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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 15 mars 1996, n° 93-10332

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Navarro

Défendeur :

Lab'Ortho Europe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

Me Cordeau, SCP Jobin

Avocats :

Mes Chatelain, Domas.

T. com. Paris, 1re ch., du 22 févr. 1993

22 février 1993

La Société Lab'Ortho Europe, dont le gérant est M. Salvan, réalise des prothèses pour dentistes. Elle expose qu'une de ses anciennes prothésistes, Mme Duguet, licenciée le 7 juillet 1991, est entrée au service de Monsieur Navarro, lui-même prothésiste dentaire, et qu'une circulaire publicitaire, a été diffusée par Monsieur Navarro auprès des clients de la Société Lab'Ortho Europe, rédigée comme suit :

" Le laboratoire Navarro vient de s'enrichir d'un personnel hautement qualifié sortant des laboratoires Tafforin/Salvan.

Je me permet donc, vous sachant ancien partenaire de ce laboratoire de vous proposer mes services afin que vous ne souffriez pas d'un moment de flottement dans votre travail :

C'est pour vous la continuité.

D'avance le Laboratoire Navarro est heureux de vous compter parmi ses clients et de vous faire partager ses atouts ".

La Société Lab'Ortho Europe estimant que ces faits constitueraient des actes de concurrence déloyale a assigné de ce chef Monsieur Navarro. Le jugement déféré a retenu des faits de concurrence déloyale à l'encontre de Monsieur Navarro et l'a condamné à payer à la Société Lab'Ortho Europe la somme de 100 000 F de dommages-intérêts, outre une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Monsieur Navarro a relevé appel de cette décision. Il fait valoir que les attestations versées par la Société Lab'Ortho Europe sont sujettes à caution et que la circulaire litigieuse pour maladroite qu'elle soit ne témoigne aucun cas d'une tentative de détournement de la clientèle de la Société Lab'Ortho Europe, puisqu'il s'adresse à des anciens clients de celle-ci. L'appelant estime n'avoir donc commis aucun acte de concurrence déloyale et conclut à l'infirmation du jugement.

La Société Lab'Ortho Europe estime que le démarchage de ses clients n'a pu être réalisé qu'au moyen d'une liste fournie par Mme Duguet et que la circulaire litigieuse constitue un dénigrement de son entreprise. Il conclut à la confirmation du jugement en ce qui concerne le principe de responsabilité de Monsieur Navarro et relève appel incident du chef du préjudice, fixant celui-ci à la somme de 300 000 F.

Sur ce, LA COUR

Qui pour plus ample exposé, se réfère au jugement de 1° instance et aux écritures d'appel,

Sur la concurrence déloyale

Considérant qu'il résulte des termes de la circulaire, et plus particulièrement du terme " flottement ", que celle-ci jette le discrédit sur l'intimée en laissant entendre que cette dernière n'assurera plus le travail qui lui était confié de façon aussi satisfaisante qu'auparavant; que ces faits constituent des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la Société Lab'Ortho Europe ;

Considérant que cette circulaire a été diffusée auprès de la clientèle de la Société Lab'Ortho Europe, comme cela résulte suffisamment des attestations versées aux débats établies tant par le Docteur Hedin que par le Docteur Panetier, lequel se présente non comme un ancien client de l'intimée mais comme un client actuel ; que la circonstance que cette dernière attestation soit dactylographiée est inopérante dès lors qu'elle est établie sur le papier à en tête du médecin, et qu'elle est accompagnée de la copie d'un document d'identité, tous éléments qui garantissent son authenticité;

Sur le préjudice

Considérant que la Société Lab'Ortho Europe soutient que son préjudice doit être fixé en comparant le chiffre d'affaire réalisé au cours de l'exercice 1190 avec le chiffre d'affaires réalisé en 1991 marque une différence d'environ 250 000 F, différence qui se serait accentuée en 1992 puisque la perte serait cette fois-ci supérieure ;

Considérant cependant que les effets de la circulaire litigieuse qui a été diffusée selon l'intimée au mois d'octobre 1991, ne peuvent se faire sentir au meilleur des cas qu'à la fin de l'année 1991 ; qu'il n'y a donc pas lieu de comparer les chiffres d'affaires 1990 et 1991 ; que la baisse du chiffre d'affaires de la Société Lab'Ortho Europe relève plutôt comme le soutient avec pertinence l'appelante, de difficultés économiques antérieures de la Société Lab'Ortho Europe qui a d'ailleurs dans le courant de l'année 1991 procédé à des licenciements économiques ; que le préjudice de l'intimée sera donc au vu de ces éléments diminué à la somme de 50 000 F ;

Considérant qu'en équité les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du NCPC seront confirmées, l'intimée ne présentant pas en cause d'appel de nouvelles demandes de ce chef ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant du préjudice ; Statuant à nouveau de ce seul chef : - Condamne Monsieur Navarro à payer à la Société Lab'Ortho Europe une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts. - Condamne Monsieur Navarro aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du NCPC par la SCP Jobin.