable de concurrence déloyale.

- qu'il est démontré une baisse de chiffres d'affaires et de résultat entre les années 1988-1989 et 1989-1990 et qu'il y a lieu non seulement de tenir compte de la baisse de chiffre d'affaires mais en outre du potentiel perdu et du manque à gagner qui a pu en résulter.

Mme Berteloot demande donc la réformation du jugement entrepris et sollicite la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts, la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et une somme complémentaire de 5 000 F sur le fondement du même texte au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

M. Carpy demande par contre la confirmation du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bourges et sollicite la somme de 6 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il fait valoir que l'action est irrecevable car Mme Berteloot a obtenu la réparation de son préjudice sur le fondement contractuel à l'encontre de sa salariée puisque Mme Berteloot devant le Conseil de Prud'hommes et la Cour d'appel, statuant en Chambre sociale, a obtenu la condamnation de sa salariée par arrêt du 18 juillet 1991 à lui régler sur le fondement de la clause pénale incluse dans le contrat de travail, une indemnité égale aux derniers mois de salaire net augmentés des intérêts au taux légal et qu'aux termes de l'article 1229 alinéa 2 du code civil il est interdit de cumuler la clause pénale et les dommages et intérêts.

M. Carpy, au fond, expose que Mme Berteloot ne rapporte pas la preuve qu'il avait connaissance de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de Mme Tranchard, que la faible baisse du chiffre d'affaires sur l'exercice 1989-1990 n'est pas significative et qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le départ de Mme Tranchard et une éventuelle baisse du chiffre d'affaires.

Sur quoi, LA COUR,

Attendu qu'en cas de non-respect de la clause de non-concurrence, le salarié peut être condamné, le cas échéant, à verser des dommages et intérêts ;

Attendu que cette violation peut également engager la responsabilité délictuelle du nouvel employeur si une faute peut être reprochée à ce dernier, c'est à dire s'il connaissait l'existence de la clause ;

Attendu que Mme Tranchard a été condamnée par la Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale à payer à Mme Berteloot une indemnité égale aux derniers mois de salaires nets hors accessoires pour violation de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail du 25 février 1982.

Or, attendu que l'article 1229 alinéa 2 du code civil prohibe le cumul de la clause pénale et de dommages et intérêts etque si le salarié a déjà été condamné en application d'une clause pénale, le nouvel employeur complice de la violation de la clause ne peut être condamné à payer des dommages et intérêts supplémentaires, qu'il ne peut faire l'objet que d'une condamnation solidaire avec le salarié.

Attendu que la demande de Mme Berteloot dirigée contre M. Carpy est donc irrecevable dans la mesure où Mme Berteloot a poursuivi sa salariée devant le Conseil de Prud'hommes et la Cour d'appel et a obtenu la condamnation de Mme Tranchard par arrêt du 18 juillet 1991 à lui régler une indemnité sur le fondement de la clause pénale incluse dans le contrat de travail, qu'aux termes de l'article 2 du code civil il est interdit de cumuler la clause pénale et une demande de dommages et intérêts et que Mme Berteloot ne sollicite pas une condamnation solidaire du nouvel employeur avec Mme Tranchard.

Attendu que l'équité commande d'allouer à M. Carpy la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs, Reçoit l'appel en la forme, Au fond, le dit injustifié, Confirme la décision déférée, Ajoutant, Déboute Mme Berteloot de ses demandes d'indemnisation en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne Mme Berteloot à verser à M. Carpy la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne Mme Berteloot aux dépens d'appel, Alloue à Me Tracol, le bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.