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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 14 septembre 1995, n° 94-2801

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bozon Verduraz (SARL)

Défendeur :

Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

MM. Derdeyn, Thibault-Laurent

Avoués :

Mes Salvignol, Rouquette

Avocats :

Mes Cotillet, de Cabissole.

CA Montpellier n° 94-2801

14 septembre 1995

Faits et procédure :

Courant Avril, Mai, et Juin 1993, la société Bozon Verduraz qui exploite un fonds de Commerce de vente de vêtements à l'enseigne "Passion" Grand Rue Jean Moulin à Montpellier affichait sur les vitrines de son magasin des panonceaux portant les mentions "quinzaine anniversaire, quinzaine exceptionnelle - 50 % sur points bleus, - 30 % sur points vert".

Considérant qu'il s'agissait en réalité d'une opération de vente de soldes, hors de la période autorisée, le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région assignait la société Bozon Verduraz pour voir réparer son préjudice subi du fait de cet acte de concurrence déloyale.

Par jugement, en date du 22 Février 1994, le Tribunal de Commerce de Montpellier a condamné la société Bozon Verduraz à payer au Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 500 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 14 Mars 1994 la société Bozon Verduraz a relevé appel de cette décision.

Prétentions et moyens des parties :

La société Bozon Verduraz demande à la Cour de réformer la décision déférée, de dire l'action intentée par le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier irrecevable et de la débouter de ses demandes.

Elle demande également, au fond, de réformer la décision déférée, de débouter le Syndicat des Commerçants Détaillants de sa demande.

La société Bozon Verduraz, en toutes hypothèses demande à la Cour de condamner le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses demandes la société Bozon Verduraz soutient, tout d'abord, que l'action du Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier est irrecevable car il n'est pas démontré que la liste des membres du comité de direction et du bureau ait été régulièrement déposée à la Mairie et que, de plus, il résulte des statuts du Syndicat que pour agir en justice le Président devait obtenir un avis du comité de direction ou, en cas d'urgence, du bureau, ce qui n'a pas été justifié.

Au fond la société Bozon Verduraz soutient que l'opération qu'elle a menée n'est pas une vente de soldes mais une opération de vente promotionnelle et que par ailleurs, subsidiairement, le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier ne justifie ni de l'existence ni du montant du préjudice qu'il allègue.

Le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région demande à la Cour de confirmer la décision déférée et de condamner la société Bozon Verduraz à lui payer la somme de 7 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses demandes le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région fait valoir que son action est recevable puisqu'il a régulièrement effectué le dépôt en Mairie des statuts et des noms des personnes chargées de son administration et de sa direction.

Il soutient également que l'opération litigieuse était une vente de soldes hors des périodes autorisées ce qui a entraîné un préjudice collectif à la profession qu'il a charge de représenter.

Discussion

* Sur la recevabilité de l'action du Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région

Il résulte des pièces versées au débat que le 23 Septembre 1988 était constaté le dépôt, en Mairie de Montpellier, des statuts du Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région, du compte rendu de l'Assemblée Générale du 21 Janvier 1988 et de l'état nominatif des membres chargés de l'administration du Syndicat.

Il apparaît ainsi, qu'à compter de cette date, le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région jouissait de la personnalité juridique et pouvait donc ester en justice.

C'est vainement que la société Bozon Verduraz s'empare de clauses des statuts pour contester la recevabilité de l'action du Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier intentée contre elle. En effet les clauses en cause ne concernent que l'organisation interne du Syndicat et sont sans influence à l'égard des tiers sur sa capacité d'ester en justice résultant de sa personnalité juridique acquise après le dépôt en Mairie des statuts et de la liste des membres dirigeants.

Au fond

Il est constant et non contesté par les parties que l'opération commerciale en cause menée par la société Bozon Verduraz a été faite à une période où sur la place de Montpellier les soldes ne sont pas autorisées.

La société Bozon Verduraz soutient que les ventes dont s'agit ne peuvent être considérées comme des soldes et qu'il s'agissait en réalité de ventes promotionnelles ; alors que le Syndicat des Commerçants Détaillants affirme qu'il s'agissait, en réalité, de soldes hors de la période autorisée.

Une vente est promotionnelle que si elle a pour but, dans un temps limité, d'offrir des articles nouveaux à un prix inférieur à celui qui sera ensuite pratiqué, ce rabais et la publicité ayant pour but de provoquer un premier achat et de créer une habitude d'achat ; une telle opération ne se conçoit que si elle porte sur quelques articles d'un magasin déjà installé sur la place, soit sur l'ensemble des articles sans limitation de quantité, d'un magasin généralement nouvellement installé et qui entend ainsi se créer ou fidéliser une clientèle.

Au contraire les soldes se font sur un stock déterminé non destiné à être renouvelé et dont le commerçant entend se libérer rapidement.

En l'espèce il apparaît que la société Bozon Verduraz a, à quatre reprises, courant Avril, Mai et Juin 1993, apposé en vitrine des panonceaux faisant état d'une quinzaine anniversaire, quinzaine exceptionnelle du tailleur et prévoyant des rabais de 50 % ou 30 %.

La multiplication même, en deux mois, des quinzaines anniversaires, peu de temps avant les soldes autorisées commençant le 8 Juillet, laisse à penser que cette technique publicitaire a uniquement eu pour but de contourner la réglementation et provoquer la confusion dans l'esprit des consommateurs, ce d'autant qu'il n'est, en l'espèce, pas justifié que les factures versées aux débats, démontrant des achats de la société Bozon Verduraz pendant les périodes en cause, correspondent à des réapprovisionnements d'articles faisant l'objet des rabais.

Il y a donc lieu de considérer que les opérations litigieuses dites "quinzaine anniversaire - quinzaine exceptionnelle" étaient des ventes de soldes réalisées en infraction aux règles et aux usages, qu'elles étaient donc des actes de concurrence déloyale qui rompent l'égalité au préjudice de ceux qui, exerçant la même activité, respectent les dispositions réglementaires.De telles opérations portent donc atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région. C'est justement que les premiers juges ont évalué le préjudice souffert de ce fait par le Syndicat demandeur et il convient donc de confirmer leur décision.

L'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile conduit à allouer au Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région une somme de 3 500 F.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement et contradictoirement. En la forme reçoit l'appel ; Au fond, le dit injustifié ; Confirme le jugement déféré qui produira son plein et entier effet ; Y ajoutant, Condamne la société Bozon Verduraz à payer, en cause d'appel, au Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa Région la somme de 3 500 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société Bozon Verduraz aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.