CA Paris, 5e ch. C, 22 septembre 1995, n° 94-3249
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Métro Libre Service de Gros (SARL)
Défendeur :
Japan Time (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Besançon
Conseillers :
Mme Cabat, M. Betch
Avoués :
SCP Barrier-Monin, SCP Bommart-Forster
Avocats :
Mes Heintz, Bettan.
La SARL Métro exploite un commerce de vente en gros et demi-gros s'adressant aux professionnels. Elle a diffusé, du 25 janvier au 9 février 1991, un dépliant publicitaire destiné à ses clients dans lequel elle leur proposait une montre de marque Citizen au prix de 850 F. C'est dans ces conditions que la société Japan Time concessionnaire exclusif en France pour la distribution de ces montres a invoqué une concurrence déloyale faite à son réseau de distribution et un parasitisme commercial né du profit sans frais que la SARL Métro avait tiré des campagnes de promotion financées par le concessionnaire exclusif.
Sur le litige ainsi né entre les parties le Tribunal de commerce de Bobigny a, le 14 octobre 1993, sur rapport déposé par M. Maillet, antérieurement désigné aux fins de réunir les éléments de fait permettant d'apprécier les modalités de commercialisation par la SARL Métro des montres Citizen, retenu un parasitisme commercial imputable à celle-ci, l'a condamnée avec exécution provisoire à payer à la SA Japan Time une somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts outre 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC et rejeté les autres demandes présentées par celle-ci.
La SARL Métro a interjeté de cette décision un appel au soutien duquel elle fait valoir que la SA Japan Time ne démontre pas l'existence d'un réseau dont elle se prévaut et a fortiori d'un réseau de distribution sélective des montres Citizen, que la commercialisation de ces produits ne constitue pas, en soi, un agissement parasitaire ce alors surtout que la licéité de son approvisionnement n'est pas contestée, qu'aucune pratique de prix d'appel ne peut, selon le rapport circonstancié déposé par M. Maillet, être retenue pas davantage qu'un comportement parasitaire de sorte qu'il convient d'infirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle l'a condamnée à paiement de dommages-intérêts.
La SARL Métro demande donc la restitution de la somme de 50 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 1994 date du paiement ainsi que 30 000 F au titre de ses frais irrépétibles.
La SA Japan Time s'oppose à ces prétentions en soutenant que le réseau de distribution des montres Citizen est établi par le contrat de distribution exclusive qu'elle a signé, le 27 novembre 1978, avec la Société Citizen Europe ainsi que par les développements qu'elle a donnés à ce contrat pour parvenir à la reconnaissance des qualités particulières de ces produits.
Elle ajoute qu'elle distribue ces montres par l'intervention de professionnels qualifiés tandis que la société Métro le fait sans garantie, sans disposer d'un personnel compétent, d'un stock ou d'un service après-vente conforme à l'image du produit et en se limitant à profiter, par une présentation délibérément grossie des objets et la confusion volontairement exploitée, des campagnes de promotion financées par le concessionnaire exclusif. La société Japan Time soutient qu'ainsi la concurrence déloyale imputable à la SARL Métro est établie tout comme ses agissements parasitaires puisqu'elle a sciemment utilisé la marque Citizen et sa notoriété pour diffuser et valoriser les produits d'autres marques qu'elle vend.
La SA Japan Time conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a constaté l'existence d'actes parasitaires et demande, par appel incident, la reconnaissance de la concurrence déloyale pratiquée par la SARL Métro et le prononcé sous astreinte d'une interdiction à celle-ci d'utiliser la marque Citizen sur ses documents publicitaires.
Elle réclame en outre, que soit ordonné sous astreinte à la SARL Métro de préciser que les montres Citizen qu'elle vend sont dépourvues de la garantie Citizen, que le montant des dommages-intérêts exigibles de la SARL Métro soit porté à la somme de 500 000 F ce avec publication de la décision à intervenir et attribution d'une somme de 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
Cela exposé :
Considérant que la SA Japan Time ne démontre pas devant la Cour avoir mis en place un réseau de distribution sélective licitedes montres Citizen ; qu'elle ne peut valablement faire découler l'existence d'un tel réseau de la seule convention de distribution conclue le 27 novembre 1978 avec la société Citizen Europe et des actions commerciales qu'elle a financées pour promouvoir la vente des montres Citizen ou mettre en valeur les qualités de celles-ci ;
Considérant pour ce motif et ceux non contraires des premiers juges que la Cour adopte, que faute de pouvoir se prévaloir d'un réseau de distribution " Citizen " la SA Japan Time ne peut reprocher à faute à la SARL Métro d'avoir vendu ces montres dans des conditions commerciales ne correspondant pas aux exigences qualitatives d'un tel réseauet ce alors surtout que la licéité de l'approvisionnement de la SARL Métro n'est pas contesté devant la Cour par la SA Japan Time, que celle-ci ne démontre pas davantage que les montres vendues par la SARL Métro entraient dans les produits effectivement visés par le contrat signé le 27 novembre 1978, et qu'enfin la clientèle de la SARL composée de commerçants avertis n'a pas pu se méprendre sur les limites des services accessoires à attendre de celle-ci ;
Considérant qu'il ressort du rapport déposé par M. Maillet que la marge dégagée sur les ventes des montres Citizen par la SARL Métro est identique à celles obtenues sur la vente par celle-ci de montres d'autres marques ; qu'il apparaît en outre qu'en 1990 les achats de ces montres par cette société ont constitué 20 % environ de ses achats totaux de montre ; que dans ces conditions aucune pratique de prix d'appel ne peut être imputée à la SARL Métro ;
Considérant que pour ces motifs la concurrence déloyale alléguée par la SA Japan Time n'est pas établie ;
Considérant que cette dernière excipe encore d'un parasitisme commercial commis par la SARL Métro ;
Considérant que l'usage d'une marque appartenant à autrui sans autorisation de l'intéressé n'est, à lui seul, pas fautif lorsqu'il est fait pour la commercialisation des produits, qu'il ne peut être reproché à la SARL Métro d'avoir, pour la commercialiser les montres Citizen, utilisé la marque Citizen dans un document publicitaire brièvement diffusé et profité, par là, des campagnes promotionnelles antérieurement financées par la SA Japan Time puisqu'il n'est pas démontré l'existence que la campagne publicitaire reprochée à la SARL Métro a été entreprise par celle-ci pour bénéficier de celles, spécifiques, menées antérieurement par la SA Japan Time, campagne dont il n'est en outre pas alléguée qu'elles aient été concomitantes ;
Considérant que pour ces motifs il ne peut être imputé à la SARL Métro un comportement parasitaireet qu'ainsi l'intégralité des demandes présentées à son encontre par la SA Japan Time sera rejetée ;
Considérant que la SARL Métro qui sollicite le remboursement des sommes versées pour respecter le caractère exécutoire de la décision déférée ne peut prétendre aux intérêts sur cette somme qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la présente décision ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'attribution à l'une ou l'autre des parties de sommes au titre des frais irrépétibles de première instance ou d'appel ;
Par ces motifs : Infirmant la décision déférée et statuant à nouveau, Rejette l'intégralité des demandes présentées par la SA Japan Time à l'encontre de la SARL Métro ; Ordonne la restitution à celle-ci par la SA Japan Time des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré ; Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la notification de la présente décision ; Rejette les demandes présentées par les parties au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ; Rejette toute demande autre contraire aux motifs ; Condamne la SA Japan Time aux dépens de première instance ; Admet pour ces derniers l'avoué concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.