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Décisions

CA Orléans, 1re ch. civ., 18 octobre 1995, n° 93000327

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Glodis (SARL)

Défendeur :

Plombelec (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lardennois

Conseillers :

Mme Martin-Pigalle, M. Puechmaille

Avoués :

SCP Laval-Lueger, SCP Duthoit-Desplanques

Avocats :

Mes Legrand, Le Metayer.

T. com. Orléans, du 18 nov. 1992

18 novembre 1992

La SARL Glodis est régulièrement appelante d'un jugement du Tribunal de Commerce d'Orléans en date du 18 novembre 1992, qui l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la SARL Plombelec pour actes de concurrence déloyale et a rejeté la demande de cette dernière en dommages intérêts pour procédure abusive.

Il convient de rappeler que la Société Glodis fabrique et commercialise des chevilles en matière plastique sous la désignation " Crampon ", lesdites chevilles étant présentées sous des couleurs distinctes et chacune d'elles étant attachée par sa base en position verticale le long d'une barrette rigide terminée par un système d'accrochage, le tout formant des grappes de 25 éléments.

La Société Glodis aurait appris que la Société Plombelec fabriquait sous la désignation " Axia " des chevilles identiques alors qu'un accord était intervenu entre les parties en 1989 aux termes duquel Plombelec indiquait qu'elle ne contesterait pas la validité du brevet que Glodis avait par ailleurs déposé à l'INPI en 1987 et qu'elle s'engageait à ne pas fabriquer ou commercialiser des chevilles identiques à celles mises sur le marché par cette société.

Estimant que Plombelec ne respectait pas ses engagements, Glodis a sollicité du Président du Tribunal de Commerce d'Orléans, selon requête en date du 22 janvier 1991, l'autorisation de faire procéder à la constatation des actes de concurrence déloyale dont elle se prétendait victime ainsi qu'à la saisie du stock de chevilles " Axia " commercialisées par Plombelec.

Après qu'un procès-verbal de constat ait été dressé le 08 mars 1991, la Société Glodis a fait assigner le 22 juillet 1991 la société Plombelec aux fins de faire cesser les agissements de cette dernière et de solliciter réparation du préjudice en résultant, celui-ci étant à déterminer à dire d'expert, et après allocation d'une indemnité provisionnelle de 500 000 F.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré que la société Glodis entend voir infirmer en toutes ses dispositions, demandant à la Cour de :

- dire et juger que la Société Plombelec en distribuant sous la désignation " Axia " des chevilles identiques à celles commercialisées sous la désignation " Crampon ", a commis des actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité ;

- ordonner une expertise comptable pour déterminer et chiffrer son préjudice ;

- condamner d'ores et déjà la Société Plombelec à lui verser une provision d'un montant de 500 000 F à valoir sur l'indemnisation dudit préjudice ;

- faire interdiction à la Société Plombelec de distribuer, sous quelque forme que ce soit, des chevilles telles qu'arguées de concurrence déloyale, sous peine d'astreinte de 10 000 F par infraction constatée ;

- ordonner à titre de complément de dommages-intérêts, la publication de la décision à intervenir dans trois journaux au choix de l'appelante et aux frais de l'intimée, sans que le coût de chaque publication puisse excéder 25 000 F HT ;

- condamner la Société Plombelec à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La société Glodis prétend que Plombelec s'est livrée à une imitation servile des chevilles qu'elle-même commercialise sous la désignation " Crampon ", et qu'il résulterait : de leur présentation en grappes de 25 ; de la similitude du système d'accrochage de ces grappes ; de la reproduction à l'identique des chevilles elles-mêmes ; de la disposition de celles-ci, attachées perpendiculairement par leur base de long d'une tige rigide ; du choix par Plombelec de couleurs identiques (beige, marron et bleu) à celles retenues pour les chevilles " crampon ".

Il en serait résulté pour la Société Glodis une perte importante de clientèle, abusée par la ressemblance entre les deux produits et attirée par les prix inférieurs pratiqués par Plombelec.

Il est également reproché à cette dernière d'avoir profité de la notoriété des produits Glodis, en s'épargnant les frais qu'elle aurait dû normalement supporter pour mettre au point et promouvoir des produits nouveaux.

La Société Plombelec conclut à la confirmation du Jugement entrepris et formant appel incident réitère sa demande en paiement d'une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Elle réclame en outre 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Se prévalant d'une antériorité de son produit par rapport à celui de la Société Glodis, au motif que les Etablissements Guex avec lesquels, elle était en relations commerciales, fabriquaient dès 1972, soit bien avant Glodis, des chevilles conditionnées en grappes avec un système de fixation permettant l'accrochage aux vêtements, la Société Plombelec soutient qu'en tout état de cause aucune confusion n'est possible entre les deux produits en raison de différences majeures existant entre leur système d'accrochage, leurs couleurs, leur présentation physique et leur conditionnement.

S'agissant du préjudice allégué, elle fait remarquer que la demande de Glodis ne repose sur aucun début de preuve d'une quelconque baisse du chiffre d'affaires.

Sur ce

Attendu que le litige soumis à la Cour ne concerne nullement l'appréciation du respect ou du non-respect par Plombelec de l'accord qui a pu être antérieurement souscrit entre les parties au sujet du produit litigieux, ce qui supposerait de déterminer si la tête d'accrochage utilisée par Plombelec est ou non en forme d'agrafe, mais concerne uniquement les actes de concurrence déloyale allégués à l'encontre de cette société ;

Que pour apprécier l'existence d'une copie servile susceptible d'établir de tels agissements, les produits objets du litige doivent être examinés dans leur intégralité ;

Que dans cette optique, il suffira de retenir que les distributeurs de chevilles commercialisés par la Société Plombelec comportent, tout comme ceux distribués par la Société Glodis, une tête d'accrochage, permettant de fixer la grappe de chevilles sur un vêtement et d'en faciliter l'utilisation ; Qu'au demeurant le système d'accrochage utilisé par Plombelec, s'il ne constitue pas à proprement parler une agrafe, s'en éloigne fort peu, en permettant simplement grâce à un évidemment de forme circulaire pratiqué dans la patte servant d'agrafe, d'accrocher en outre la grappe de chevilles après un bouton ou toute autre attache présente sur un vêtement ;

Que l'utilisation par la Société Plombelec pour ses chevilles, de couleurs identiques à celles employées par la Société Glodis pour la réalisation de ses propres chevilles, ne répond à aucune nécessité technique particulière d'identification ou de normalisation, la communication de pièces effectuées par l'intimée démontrant même qu'aucune société ne commercialise des chevilles en grappe telle que celles de la Société Glodis, avec des couleurs identiques ou semblables ;

Que le produit commercialisé par la Société Plombelec sous la désignation " Axia " est présenté par ailleurs sous la forme de grappes de 25 chevilles attachées verticalement par leur base le long d'une barrette rigide, présentation qui est également celle retenue par la Société Glodis pour la commercialisation de ses chevilles " Crampon ", les différences dimensionnelles entre les deux produits étant de surcroît infimes ;

Que l'examen complet de ces mêmes produits, tel qu'il est exigé pour pouvoir apprécier l'existence ou non d'une copie servile, révèle toutefois des différences notoires dans leur conditionnement;

Qu'ainsi la boîte d'emballage en carton de la cheville " Crampon " comporte une représentation de ladite cheville équipée d'une vis, une vue de la grappe de chevilles et du système d'accrochage ; Qu'on peut également observer sur cette boîte, un graphisme particulier et représentatif de la marque " Crampon " ainsi que de nombreuses indications ;

Qu'en revanche, le graphisme d'identification figurant sur la boîte d'emballage également en carton de la cheville commercialisée par la Société Plombelec, représente deux séries de cercles concentriques réunis par un triangle ; Que figure sur cette boîte le mot " Axia ", le logotype de la Société Plombelec, ainsi que diverses indications nécessaires à l'identification du produit ;

Qu'en conséquence, la confusion visuelle entre les deux produits est du fait de leur conditionnement différent rigoureusement impossible; Qu'on ne saurait non plus arguer d'une quelconque confusion phonétique entre le vocable " Crampon " et le vocable " Axia " ; Que par ailleurs le mot " Crampon " évoque l'accrochage alors que le mot " Axia " évoque l'axe, c'est à dire la ligne qui passe par le centre d'une chose, de sorte qu'il n'y a pas davantage matière à confusion intellectuelle ;

Que la Société Glodis n'allègue nullement que les produits incriminés se présenteraient sous d'autres emballages que ceux décrits ci-dessus, tels que boîtes ou sachets en plastique ou encore étuis de type " blister ", qui pourraient en raison de leur transparence créer un risque de confusion visuelle avec ses propres produits ;

Que dans ces conditions, il n'est pas établi que la Société Glodis ait été victime d'une copie servile de ses chevilles " Crampon " par la Société Plombelec, laquelle par voie de conséquence n'a pu commettre à son égard aucun acte de concurrence déloyale;

Qu'il convient en y substituant les motifs qui précèdent de confirmer le Jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande tendant à voir engager sur ce fondement, la responsabilité de la Société Plombelec ;

Que cette dernière prétend sans en justifier que la Société Glodis lui ferait elle-même une concurrence déloyale, en se prévalant dans la documentation sur son produit " crampon ", d'un brevet dépourvu de toute validité et en présentant ledit produit comme étant d'une qualité supérieure au sien ;

Qu'elle ne démontre pas davantage en quoi la Société Glodis aurait abusé envers elle de son droit d'ester en Justice ;

Que le Jugement entrepris mérite donc encore la confirmation en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en Dommages Intérêts de la Société Plombelec ;

Qu'il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de cette dernière les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel pour faire valoir ses droits ;

Que la Société Glodis qui succombe en ses prétentions supportera les dépens de l'instance ;

Par ces motifs : La Cour Confirme en toutes ses dispositions le Jugement entrepris ; Déboute les parties de tous moyens et demandes plus amples ou contraires, comme inopérants ou mal fondés ; Condamne la Société Glodis à payer à la Société Plombelec la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Condamne la même aux entiers dépens d'appel ; Accorde à la SCP Duthoit-Desplanques, avoués associés, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.