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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 10 novembre 1995, n° 93-3082

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Wonder (SA)

Défendeur :

Duracell (SNC)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

M. Ancel, Mme Regniez

Avoués :

SCP Gaultier Kistner, SCP Bommart-Forster

Avocats :

Mes Fourgoux, Ghozland.

T. com. Paris, 12e ch., du 10 nov. 1992

10 novembre 1992

La SA Wonder (ci-après Wonder) a relevé appel à l'encontre de la SNC Duracell (ci-après Duracell) d'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 10 novembre 1992 en ce que, sur le fondement de la concurrence déloyale, ce jugement, entre autres dispositions, a condamné l'appelante à payer à l'intimée la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 20 000 F en application de l'article 700 du NCPC, a prononcé l'interdiction sous astreinte à la société Wonder de diffuser le film publicitaire et ordonné la publication du jugement aux frais de cette dernière.

Référence faite au jugement déféré pour un complet exposé des faits et de la procédure antérieure, il sera rappelé que le litige trouve sa source dans la réalisation en 1991 par Wonder (devenue Ralston Energy Systems France à la suite d'une fusion), d'une campagne publicitaire ayant donné lieu à la diffusion télévisuelle d'un film, dont le scénario a paru " mensonger " à Duracell quant à la durée de vie de la pile Ucar, mettant en scène un visiteur d'une pyramide qui, pour se guider vers la sortie, avait recours au flash de son appareil photographique, assorti du commentaire sonore suivant :

" Si votre vie dépendait d'une pile, choisiriez-vous la pile qui dure un peu plus longtemps qu'une autre pile, celle qui dure beaucoup plus longtemps ou celle qui vous garantit qu'aucune autre pile ne peut vous promettre de durer plus longtemps ... et cette pile s'appelle Ucar ". Ce message oral s'accompagnait d'un message écrit sur l'écran montrant une pile de type LR6 avec la mention " selon la moyenne des tests CEI ".

La société appelante, reprenant ses moyens de première instance, estime que le texte et le scénario humoristique sont déformés par Duracell qui y voit l'affirmation de ce qu'aucune autre pile ne durerait plus longtemps que la pile Ucar, alors que le message signifierait selon elle l'impossibilité pour un concurrent de garantir que ses piles durent plus longtemps que la pile Ucar dans les mêmes conditions d'utilisation. Elle fait valoir que cette interprétation basée sur la seule équivalence des piles Ucar pour appareil photographique par rapport aux autres, rejoindrait d'ailleurs celle de Duracell qui aurait tenté vainement de démontrer l'infériorité certaine des piles LRS Ucar ; que le tribunal aurait retenu cette équivalence en relevant au vu des tests que Ucar et Duracell " rivalisaient en matière de durée moyenne de décharge ". Elle reproche aux premiers juges d'avoir inversé la charge de la preuve en considérant que Duracell n'avait pas à établir que ses piles sont supérieures à celle d'Ucar mais que Wonder devait démontrer la véracité de son message publicitaire. Elle affirme, sur la base d'essais dont elle se prévaut, que les piles Ucar aient une durée de vie supérieure à celle de leurs concurrentes, mais observe que pour éviter toute critique, elle se serait limitée à l'affirmation qu'aucun concurrent n'est susceptible de garantir qu'en toutes circonstances ses piles LR6 durent plus longtemps. Elle estime que Duracell ne peut prouver de façon incontestable que ses piles flash ont une durée d'utilisation systématiquement plus longue que les piles Ucar. Wonder conclut au principal à l'infirmation du jugement, au débouté de Duracell de ses demandes et à la publication de l'arrêt dans des conditions précisées.

Subsidiairement, et faisant état d'une absence prétendue de préjudice démontré, elle sollicite la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer des dommages-intérêts.

Duracell conclut à la confirmation du jugement, les condamnations prononcées contre Wonder devant l'être contre la société Ralston Energy Systems France SA venant aux droits de la SA Wonder.

Chacune des parties revendique à son profit le bénéfice de l'article 700 du NCPC.

Sur ce LA COUR, qui se réfère aux écritures d'appel,

Considérant que les premiers juges ont exactement retenu que le message publicitaire de Wonder s'interprétait comme le désir d'accréditer dans l'esprit du consommateur l'idée selon laquelle la pile Ucar était égale ou supérieure aux autres piles du marché et en particulier, à la pile Duracell car elle durait aussi ou plus longtemps;qu'ils ont à juste titre estimé, au vu des pièces mises aux débats, que Wonder ne rapportait pas la preuve, lui incombant, de la véracité de sa publicité;

Considérant que la référence à " la moyenne des tests CEI " apparaît mensongère puisque les résultats d'essais mis aux débats ne font état que d'un test d'impulsion flash, lequel n'est que l'un des neuf tests prévus par les normes CEI ; que le jugement sera donc confirmé ;

Considérant que Duracell est donc fondée à réclamer réparation du préjudice occasionné par la diffusion, démontrée par ses productions, sur une longue période, d'un message atteignant l'image commerciale de la pile Duracell ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation ;

Considérant qu'il s'ensuit de ce qui précède le rejet des demandes de l'appelante ;

Considérant qu'il y a lieu, en équité, d'accorder à Duracell le bénéfice de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs, Et ceux des premiers juges ; Confirme le jugement, Dit que les condamnations et interdictions prononcées à l'égard de Wonder SA le seront à l'encontre de Ralston Energy Systems France SA, venant aux droits, Dit que la publication tiendra compte du présent arrêt, Condamne Ralston Energy Systems France SA (Wonder SA) à payer à Duracell la somme supplémentaire de 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, La condamne aux dépens et accorde à la SCP d'avoués Bommart Forster le bénéfice de l'article 699 du NCPC.