CA Paris, 4e ch. A, 7 février 1996, n° 94-006491
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Stocks Sacs (SARL)
Défendeur :
Louis Vuitton (SA), Louis Vuitton Malletier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Duvernier
Conseillers :
Mmes Mandel, Marais
Avoués :
SCP Bollet-Baskal, Me Moreau
Avocats :
Mes Hoffman, de la Myre Mory.
La société Louis Vuitton Malletier SA s'est vu transférer la propriété des marques de la société Louis Vuitton SA aux termes d'un acte authentique régulièrement transcrit sur le Registre National des Marques à l'INPI, le 3 novembre 1992, sous le n° 151174, sur la demande qui en a été faite le 11 septembre 1992 sous le N° 6733857.
Au nombre de ces marque se trouvent, outre la marque " Louis Vuitton n° 1.450.752 déposée le 19 février 1988 en renouvellement de dépôts antérieurs, les marques figuratives constituée d'une texture de lignes irrégulières, sensiblement parallèles, disposées en épis et revendiquant, ton sur ton, deux couleurs :
- Bleu clair/Bleu foncé pour la marque n° 1.399.708
- Brun clair/Beige pour la marque n° 1.399.710
- Brun fauve clair/Brun fauve foncé pour la marque n° 1.399.711
- Gris clair/noir pour la marque n° 1.399.712
- vert clair/Vert foncé pour la marque n° 1.399.713
- Rouge clair/Rouge Foncé pour la marque n° 1.451.789
les cinq premières ayant été déposées le 17 mars 1987, la sixième le 26 février 1988.
Ces marques, déposées pour désigner notamment les articles de la classe 18 relatives aux articles de cuirs, imitation du cuir, produits en ces matières, sont largement exploitées pour de très nombreux articles de maroquinerie de haut luxe, et apposées sur une gamme de produits dit " Ligne Epi ".
Apprenant, dans le courant du mois de septembre 1992, que la société Stock'Sacs commercialisait, en divers coloris, des articles qui reproduiraient les marques susvisées, et après avoir fait pratiquer, le 2 octobre 1992, une saisie dans les magasins, que celle-ci exploite rue de Sèvres et rue Saint Dominique à Paris, les sociétés Louis Vuitton et Louis Vuitton Malletier ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris qui par jugement du 6 janvier 1994, rejetant les objections de la défenderesse quant à la prétendue nullité des marques figuratives invoquées, l'a condamnée à dommages-intérêts sur le fondement d'actes de contrefaçon, a constaté l'existence d'actes de concurrence déloyale, et ordonné les mesures d'interdiction, de confiscation et de publication habituelles.
La société Stock'Sacs a interjeté appel de cette décision.
A l'appui de son recours elle fait essentiellement valoir :
- que les marques invoquées par les sociétés Vuitton ne sont pas valables comme ne constituant pas un " signe " applicable aux produits ou services d'une personne et comme étant dépourvues de tout caractère distinctif ;
- que la contrefaçon reprochée n'est pas constituée, les articles prétendument contrefaits ne reprenant pas les caractéristiques des marques tant dans leurs stries et leurs couleurs que dans le monogramme LV ;
- qu'aucun acte de concurrence déloyale distinct n'est caractérisé ;
- que le préjudice n'est pas réellement justifié.
Concluant en conséquence à l'infirmation de la décision entreprise, elle sollicite paiement de la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Les sociétés Vuitton tout en sollicitant le rejet des écritures du 11 décembre 1995 comme tardives, concluent au mal fondé des prétentions de la société Stock'Sacs.
Elles soutiennent :
- que les signes, tels que définis par les certificats d'identités versés aux débats et reproduits sur leurs articles, constituent des marques valables, parfaitement distinctives tant à l'origine qu'en raison de l'exploitation intensive qui en a été faite dans le monde entier ;
- que la contrefaçon résulte non seulement de la détention et de mise en vente et/ou de la vente d'articles reproduisant les caractéristiques distinctives des marques, mais également de l'utilisation, lors des opérations de saisie-contrefaçon, par la préposée de la société Stock'Sacs, de la marque " Vuitton " pour désigner les produits incriminés ;
- que constituent des actes de concurrence déloyale distincts : :
* l'utilisation de l'expression " cuir épi "
* la reproduction du modèle de sac " Noe ", l'un des plus connus et des plus vendus de la gamme Vuitton ;
* la déclinaison des sacs et autres articles de maroquinerie dans les teintes de cette gamme.
Elles demandent en conséquence à la Cour :
De confirmer en son principe le Jugement du 6 janvier 1994 et en conséquence de :
- dire et juger valables les marques susvisées ;
- dire et juger que les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire dénoncés sont établis ;
- interdire à la société Stock'Sacs la poursuite des actes incriminés et d'ordonner la confiscation et la remise des produits contrefaisants à la société Louis Vuitton Malletier en vue de leur destruction, et ce sous astreinte ;
- condamner ladite société à leur payer :
* 700 000 F au titre de l'atteinte portée à la marque,
* 300 000 F au titre du préjudice commercial,
* 200 000 F au titre de la concurrence,
- ordonner la publication de la décision à intervenir dans dix journaux ou revues, français ou étrangers, au choix des sociétés Vuitton à concurrence de 30 000 F par insertion à la charge de l'appelante,
- condamner cette dernière à leur payer la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Sur ce
Sur les incidents de procédure
Considérant que pour voir écarter des débats les conclusions signifiées le 11 décembre 1995 par l'appelante, les sociétés Vuitton font valoir que ces écritures sont postérieures à l'ordonnance de clôture et précisent n'avoir pas disposé en tout état de cause d'un délai d'examen suffisant pour y répondre ;
Mais considérant que ces écritures ont été prises par la société Stock'Sacs en réplique de conclusions " récapitulatives, rectificatives et additionnelles " signifiées par les société Vuitton le 15 novembre 1995 ;
Que cette réplique intervenue moins d'un mois après, ne saurait être qualifiée de tardive compte tenu de l'argumentation développée à laquelle l'appelante se devait de répondre ;
Que l'ordonnance de clôture, initialement prévue pour le 11 décembre 1995 ayant été reportée au 18 décembre 1995, et les conclusions du 11 décembre 1995 ne comportant aucun moyen nouveau ni aucune demande additionnelle, les sociétés Vuitton, ont disposé du temps nécessaire pour y répliquer et ont utilement exercé cette faculté comme le démontre les conclusions par elles signifiées avant clôture ;
Que le principe du contradictoire ayant été respecté, les conclusions critiquées n'ont pas lieu d'être écartées ;
Sur la validité des marques figuratives
1° sur le signe :
Considérant que pour prétendre à la nullité des marques figuratives qui lui sont opposées, la société Stock'Sacs fait valoir que " la texture " revendiquée par ses adversaires, en constitue pas un " signe " susceptible d'être dissocié du produit mais bien la matière de celui-ci et ne peut, en conséquence, faire l'objet d'une marque valable ;
Considérant qu'il convient tout d'abord d'observer que la société Stock Sacs n'invoque pas à l'appui de ce moyen les dispositions de l'article L 711-2 c du Code de la Propriété Intellectuelle sur la valeur substantielle du produit dans sa rédaction telle qu'issue de la loi de 1991 (dont les intimées indiquent à juste titre qu'elles seraient inapplicables en l'espèce compte tenu de la date à laquelle les dépôts ont été effectués), mais se contente d'évoquer le problème au regard du " signe " constitutif de marque ;
Considérant qu'aux termes des certificats de dépôt, produits en original aux débats, les marques figuratives invoquées portent sur une texture de lignes irrégulières de couleur claire disposées en épis sur fond de même couleur foncée les deux coloris étant spécialement revendiqués ;
Que ces lignes sinueuses irrégulières, dans la forme caractéristique qui leur est donnée, disposées en épis s'imbriquant, à espace répété, selon un rythme particulier, et représentées dans deux nuances, ton sur ton, d'une même couleur, ne se confondent pas avec le " cuir " dont elles peuvent parfaitement être dissociées pour être reproduites sur d'autres supports comme le foulard en laine et soie figurant en page 75 du catalogue de la maison Vuitton ou les emballages papiers le démontrent, ni avec le produit auquel elles se rapportent, qui existe indépendamment d'elles et sur lequel elles peuvent n'être que partiellement reproduites comme en attestent certaines modèles de la gamme ;
Qu'elles constituent bien un " signe matériel " au sens de la loi de 1964 à laquelle elles se trouvent soumises et peuvent en conséquence être considérées comme marque de fabrique de commerce ou de service dans la représentation graphique qui en a été donné, à condition de présenter les autres conditions requises pour leur validité ;
2° sur le caractère distinctif du " signe "
Considérant que la société Stocks'Sacs prétend encore qu'étant d'utilisation usuelle et fort ancienne dans le domaine de la maroquinerie, la texture revendiquée est dépourvue de tout caractère distinctif et en pourrait en aucun cas faire l'objet d'une appropriation quelconque, quel que soit l'usage qui en a été fait, ladite texture constituant pour la profession une façon particulièrement répandue et banale de traiter le cuir dont celle-ci ne saurait être privée ;
Qu'elle verse à l'appui de ses dires, outre un sac de voyage 1930 présenté devant la Cour, un certain nombre de pièces, coupures de presse et attestations de fabricants ou maroquiniers, établissant selon elle cette absence de distinctivité ;
Considérant que, si les coupures de presses, produites en simple photocopie, n'ont lieu d'être écartées des débats comme le sollicitent à tort les sociétés Vuitton, dès lors qu'aucun élément ne vient établir que les pages de garde qui les accompagnent et qui les datent, procéderaient d'un montage frauduleux ou erroné, il 'en demeure pas moins qu'elles ne sont pas pertinentes puisqu'extraites pour la presque totalité d'entre elles, de revues italiennes (Vogue Italia, Arpel Bazar International et Donna) et ne portant que sur un très petit nombre de produits dont on ignore s'ils ont été exploités en France ou y ont été diffusés ;
Que le n° Vogue de décembre 1986 (pièce n° 20) est limité à un simple motif de chaussure et n'atteste pas du caractère usuel de la texture ;
Que le n° de Elle d'octobre 1986 (pièce n° 10), qui concerne des produits de la maison Vuitton comme il en a été justifié, est sans valeur ;
Que les pièces n° 11 (Vogue Italia 1988), n° 12 (Vogue Italia 1988), n° 13 (Frasico/Salonga) et n° 15 (collection échantillons Crodoil), postérieures ou non datées, ne peuvent qu'être écartées ;
Que l'attestation des tanneries Roux du 24 novembre 1992, faisant état d'un " grand classique " mais particulièrement imprécise, n'est corroborée par aucun document ayant date certaine et permettant d'établir l'existence d'une diffusion ;
Que l'attestation du représentant de la société allemande Heidemann à Cologne, évoquant la création du grain en 1968, et celle de la société Freudenberg faisant état de l'utilisation d'un cylindre graineux créé en 1977 pour la production de plusieurs articles de maroquinerie diffusés dans l'Europe entière, ne sont pas suffisamment précises et pertinentes pour établir la réalité de la diffusion, en France, de la texture incriminée ;
Considérant que ces pièces, si elles attestent de ce que la texture en cause avait déjà été utilisée en 1930 et dans les années 1980/1986 par des maroquiniers italiens, quoique de façon restreinte, ne permettent nullement d'établir qu'à la date du dépôt des marques, soit en 1987, ladite texture était largement diffusée en France, voire même utilisée de façon ponctuelle, ce que de simples catalogues ou documents publicitaires auraient aisément pu prouver, si ce fait était avéré ;
Que les sociétés Vuitton rappellent à juste titre que le droit des marques étant un droit d'occupation et non un droit de création, il n'est pas interdit d'utiliser à ce titre un signe du domaine public dès lors que celui-ci n'a besoin d'être ni nouveau, ni original, ni procéder d'une recherche ou d'une innovation ;
Que les marques figuratives incriminées, telles que précédemment décrites, ne visant qu'un type particulier de ligne, agencé de manière spécifique, combiné à des teintes sélectionnées, et dont rien ne vient établir qu'il résulterait d'impératifs techniques qui le rendraient nécessaires à la réalisation des " cuirs grainés ", les sociétés Vuitton ne sauraient se voir reprocher de rechercher la protection d'un genre ou d'un style, la protection due à leurs marques n'excédant pas les caractéristiques précises revendiquées dans les dépôts qui en ont été faits et ne faisant nullement obstacles à l'utilisation de toute au striure ou combinaison ;
Que l'appelante ne saurait voir, dans l'apposition sur la marque figurative du monogramme " LV " la reconnaissance, par ses adversaires, d'un défaut de distinctivité ;
Que bien davantage, si la texture en six couleurs différentes n'avait pas, en soi, à l'origine, une forte distinctivité, elle n'en a pas moins acquis, par l'exploitation intensive qui en a été faite dans le monde entier, par les efforts déployés et les investissements publicitaires particulièrement importants réalisés, et dont il a été justifiés, un caractère distinctif tel qu'elle s'est imposée, dans ses spécificités, tant auprès du public que des professionnels comme indissociablement liée à la célèbre maison dont elle constitue un " signe " de ralliement évident, au point que la préposée de la société Stock'Sacs, elle même, n'a pas hésité à s'y référer pour présenter ses propres produits lors des opérations de saisies contrefaçon ;
Que les sociétés Vuitton sont bien fondées à se prévaloir des dispositions de l'article 6 quinquiès C 1 de la Convention d'union de Paris et de l'usage de leurs marques pour prétendre à la distinctivité accrue de celles-ci ;
Considérant dès lors que les marques déposées, dans les caractéristiques revendiquées, n'étant ni nécessaires, non génériques, ni usuelles, ni descriptives et ayant acquis un caractère distinctif particulièrement fort en raison de l'usage qui en a été fait, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'elles étaient valables ;
Que leur décision sera sur ce point confirmés ;
Sur la contrefaçon
Considérant que pour contester la contrefaçon qui lui est reprochée, la société Stock'Sacs fait essentiellement valoir :
- qu'ayant fait teindre ses produits en une seule couleur uniforme et ayant adopté des striures régulières, les caractéristiques des marques, au delà desquelles la protection ne saurait être accordée, n'ont pas été reproduites ;
- que la combinaison de couleurs pour les sacs rouges et bleus ou l'utilisation de teintes différentes pour les autres modèles, exclurait selon elle la contrefaçon, la protection ne pouvant s'étendre à d'autres nuances que celles revendiquées ;
- qu'elle a pris soin, enfin, d'apposer sur certains de ses modèles, de manière très apparente, un macaron et/ou un bandeau et s'est abstenue de reproduire le monogramme " LV " ;
Considérant que s'il est exact que la protection de la marque ne peut s'étendre à d'autres nuances que celles des couleurs revendiquées telles que déposées, il n'en est pas moins vrai que la contrefaçon doit s'apprécier en fonction des ressemblances et non des différences ;
Considérant que les sacs " cabas " bordeaux et vert (scellés 2 et 3) et les sacs dits " Kelly " objets des scellés 5 et 6, par les couleurs adoptées et par la forme des striures qui s'entrecroisant de façon rapprochée présentent une régularité certaine, ne reprennent ni les couleurs ni la forme spécifique des lignes des marques opposées ; que la contrefaçon par reproduction n'est pas caractérisée non plus que la contrefaçon par imitation dès lors que tout risque de confusion se trouve exclu ;
Que les accessoires objet des scellés 8, 9 et 10, de couleur violine clair et foncé, s'ils reprennent les lignes sinueuses, non protégeables à elles seules, adoptent des nuances de couleur totalement différentes qui rendent impossible tout risque de confusion ; que la contrefaçon là encore n'est pas constituée ;
Que s'agissant des articles bicolores ou tricolores objets des scellés 1, 4 et 7, si la teinte bleue adoptée est sans commune mesure avec le bleu spécifique déposé par les sociétés Vuitton, la reproduction servile de la marque rouge clair/rouge foncé suffit à elle seule, même si elle n'y est apposée que de façon partielle sur l'objet en cause, à caractériser la contrefaçon ;
Que les scellés 11 à 18 constituent la copie servile des marques figuratives reprenant les mêmes nuances ton sur ton de couleur (noir, bleu, rouge, vert et brun fauve) et la même texture formée de lignes sinueuses imbriquées en épi selon un rythme identique et doivent en conséquence être retenus au titre de la contrefaçon ;
Que la société Stock'Sacs ne saurait valablement prétendre, pour échapper à ce grief, n'avoir utilisé qu'une " couleur uniforme " pour teinter ces articles, l'effet de relief obtenu reproduisant bien les deux nuances ton sur ton revendiquées ;
Qu'elle ne saurait davantage se prévaloir de l'apposition d'un macaron ou d'une inscription ou de la non reproduction du monogramme " LV ", en raison du caractère inopérant de telles prétentions dès lors que les marques figuratives sont reproduites ;
Que la contrefaçon des marques figuratives est en conséquence caractérisée pour ceux des objets ci-dessus spécifiés ;
Considérant qu'agissant par ailleurs par voie de demande additionnelle, les sociétés Vuitton font valoir à juste titre que l'utilisation par la préposée de la société Stock'Sacs du terme " Vuitton " pour présenter à l'huissier, autorisé dans un premier temps à ne pas révéler l'objet de sa visite, ses produits, utilisation qualifiée en première instance de fait distinct de concurrence déloyale, constitue en réalité la contrefaçon de la marque dénominative Vuitton dont elles justifient être titulaires ;
Que ce grief doit en conséquence être également retenu ;
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
Considérant que le fait de reproduire, sans nécessité technique, des termes ou une gamme de couleurs classiquement utilisée par un concurrent, ou de reprendre l'un des modèles les plus connus et les plus vendus de la gamme de ce même concurrent, constituent autant d'actes distincts de concurrence déloyale;
Que l'utilisation du terme " Cuir Epi " communément rattaché à la maison Vuitton (comme en attestent les coupures de presses produites aux débats), la déclinaison des différents produits selon la même gamme de couleurs " rouge, noir, bleu, vert ", et la reprise des caractéristiques du modèle de sac Noé dont Vuitton justifie qu'il est l'un des fleurons de ses collections, traduisent la volonté délibérée de la société Stocks'Sacs de s'inscrire dans le sillage des produits de ses adversaires dont la particulière notoriété est avérée et au demeurant non contestée ;
Qu'il importe peu que le terme " Cuir Epi " soit également la traduction du terme italien A Spigna, dès lors que celui-ci est étroitement lié à la marque et a été utilisé dans des circonstances éludant toute ambiguïté sur le rapprochement qui a été voulu et créé avec la célèbre maison ;
Que la reprise des caractéristiques du modèle Noe, qualifiée à bon droit par les sociétés Vuitton d'acte de concurrence déloyale, ne constitue pas un grief nouveau, et résulte amplement de l'examen comparatif, auquel la Cour dans son délibéré a pu procéder, entre les sacs saisis et placés sous scellés sous la dénomination " Bourse " et les diverses reproductions du sac Noe régulièrement versées au dossier ;
Que les objections de la société Stock Sacs doivent en conséquence être rejetées ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que les sociétés Vuitton font à bon droit valoir que les actes de contrefaçon portent atteinte à la valeur patrimoniale de chacune de leurs marques de façon d'autant plus grave que celles-ci sont de notoriété international ; que de tels actes jettent sur les produits authentiques, un discrédit pernicieux puisqu'il stérilise les efforts créatifs et publicitaires importants déployés par la Maison Vuitton ;
Qu'en banalisant la marque au yeux d'un public d'autant plus exigeant que les produits authentiques sont des produits de haut luxe mondialement connus, ladite contrefaçon et les actes de concurrence déloyale qui les accompagnent sont nécessairement source d'un préjudice économique pour les intimées et leur cause un trouble commercial grave dont elles sont bien fondées à demander réparation ;
Que ce préjudice, comme le font à juste titre remarquer les intimées, est sans rapport avec le chiffre d'affaires réalisé par le contrefacteur
Qu'eu égard aux atteintes portées, à la notoriété et aux efforts particulièrement importants déployés par la Maison Vuitton, et dont il est justifiés, il convient d'allouer aux intimées la somme de 500 000 F au titre de la contrefaçon de marques et de 100 000 F au titre de la concurrence déloyale ;
Que les modalités des mesures d'interdiction, de confiscation et de publication ordonnées à bon droit par les premiers juges, seront précisées au dispositif ci-après ;
Sur l'article 700 NCP
Considérant que la demande formée à ce titre par l'appelante qui succombe, doit être rejetée ;
Qu'il serait en revanche inéquitable de laisser aux sociétés Vuitton la charge de leurs frais irrépétibles, la somme de 50 000 F devant leur être allouée de ce chef.
Par ces motifs : Déboute les sociétés intimées de leur demande tendant à voir écarter des débats les écritures déposées le 11 décembre 1995 par la société Stock'Sacs ; Réformant partiellement le Jugement entrepris et Statuant à Nouveau sur le tout : Déboute la société Stocks'Sacs de sa demande en annulation des marques figuratives numéros 1.399.708, 1.399.710, 1.399.711, 1.399.712, 1.399.713, 1.451.789 ; Dit qu'en faisant fabriquer, en important, en détenant en offrant en vente et/ou en vendant des articles en cuir ou imitation cuir comportant des lignes irrégulières sinueuses, ton sur ton, dans les nuances bleu clair/bleu foncé, brun fauve clair/brun fauve foncé, gris clair/noir, vert clair/vert foncé, rouge clair/rouge foncé figurant aux dépôts susvisés, et en faisant usage du terme Vuitton, la société Stock'Sacs a commis des actes de contrefaçon par reproduction ou imitation des marques précitées et par reproduction de la marque dénominative Vuitton n° 1.450.752 ; Dit qu'en faisant fabriquer, en important en détenant en offrant en vente et/ou en vendant des sacs reproduisant sans nécessité technique la forme connue du sac Noe des sociétés Vuitton, en faisant usage de la même gamme de couleurs pour les articles en cuir et/ou imitation cuir, ainsi qu'en faisant usage de l'expression " Cuir Epi " ou " Epi " pour désigner ces mêmes articles dans les circonstances ci-dessus relatées, la société Stocks Sacs a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts des actes de contrefaçon ; Confirme l'interdiction de la poursuite des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale prononcée par les premiers juges mais élève l'astreinte à la somme de 5 000 F par infraction constatée à compter de la signification de la présente décision ; Ordonna la confiscation et la remise des produits contrefaisants détenus par la société Stock'Sacs à la société Louis Vuitton Malletier en vue de leur destruction par Ministère d'Huissier, et ce sous astreinte de 5 000 F par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ; Condamne la société Stocks Sacs à payer aux intimées la somme de 600 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant tant de la contrefaçon de marques que de la concurrence déloyale ; Autorise les sociétés Vuitton à publier la présente décision dans 5 revues françaises ou étrangères au choix de celles-ci et aux frais de la société Stock Sacs à concurrence de la somme de 30 000 F par insertion ; Condamne la société Stocks Sacs à payer aux sociétés Vuitton la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. La condamne aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Moreau conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.