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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 13 mars 1996, n° 94-002599

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Comtesse du Barry (SA)

Défendeur :

Paul et Marie Decayzac (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

Me Lecharny, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Hollier-Larousse, Prouvost.

T. com. Paris, 17e ch., du 16 nov. 1993

16 novembre 1993

La SA Comtesse du Barry fabrique et vend dans ses 55 magasins et par correspondance divers produits gastronomiques en conserve dont des foies gras.

Elle utilise notamment pour ce faire des conditionnement revêtus d'étiquettes bicolores bleu-nuit et bleu roi ou bleu nuit et rouge ou des étiquettes bicolores bleu nuit, vert et rouge, comportant dans la partie supérieure sur fond bleu nuit la marque " Comtesse du Barry " inscrite en arc de cercle et un portrait de femme insérée dans un médaillon.

Alléguant que la SA Paul et Marie Decayzac commercialisait des boîtes de blocs de foie gras revêtues d'étiquettes reproduisant les caractéristiques de celles qu'elle emploie, elle a assigné celle-ci, le 10 février 1993, devant le tribunal de Commerce de Paris aux fins de la voir condamner avec le bénéfice de l'exécution provisoire pour concurrence déloyale et parasitaire, outre aux habituelles mesures d'interdiction sous astreinte et de publication, à lui verser les sommes de 500 000 F à titre de dommages et intérêts et de 30 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 12 octobre 1993, la société Paul et Mariez Decayzac a conclu au rejet de la demande et à l'attribution d'une somme de 30 000 F HT pour ses frais non taxables.

Par jugement du 16 novembre 1993, le Tribunal a débouté la société Comtesse du Barry de ses prétentions et l'a condamnée à payer à la défenderesse une somme de 15 000 F HT en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société Comtesse du Barry a interjeté appel de cette décision le 17 décembre 1993.

A l'appui de ce recours, elle expose que l'intimée a adopté pour commercialiser des blocs de foie gras de canard et d'oie des étiquettes reproduisant les caractéristiques de celles qu'elle-même utilise pour ses flûteaux de jambon au foie de canard et ses médaillons de foie de canard ou d'oie.

Invoquant le préjudice commercial imputable au détournement de clientèle qui résulterait de la confusion provoquée par la similitude des étiquettes ainsi que l'atteinte à son image de marque et à sa notoriété causée par la distribution dans les conditionnements litigieux deproduits de médiocres qualité, elle poursuit l'infirmation du jugement, la condamnation de l'intimée au paiement des sommes d'un million de francs à titre de dommages et intérêts et de 60 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'interdiction pour celle-ci de poursuivre de tels agissements sous astreinte de 1 000 F par infraction constatée et de 5 000 F par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ainsi que la publication de celui-ci dans dix journaux ou revues de son choix et aux frais de l'intimée dans la limite d'un coût global de 200 000 F HT.

La société Paul et Marie Decayzac réplique qu'il existe de nombreuses différences entre les étiquettes en présence, lesquelles concernent de surcroît des produits distincts et en déduit que le risque de confusion est inexistant.

Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'allocation d'une somme de 30 000 F Ht en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce

Sur la demande principale

Considérant que la société Comtesse du Barry commercialise depuis 1990 :

- des flûteaux de jambon au foie de canard dans un conditionnement revêtu d'une étiquette bicolore dont la partie supérieure, de couleur bleu nuit et la partie inférieure de couleur bleu roi, sont séparées par un filet doré, la partie supérieure comportant la mention de la marque " Comtesse du Barry " en un arc de cercle sous le centre duquel est inséré un médaillon surmonté d'une couronne contenant le portrait de Mme Du Barry,

- un médaillon de foie de canard dont l'étiquette comporte trois parties délimitées par deux filets dorés : une partie inférieure de couleur rouge, une partie médiane de couleur verte et une partie supérieure de couleur bleu nuit sur laquelle sont représentés la marque et le médaillon tels que ci-dessus décrits,

- un médaillon de foie d'oie, avec une étiquette bicolore dont la partie inférieure, de couleur rouge, est séparée par un filet doré de la partie supérieure de couleur bleu nuit, laquelle reproduit la marque et le médaillon déjà visés.

Or considérant que la société Paul et Marie Decayzac offre à la vente depuis 1992 ;

- un bloc de foie gras de canard, individualisé par une étiquette bicolore, constituée de deux parties séparées par un filet doré : une partie inférieure de couleur bleu roi et une partie supérieure à fond bleu nuit laquelle comporte l'indication de la marque " Paul et Marie Decayzac ", inscrite en un arc de cercle sous lequel est reproduit le profil du roi Henri IV,

- un bloc de foie gras de canard, sous une étiquette bicolore constituée de deux parties séparées par un filet doré : une partie inférieure de couleur rouge, une partie supérieure de couleur verte reproduisant la marque de l'intimée et le profil susvisé,

- un bloc de foie gras d'oie, avec étiquette bicolore comportant une partie inférieure rouge séparée par un filet doré d'une partie supérieure bleu nuit sur laquelle sont apposés la marque en arc de cercle de l'intimée et le profil de Henri IV.

Considérant que l'adoption délibérée et arbitraire des combinaisons de couleurs retenues antérieurement par l'appelante et de la manière caractéristique de celle-ci (en arc de cercle) d'apposer sa marque au-dessus de la représentation d'un personnage historique pour désigner des produits de nature identique ou similaire, se situant en tout état de cause dans la même sphère d'activité commerciale, suffit à établir la volonté de l'intimée, société récente puisqu'immatriculée au registre du commerce de Bergerac le 18 octobre 1990, de s'insérer dans le sillage économique d'une entreprise ancienne jouissant d'une grande notoriété dans le secteur considéré, de profiter des investissements par elle effectués et de susciter à son propre profit une confusion ou un rapprochement illicite entre les produits de cette société et les siens dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne n'ayant sous les yeux qu'un seul conditionnement.

Que de tels actes parasitaires et d'un tel risque s'infère nécessairement l'existence d'un préjudice dont la réparation peut être évaluée à la somme de 300 000 F.

Qu'il sera également fait droit aux demandes en interdiction et en publication dans les limites fixées au dispositif.

Sur les frais non taxables

Considérant que la société Paul et Marie Decayzac qui succombe, sera déboutée de ce chef.

Qu'il est en revanche équitable d'allouer à la société Comtesse du Barry pour les frais non compris dans les dépens exposés par elle en première instance et en appel une somme de 30 000 F.

Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, Dit la demande formée par la société Comtesse du Barry à l'encontre de la société Paul et Marie Decayzac du chef de concurrence déloyale et parasitaire recevable et bien fondée, Fait interdiction à la société Paul et Marie Decayzac d'utiliser les étiquettes litigieuses sous astreinte de 500 F par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Condamne la société Paul et Marie Decayzac à verser à la société Comtesse du Barry les sommes de :-Trois Cent Mille Francs (300 000 F) à titre de dommages et intérêts, - Trente Mille Francs (30 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Autorise la publication du présent arrêt dans cinq journaux ou revues au choix de la société Comtesse du Barry et aux frais de la société Paul et Marie Decayzac dans le limite d'un coût global de 100 000 F HT, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Paul et Marie Decayzac aux dépens de première instance et d'appel, Admet Me Jean-Loup Lecharny, avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.