CA Pau, 2e ch. sect. 1, 8 février 1996, n° 662-96
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chanel (SA)
Défendeur :
Capitolina Profumi (SRL), Via Frattina (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Biecher
Conseillers :
M. Roux, Mme Grenier
Avoué :
Me Galinon
Avocat :
Me Pech de Laclause.
Par jugement en date du 12 octobre 1994, le Tribunal de Commerce de Pau a débouté la SA Chanel de son action en concurrence déloyale à l'encontre de la SRL Capitolina Profumi et de la SARL Via Frattina,
La SA Chanel a régulièrement relevé appel de cette décision par acte du 7 décembre 1994 en sollicitant, par réformation, qu'il soit jugé que la SRL Capitolina Profumi et la SARL Via Frattina se sont rendues coupables d'agissements fautifs constituant une concurrence déloyale et qu'elles soient condamnées à lui payer la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
La SA Chanel a également sollicité que soit ordonné la publication de l'arrêt à intervenir et la condamnation de chacune des sociétés intimées à lui payer la somme de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Ni la SRL Capitolina Profumi, ni la SARL Via Frattina n'ont constitué avoué, bien que régulièrement assignées,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 1995,
Sur quoi LA COUR :
Attendu qu'il ressort des faits constants de la cause tels qu'ils sont établis par les écritures des parties et les documents versés aux débats que la SA Chanel a fait constater le 20 juillet 1993, par procès-verbal d'huissier de justice, la présence dans les rayons de la parfumerie exploitée par la SARL Via Frattina, 29 avenue du Général de Gaulle à Pau, de trois flacons de parfum de marque Chanel vendus le 4 décembre 1992 à cette société par la SRL Capitolina Profumi,
Attendu qu'à l'appui de son appel de la décision qui l'a déboutée de ses demandes à l'encontre des sociétés Capitolina Profumi et Via Frattina, la SA Chanel fait valoir que l'une et l'autre lui ont causé un préjudice certain par des agissements fautifs dans la commercialisation de produits de marque Chanel résultant notamment de ce qu'ils laissaient croire aux consommateurs qu'ils avaient affaire à un distributeur agréé,
Attendu qu'à l'appui de son appel de la décision qui l'a déboutée de ces demandes à l'encontre des sociétés Capitolina Profumi et Via Frattina, la SA Chanel fait valoir que l'une et l'autre lui ont causé un préjudice certain par des agissements fautifs dans la commercialisation de produits de marque Chanel résultant notamment de ce qu'ils avaient affaire à un distributeur agréé,
Attendu que la cour se référera par ailleurs pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties aux dispositions de la décision dont appel en ce qu'elles ne sont pas contraires à celles du présent arrêt ainsi qu'aux conclusions visées ci-dessus en référence et déposées au dossier de la procédure,
Sur la responsabilité de la SARL Via Frattina
Attendu que la SA Chanel fait plaider de ce chef que la responsabilité de la SARL Via Frattina est engagée à son égard dès lors :
- que celle-ci s'est approvisionnée auprès d'un autre commerçant dont elle savait qu'il n'était pas agréé comme revendeur de produits Chanel,
- que les conditions de vente de ces produits, non conformes aux critères objectifs et qualitatifs qu'elle exige de ses revendeurs agréés, sont déloyaux tant à son égard, au regard de ses investissements pour la promotion et la protection de l'image de sa marque, qu'à l'égard des autres parfumeurs qui ont fait l'effort de répondre à ses exigences pour être agréés,
- que ces ventes doivent être considérées comme fautives du simple fait qu'elles ont pu laisser croire aux consommateurs que cette parfumerie était un distributeur agréé,
Attendu en droit que la notion de concurrence déloyale, qui repose sur la faute civile, nécessite la démonstration de la réalité tant du fait fautif reproché que du préjudice en ayant résulté et du lien de causalité existant entre eux,
Attendu qu'il apparaît en la cause, étant acquis :
- d'une part, que la réglementation européenne prohibe les limitations du commerce entre Etats membres de la Communauté économique européenne,
- d'autre part, que la société appelante ne justifie des conditions de vente de ces produits par la SARL Via Frattina,
- et enfin, que seuls étaient présentés à la vente deux flacons, le troisième étant utilisé pour des démonstrations,
- que les prétentions de la SA Chanel s'avèrent mal fondées dès lors que l'acquisition des produits en question par la SARL Via Frattina à la SRL Capitolina Profumi, opération commerciale réalisée entre deux commerçants de deux Etats membres de la Communauté économique européenne, n'est pas fautive et ne peut constituer en soi un acte de concurrence déloyale, qu'il n'est pas justifié que les conditions de vente étaient de nature à porter atteinte à l'image de la marque Chanel etque la présence de seulement deux flacons, sans mention restrictive particulière quant aux modalités de leur vente [aux] consommateurs, ne pouvait être de nature à faire croire à la clientèle que cette parfumerie était agréée par la marque dont le produit était revêtu,
Attendu que la SA Chanel sera en conséquence déboutée de ses demandes à l'encontre de la SARL Via Frattina qui sont injustifiées,
Sur la responsabilité de la SRL Capitolina Profumi
Attendu que la SA Chanel fait valoir de ce chef que la responsabilité de la SRL Capitolina Profumi est engagée du fait qu'elle a, quoique la vente soit intervenue en Italie, exporté sur le sol français des produits Chanel pour lesquels elle ne disposait d'aucune garantie de qualité ou d'authenticité et dont elle savait pertinemment qu'ils allaient être revendus en France en dehors du réseau de distribution de Chanel,
Mais attendu que la SA Chanel, qui fait délibérément " abstraction ... des conditions dans lesquelles Capitolina Profumi s'est elle-même approvisionnée en Italie et du contrat de vente intervenu entre elle et Via Frattina ", ne peut dès lors valablement reprocher à la SRL Capitolina Profumi les conséquences de ces actes, la limitation de la discussion aux faits reprochés privant la cour de la possibilité d'apprécier, par l'examen des conditions dans lesquelles cette société a acquis puis revendu, en Italie, les produits de question, le bien-fondé des fautes alléguées,
Attendu que la SA Chanel sera en conséquence également déboutée de ses demandes à l'encontre de la SRL Capitolina Profumi qui s'avèrent injustifiées,
Par ces motifs : Et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort, Reçoit la SA Chanel en son appel de la décision rendue le 12 octobre 1994 par le Tribunal de Commerce de Pau, Confirme cette décision en toutes ses dispositions, Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires, Condamne la SA Chanel aux entiers dépens.