CA Paris, 4e ch. B, 19 janvier 1996, n° 95-9818
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Marcelle Griffon (SA), Actua Diffusion (SARL), Comptoir Européen de la Mode (SARL), Marcelle Griffon Diffusion (SA), Poch Textile Industries (SA), Réplique (SA)
Défendeur :
Devernois (SA), Caen 27 (SARL), Sofrade (SARL), Tronchet 25 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guerrini
Conseillers :
M. Ancel, Mme Regniez
Avoués :
SCP Teytaud, SCP Bollet-Baskal
Avocats :
Mes Greffe, Fajgenbaum.
LA COUR : - La Société Devernois fabrique et commercialise, selon elle depuis 1987, un modèle de cardigan créé en avril 1986, et déposé à titre de modèle à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle le 5 août 1993 sous le numéro 0934155, mis à disposition du public le 30 novembre 1993 sous les numéros 0345575 à 0345579, 0345580 et 0345581, représentant la veste en sa totalité et des photographies des diverses caractéristiques protégées ; ce modèle est commercialisé par notamment les Société Caen 27, Sofrade et Tronchet 25 sous le nom, en dernier lieu, de Centaure.
La Société Marcelle Griffon a fait fabriquer par la Société Réplique un modèle de cardigan intitulé Mardi, présentant quatre boutons, commercialisé par les société à enseigne Marcelle Griffon qui, selon les déclarations des responsables de ces magasins, appartiennent à la Société Marcelle Griffon Diffusion ; un certain nombre de cardigans ont été retournés au fabricant et ont été revendus sous la dénomination Emma à la Société Actua Diffusion par l'intermédiaire de la Société Comptoir Européen de la Mode (CEM) ; ces vêtements Emma comportaient trois boutons.
Devernois, soutenant que ce modèle était la contrefaçon de son modèle, modèle phare de sa collection depuis plusieurs années et que des actes de concurrence déloyale étaient commis à son préjudice et au préjudice des sociétés qui commercialisaient ce modèle dans des magasins à son enseigne et appliquant " une charte graphique " copiée également par Griffon, après avoir procédé à des saisies contrefaçon, a cité devant le Tribunal de Commerce de Paris, la Société Marcelle Griffon, la Société Actua Diffusion, la Société Comptoir Européen de la Mode dit CEM, la Société Marcelle Griffon Diffusion, la Société Poch Textile Industries et la Société Réplique pour obtenir sur le fondement des dispositions des articles L.111-1 et suivants et L.511-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, paiement, notamment, de dommages-intérêts pour les actes fautifs commis.
Par décision du 27 mars 1995,
1- les Sociétés Marcelle Griffon, Poch Textile, Marcelle Griffon Diffusion (ces trois sociétés dites ci-après Groupe Griffon) et Réplique ont été condamnées in solidum au paiement à la Société Devernois de :
- 1.500.000 F pour contrefaçon du modèle Centaure,
- 1.120.400 F à titre de provision pour les actes de concurrence déloyale résultant de la commercialisation de la veste Mardi,
2- les Sociétés Marcelle Griffon, Poch Textile et Marcelle Griffon Diffusion ont été condamnées à payer à Devernois la somme de 250.000 F pour les agissements parasitaires ;
3- Réplique a été condamnée à payer la somme de 100.000 F à Devernois au titre de la concurrence déloyale fondée sur la commercialisation de la veste Emma ;
4- les Sociétés Actua Diffusion et CEM ont été condamnées pour chacune d'elle à payer à Devernois la somme de 25.000 francs à titre de concurrence déloyale pour la commercialisation du modèle Emma ;
5- les Sociétés Marcelle Griffon, Poch Textile Industrie et Marcelle Griffon Diffusion ont été condamnées in solidum à payer à Sofrade 250.000 F, à Tronchet 25, 100.000 F et à Caen 27, 100.000 F pour agissements parasitaires.
Il a, en outre, été fait interdiction aux sociétés condamnées de commercialiser la veste contrefaisante, les saisies contrefaçon ont été validées, l'exécution provisoire de la décision a été prononcée ainsi qu'une mesure de publication et paiement de sommes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Une mesure d'expertise a également été ordonnée.
Les sociétés condamnées ont interjeté appel de cette décision et on introduit un référé suspension d'exécution provisoire dont elles ont été déboutées par Ordonnance du Président de la Cour d'appel de Paris du 30 mai 1995 qui, faisant application de l'article 917 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, a renvoyé l'affaire devant la présente Chambre déjà saisie par l'appel interjeté, à l'audience de plaidoiries du 25 octobre 1995.
Au soutien de leur appel, les sociétés condamnées font, d'une part, valoir que le modèle qui leur est opposé n'est pas susceptible de protection, les éléments revendiqués n'étant que fonctionnels et, d'autre part, qu'elles n'ont commis aucun agissement déloyale ou parasitaire ; elles sollicitent, en conséquence, l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions et demandent de prononcer la nullité des modèles déposés, de dire que l'arrêt sera publié sur le registre des modèles de l'INPI, de condamner la Société Devernois conjointement et solidairement avec les Société Tronchet, Caen et Sofrade à payer aux Sociétés Marcelle Griffon, Poch Textile Industries, Marcelle Griffon Diffusion, la somme de 3 millions de francs à titre de dommages-intérêts, aux Sociétés Actua Diffusion et Comptoir Européen de la Mode la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts (écritures du 24 avril 1995), d'ordonner la publication de l'arrêt, d'ordonner la restitution par Devernois de la somme de 3.519.982,83 F versée en application de l'exécution provisoire avec intérêts de droit à compter de la date de versement de la somme, de condamner encore les Sociétés Tronchet, Caen et Sofrade au paiement de 200.000 F à titre de dommages-intérêts au Groupe Griffon et à Réplique et de condamner conjointement et solidairement les intimées au paiement de 250.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Devernois conclut à la confirmation de la décision en son principe sur les condamnations mais sollicite l'allocation de dommages-intérêts plus élevés qu'elle demande de fixer à 2.500.000 F pour la contrefaçon imputable au Groupe Griffon et Réplique pour le modèle Mardi et à 917.184 F au titre des agissements parasitaires retenus à l'encontre du Groupe Griffon.
Pour le surplus, elle sollicite la confirmation des sommes allouées à titre provisionnel pour réparer le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.
Sofrade, Tronchet et Caen sollicitent d'une part que les indemnités qui leur ont été allouées à titre définitif le soient à titre provisionnel et d'autre part que le préjudice causé par les agissements parasitaires soit réparé par l'allocation de dommages-intérêts fixés à 1.198.407 F au bénéfice de Sofrade, de 306.734 F à celui de Tronchet et de 300.000 F à celui de Caen.
Ajoutant aux condamnations prononcées par la décision déférée, en raison de la commercialisation depuis son prononcé et malgré l'interdiction d'un modèle Maryline qui serait la contrefaçon du modèle Centaure, les intimées demandent l'extension des mesures d'expertise à ce modèle, et de faire interdiction aux appelantes de diffuser le modèle Maryline, de manière plus large tout modèle contrefaisant le modèle Centaure ; elles sollicitent encore la confiscation des modèles contrefaisants qu'ils soient référencés Mardi ou Maryline afin de destruction, de dire que sur dépôt du rapport définitif de l'huissier désigné par les premiers juges, la Cour évoquera pour la fixation du préjudice total subi ; Devernois sollicite pour ces nouveaux actes délictueux paiement par le Groupe Griffon et Réplique de la somme de 1.000.000 F à titre provisionnel et Sofrade, Tronchet et Caen demandent à ces mêmes sociétés pour les actes de concurrence déloyale paiement de la somme provisionnelle de 50.000 F pour chacune d'elles ; Devernois sollicite encore paiement de la somme supplémentaire de 100.000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'augmentation des frais de publication.
Sur ce, la Cour qui pour plus ample exposé se réfère à la décision critiquée et aux écritures d'appel
- Contrefaçon des modèles Centaure :
Considérant qu'il n'est pas discuté que seule Devernois soit titulaire de droits sur le modèle Centaure invoqué tant au titre du droit d'auteur que du droit sur les modèles puisqu'elle invoque un dépôt à son nom en date du 5 août 1993 enregistré sous le numéro 0934155 à l'INPI ; que l'antériorité de ses droits sur le modèle argué de contrefaçon n'est pas davantage contestée ; qu'il convient de relever que Devernois invoque un dépôt effectué le 30 novembre 1993 ; qu'il s'agit en réalité de la date à laquelle le dépôt du 5 août 1993 a été mis à disposition du public, ce dépôt comportant en réalité divers dessins et modèles, celui invoqué et les caractéristiques particulières qui, en l'espèce, ne sont pas opposées de manière isolée aux appelantes ;
Considérant que le modèle revendiqué par Devernois tel qu'exposé dans son acte introductif d'instance et tel qu'il correspond au dépôt susvisé se définit comme " un modèle de veste tricotée en point de Rome, décolletée en V, fermant par trois boutons, agrémentée de trois poches plaquées de forme carrée à bord inférieurs arrondis, dont l'une de dimension plus petite est située sur la partie gauche de la poitrine ; ces trois poches sont montées au point de recouvrement tout comme les coutures d'épaule, la finition du modèle est faite grâce à des bandes plates roulottées soulignées par une surpiqûre décorative à deux centimètres du bord, les manches sont montées par piquage et surfilage, agrémentées également d'une surpiqûre décorative à deux centimètres du bord, le bas de manche étant fini par des bandes plates roulottées " ;
Considérant que les appelantes soulignent que les intimées ne peuvent revendiquer la protection de la forme cardigan qui existe depuis le 19ème siècle ni des caractéristiques qui ne sont que fonctionnelles et qui présentant un caractère unitaire, excluent tout caractère ornemental, " c'est-à-dire inutile " ; qu'en effet selon elles, s'appuyant sur un rapport établi à leur demande, les bandes roulottées terminant les bords du cardigan ne sont qu'un mode plus économique de terminaison des tricots, que le point de Rome est une technique de point très connue pour les vêtements tricotés, que les surpiqûres utilisées sur les poches et les manches n'ont aucun caractère ornemental n'étant choisies que pour faciliter la fabrication de ces vestes ; qu'elles font encore valoir qu'accorder protection à des terminaisons en bande roulottées aurait pour effet d'interdire à toute personne l'usage d'une technique ;
Considérant cela exposé que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes une œuvre, même présentant un caractère fonctionnel, est susceptible de recevoir protection à condition que les éléments fonctionnels ne soient pas indissociables de la forme et du résultat utilitaire recherché ; qu'un élément bien que fonctionnel peut également présenter un caractère ornemental.
Considérant qu'en l'espèce, comme l'ont relevé les premiers juges, les caractéristiques ci-dessus énoncées du modèle, outre leur aspect fonctionnel, révèlent également un aspect décoratif par l'effet des surpiqûres placées à courte distance des bordures de manches et de la fermeture de la veste, par le point de recouvrement accompagnant les poches et par la bande roulottée de finition qui n'est pas une manière exclusivement nécessaire de terminer les vêtements, d'autres techniques étant fréquemment employées ; qu'en outre, si la forme du cardigan n'est pas protégeable en tant que telle et n'est d'ailleurs pas revendiquée, les motifs décoratifs appliqués à la découpe en V avec un système de fermeture par peu de boutons (trois), et trois poches plaquées présentant un arrondi à leur base -la poche supérieure gauche étant plus petite que les autres- en combinaison avec les autres caractères décrits ci-dessus, confèrent au vêtement son originalité en révélant par le choix des motifs et des points, l'effort créatif de l'auteur ; qu'il s'ensuit que la veste telle que revendiquée est protégeable au sens des articles L.111-1 et suivant du Code de la Propriété Intellectuelle ;
Que le modèle de veste déposé le 5 août 1993 auquel n'est opposée aucune antériorité de toute pièce dans sa combinaison des caractéristiques protégeables est donc nouveau et protégeable en application des articles L.511-1 et suivants du Code susvisé ; que la demande en nullité sera rejetée.
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté par les appelantes que les modèles Mardi et Emma soient des contrefaçons de la veste créée, à tout le moins au début de l'année 1987, selon le catalogue printemps-été 1987 versé aux débats, par Devernois ; que la seule différence (un quatrième bouton sur le modèle Mardi) n'altère nullement la ressemblance d'ensemble existant entre les vêtements qui reproduisent par ailleurs les caractéristiques ci-dessus décrites ; qu'il en résulte que les premiers juges ont , à bon droit, retenu des actes de contrefaçon à l'encontre des sociétés du Groupe Griffon, aucune des sociétés ne contestant sa responsabilité dans les actes de fabrication et de vente des modèles contrefaisants et à l'encontre de Réplique société à qui Griffon passe commande de ces modèles et qui les fabrique.
Considérant que Devernois, en page 11 de ses écritures du 12 juillet 1995, sollicite tout à la fois la confirmation de la décision en ce que la contrefaçon a été retenue et indique qu'Actua Diffusion et CEM ont " également commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon qui leur est par ailleurs reprochée ".
Considérant qu'il convient de relever que ces deux sociétés ont revendu des vestes Emma contrefaisantes et n'ont pas été condamnées pour contrefaçon par les premiers juges ; que Devernois ne forme aucun appel incident, malgré la phrase ci-dessus rapportée, sur la contrefaçon puisqu'au contraire il est seulement demandé la confirmation de la décision ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner la responsabilité de ces deux sociétés dans les actes de contrefaçon.
- Sur la concurrence déloyale :
1- Par la commercialisation des vestes Mardi par " les sociétés du Groupe Griffon " et la Société Réplique :
Considérant que les appelantes font grief aux premiers juges de les avoir condamnées pour des actes de concurrence déloyale résultant de l'exposition à la vente et de la distribution d'articles contrefaisants alors que de tels agissements ne sont pas distincts des actes de contrefaçon ;
Considérant que, si comme le soulèvent les appelantes, le seul fait d'exposer à la vente et de distribuer des articles contrefaisants ne saurait être, contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges des faits distincts de la contrefaçon susceptibles de constituer des actes de concurrence déloyale, il résulte des documents mis aux débats que le Groupe Griffon distribue ses produits et notamment la veste litigieuse dans des boutiques se trouvant très fréquemment dans les rues où est également implantée la Société Devernois;
Que ce fait n'est pas, à lui seul, un acte de concurrence déloyale, la liberté du commerce permettant l'installation de sociétés ayant la même activité dans des lieux identiques; que, cependant, en l'espèce, la diffusion dans les boutiques Griffon, à proximité immédiate de boutiques Devernois, de modèles vendus à des prix inférieurs qui ne sont pas seulement des contrefaçons mais des copies serviles et ce, volontairement, comme le déclare une ancienne styliste de Griffon, Mme Jallabert dans une sommation interpellative du 11 mars 1994, à une période où cette veste était un élément important de la campagne publicitaire télévisuelle de Devernois démontre la volonté de Griffon de provoquer un risque de confusion entre les vêtements et de détourner ainsi à son profit partie de la clientèle attirée par un produit identique et moins cher ; que la notoriété des produits Griffon supérieure à celle des produits Griffon invoquée par Griffon ne saurait supprimer sa responsabilité dans les actes de concurrence déloyale mais au contraire, ne peut que l'aggraver dès lors que la clientèle déjà attirée par le nom le sera encore davantage en retenant que Griffon vend à des prix plus intéressants que son concurrent pour des produits identiques;
Que c'est donc à juste titre mais en y substituant les motifs sus-indiqués que les premiers juges ont condamné pour concurrence déloyale à l'égard de Devernois, les sociétés du Groupe Griffon et la Société Réplique leur fabricant ;
2- Par la commercialisation des modèles Emma (Réplique, CEM et Actua Diffusion) :
Considérant que les sociétés du Groupe Griffon ont fait retour à Réplique d'un lot de vestes revendues par ce fabricant à la Société CEM qui, elle-même, les a revendues pour la plus grande part à Actua Diffusion ; que cette dernière les proposait à la vente au détail au prix de 320 F HT ; que cette commercialisation à un prix très inférieur à celui des modèles Devernois (vendus au détail 1.100 F), accompagnée, comme cela résulte d'une attestation de M. Vaillant du 2 mars 1994, de propos déloyaux à l'égard de Devernois puisque les vestes étaient présentées par Actua Diffusion comme du " Devernois moins cher ", constitue un comportement fautif par la recherche d'une confusion entre les produits afin de détourner à leur profit la clientèle de Devernois ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné ces sociétés pour concurrence déloyale ;
3- Par les actes de commercialisation commis au préjudice des sociétés exploitantes sous l'enseigne Devernois :
Considérant qu'à l'égard des sociétés qui distribuent les produits Devernois, la commercialisation d'un modèle, contrefaçon de celui de Devernois constitue un acte de concurrence déloyale ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu des actes de concurrence déloyale au détriment des Sociétés Caen, Tronchet et Sofrade ;
- Sur les agissements parasitaires :
Considérant qu'au titre des agissements parasitaires, Devernois invoque la copie de sa publicité, la copie de sa publicité, la copie de son ancienne charte graphique qu'elle a été dans l'obligation de modifier du fait précisément de cette copie, comportements parasitaires aggravés par le fait que les magasins de ces sociétés concurrentes sont souvent implantées dans les mêmes rues ; qu'elle sollicite en conséquence la confirmation de la décision qui a retenu des actes parasitaires résultant de la ressemblance troublante entre les logos des deux firmes ;
Considérant toutefois que des documents mis aux débats, il résulte que les boutiques respectives des sociétés en litige n'ont pas de points communs susceptibles de prêter à confusion ni dans leur représentation extérieure ou intérieure, ni dans les couleurs adoptées pour leur magasins, enseigne, logos ou les cintres ; que les documents publicitaires ne présentent pas de ressemblances répréhensibles en dehors du format adopté qui n'est pas un format caractéristique qui identifie la Société Devernois, que l'utilisation sur un catalogue du même mannequin qui ne présente pas une notoriété susceptible d'attirer la clientèle, outre le fait qu'elle n'est que ponctuelle n'est pas révélatrice d'un comportement de parasitisme ;
Qu'il ne peut davantage être fait grief aux appelantes d'avoir présenté dans leur catalogue des vêtements " jacquard " dès lors que les intimées n'ont aucun droit sur ce style de vêtement qui est utilisé, selon les tendances de la mode ;
Qu'aucun des actes de parasitisme invoqués n'étant établi, la décision sera de ce chef infirmée ;
- Sur la demande additionnelle formée à l'encontre des sociétés du Groupe Griffon et Réplique :
Considérant qu'il résulte de trois constats en date du 11 mai 1995 effectués à Paris dans des magasins appartenant au Groupe Griffon, sis 35 rue de Sèvres, 10 rue Tronchet, 25 et 112 Avenue Victor Hugo que des vestes présentant les caractéristiques du modèle Centaure continuent à être commercialisées sous la dénomination Maryline ;
Que les appelantes sur cette demande additionnelle en contrefaçon et concurrence déloyale en font valoir aucun moyen de droit ; que cette demande, dès lors que le modèle Maryline reproduit le modèle Centaure, est donc bien fondée à l'encontre des sociétés du Groupe Griffon seules, en l'absence de document apportant la preuve d'une fabrication de ces vêtements par Réplique ;
Considérant que la demande formée à ce titre par la Société Caen 27 qui au regard des documents versés aux débats (saisies contrefaçons de 1994) exploite à Caen et non pas à Paris, sera rejetée ; qu'en effet, les constats établissant les faits ci-dessus retenus ont été diligentés à Paris dans des magasins Griffon concurrents des magasins exploités à Paris par Sofrade et Tronchet;
- Sur les mesures réparatrices :
Considérant que les appelantes soulignent le caractère excessif des condamnations prononcées par les premiers juges alors que les intimées sollicitent l'augmentation des dommages-intérêts et l'allocation de somme provisionnelle ainsi que des dommages-intérêts complémentaires pour les nouveaux actes délictueux commis ;
Considérant que compte tenu du nombre de vêtements contrefaisants qui ont été fabriqués par Réplique et diffusés sous le nom de Mardi (soit au regard des documents versés aux débats environ 4.400) et de la grave atteinte ainsi portée au modèle de vêtement, de son avilissement alors qu'il s'agit d'un modèle de vêtement phare de Devernois, il sera alloué à Devernois la somme de 400.000 F à titre de dommages-intérêts provisionnels qui seront complétés après expertise diligentée par les premiers juges puisque cette mission porte sur la détermination du nombre de modèles contrefaisants et que la Cour n'a pas d'éléments suffisants pour apprécier exactement le préjudice subi ;
Considérant que pour les actes de concurrence déloyale, le préjudice causé est d'autant plus grand que les agissements déloyaux ont été commis à une période durant laquelle Devernois avait investi des sommes importantes dans une campagne publicitaire y compris télévisuelle qui portait notamment sur ce modèle ; que compte tenu de l'importance des modèles diffusés, sans cependant suivre les premiers juges qui ont fait le calcul du préjudice selon la marge brute de Devernois dans son entier sans rechercher si les intimés avaient réellement eu une baisse de leur chiffre d'affaires, il sera alloué une somme de 500.000 F à titre de provision ;
Considérant qu'en ce qui concerne les préjudices causés par la diffusion du modèle Emma en plus petit nombre (plus de 860), les sommes allouées par les premiers juges à chacune des intimées seront confirmées et ce à titre provisionnel, la Cour n'ayant là encore pas suffisamment d'éléments pour déterminer l'exact préjudice ;
Considérant que pour les nouveaux actes de contrefaçon résultant de la commercialisation du modèle Maryline, il sera alloué à Devernois, à titre de provision la somme de 300.000 F et celles de 50.000 F à la Société Sofrade et à la Société Tronchet 25 ;
Considérant qu'il convient de confirmer la mesure d'expertise mais de l'étendre aux faits qui se sont nouvellement révélés, ce dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ;
Considérant que la demande d'évocation prive les parties du double degré de juridiction ; qu'il n'y a pas lieu d'y faire droit ;
Considérant que les mesures d'interdiction seront confirmées et étendues à tout modèle contrefaisant, y compris le modèle Maryline ;
Considérant que la mesure de publication sera réduite tant dans le nombre de publications ordonnées que dans le montant des frais mis à la charge des sociétés condamnées, ce dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ;
Considérant que la décision sera encore confirmée en ce que les saisies contrefaçon ont été déclarées valables ;
Considérant que la somme allouée au titre de l'article 700 par les premiers juges sera réduite à la somme de 30.000 F qui comprendra les frais non compris dans les dépens d'appel, et ce in solidum à la charge des appelants ;
Considérant que les appelantes succombant dans la plus grande partie de leur appel seront déboutées de toutes leurs autres demandes excepté sur la demande en restitution partiellement fondée, compte tenu des provisions ci-dessus ordonnées ;
Que les intérêts au taux légal sur les sommes à restituer après compensation avec les provisions ci-dessus arrêt ;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : Confirme la décision excepté sur la condamnation pour agissements parasitaires, le montant des dommages-intérêts, la mesure de publication et l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Réformant de ces chefs, la précisant et y ajoutant, Déboute les Sociétés Devernois, Caen 27, Tronchet 25 et Sofrade de leurs demandes pour agissements parasitaires, Condamne in solidum, pour le modèle Mardi, les Sociétés Marcelle Griffon, Marcelle Griffon Diffusion, Poch Textile et Réplique à payer à la Société Devernois la somme de 400.000 F à titre de provision pour les actes de contrefaçon et celle de 500.000 F à titre de provision pour les actes de concurrence déloyale, Condamne pour le modèle Emma à payer à la Société Devernois, à titre provisionnel, la Société Réplique la somme de 100.000 F, la Société Comptoir Européen de la Mode (CEM), celle de 25.000 F et Actua Diffusion, celle de 25.000 F, pour les actes de concurrence déloyale, Condamne in solidum les Sociétés Marcelle Griffon, Marcelle Griffon Diffusion et Poch Textile Industries à payer à titre provisionnel à la Société Sofrade la somme de 250.000 F, à la Société Tronchet 25, celle de 100.000 F et à la Société Caen 27, celle de 100.000 F pour les actes de concurrence déloyale, Condamne in solidum les Sociétés Marcelle Griffon, Marcelle Griffon Diffusion et Poch Textile Industrie à payer à titre provisionnel, pour le modèle Maryline, la somme de 300.000 francs à la Société Devernois, celle de 50.000 F à la Société Sofrade et celle de 50.000 F à la Société Tronchet 25, Dit que la mission de l'huissier constatant désigné par les premiers juges sera étendue et portera sur la recherche de tous éléments permettant de déterminer le préjudice, y compris par la détermination du nombre de modèles Maryline commercialisés, Dit que la mesure d'interdiction portera sur les modèles Maryline, Dit que la mesure de publication ordonnée est limitée à trois journaux ou revues au choix des intimées aux frais des sociétés appelantes dans la limite de 50.000 F toutes taxes comprises et tiendra compte du présent arrêt, Ordonne aux intimées de restituer aux appelantes la somme trop versée en raison de l'exécution provisoire après déduction des condamnations ci-dessus prononcées, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt ; Condamne in solidum les appelantes au paiement de la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Rejette la demande d'évocation, Rejette toutes autres demandes, Condamne in solidum les appelantes aux entiers dépens qui seront recouvrés, par la SCP Bollet-Baskal, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.