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Décisions

Cass. com., 12 décembre 1995, n° 94-14.003

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Minerstone (SA)

Défendeur :

Weber et Broutin (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Thomas-Raquin, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de La Varde.

T. com. Créteil, 5e ch., du 1er juin 199…

1 juin 1993

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 1994) que la société Weber et Broutin, venant aux droits de la Société des ciments métalliques (société SCM) qu'elle a absorbée, fabrique et commercialise un matériau à base de granulats calcaires, d'oxyde de zinc et d'eau métallique dénommé Gaystone destiné au revêtement ou au rattrapage d'ouvrages en pierre ; que la société SCM avait pour agents commerciaux M. Dumont et M. Vannitsen dont les contrats ont pris fin le 15 juin 1990 pour le premier, et courant septembre 1990 en ce qui concerne le second ; que le correspondant en Belgique de la société SCM était la société Artikon, distributeur du produit Gaystone ; qu'au mois de septembre 1990, la société Artikon et d'anciens salariés de la société SCM, notamment M. Dumont et M. Vannitsen, ont créé en France la société Minerstone, ayant pour objet l'importation, l'exportation et la commercialisation de matériaux et de procédés destinés à la construction ; que cette entreprise a commercialisé en France un ciment métallique dénommé Amonit Minerstone fabriqué par la société Amonit, constituée au mois d'août 1990 par la société Artikon, M. Mahieu et M. Vannitsen ; que la société SCM, estimant, après avoir obtenu en référé une mesure d'expertise, qu'elle était victime d'une concurrence déloyale de la part de la société Amonit, de M. Vannitsen et de M. Dumont, par suite de la fabrication et de la commercialisation du produit Amonit Minerstone, copie servile des matériaux Gaystone, les a assignés devant le tribunal de commerce, en paiement de dommages-intérêts, pour qu'il leur soit interdit de fabriquer et de diffuser le produit litigieux ;

Attendu que la société Minerstone fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fait d'utiliser le savoir-faire d'anciens salariés d'un concurrent pour fabriquer et mettre en œuvre un produit dont la composition est en elle-même connue et exempte de toute protection, ne constitue pas, en dehors de manœuvres tendant à l'appropriation de ce savoir-faire ou d'un risque de confusion, un acte de concurrence déloyale, qu'en en décidant autrement, l'arrêt viole les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, que seules sont sanctionnées en droit français les fautes effectives et que la cour d'appel ne pouvait, en conséquence, écarter en l'espèce, comme " dénué de pertinence ", le moyen par lequel la société Minerstone faisait valoir qu'il n'était en l'espèce prouvé aucun fait de prospection ayant porté atteinte à la clause de non-concurrence qui liait M. Dumont et M. Vannitsen, animateurs de ladite société Minerstone, à leur ancien employeur, la société SCM ; que l'arrêt viole à cet égard l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en l'absence de toute manœuvre déterminée, dont aucune n'est en l'espèce constatée, le fait pour d'anciens salariés d'une entreprise de reconstituer au profit d'une autre entreprise, à la création de laquelle ils ont participé, la force de vente que représente leur activité conjointe, correspond à une mise en œuvre de la liberté fondamentale du commerce et de l'industrie et ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; qu'en en décidant autrement, l'arrêt viole la loi des 2 et 17 mars 1791 et fait une fausse application des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt a constaté que " si le principe général du ciment métallique est connu depuis le XIXème siècle, le Gaystone fait néanmoins figure de produit spécifique dont la formule exacte n'était pas donnée dans la littérature ", et que ce produit, " sans concurrent en France avant 1991 ", résulte " d'une longue pratique " ; qu'ayant relevé que le matériau Amonit Minerstone, présentant les mêmes caractéristiques techniques que le produit Gaystone, avait été créé et diffusé par les sociétés Amonit et Minerstone à l'époque où les équipes commerciales et techniques, détentrices du savoir-faire de la société SCM pour la fabrication du produit litigieux, l'avait quittée pour rejoindre les deux précédentes, la cour d'appel a pu en déduire, sans méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, que la société Minerstone avait commis une faute constitutive de concurrence déloyale en s'appropriant, avec le concours des anciens employés de la société SCM, son savoir-faire technique ;

Attendu, en second lieu, que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé qu'était dénuée de pertinence l'argumentation selon laquelle il n'était pas établi que M. Dumont et M. Vannitsen avaient violé la clause de non-concurrence leur interdisant de prospecter leur ancien secteur d'activité, dès lors qu'elle constatait l'action concertée de ces personnes en vue de reconstituer " l'ancienne force de vente " de la société SCM au profit des sociétés concurrentes nouvellement créées, celles-ci n'étant tenues à aucune limitation territoriale pour la commercialisation de leur produit; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.