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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 6 septembre 1995, n° 2525-94

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Comareg (SA)

Défendeur :

Le Carillon (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Casorla

Conseillers :

MM. Roy, Froment

Avoués :

Mes Bourges, Castres

Avocats :

Mes Guittet, Gautier.

T. com. Vannes, du 28 janv. 1994

28 janvier 1994

Vu le jugement du 28 janvier 1994 par lequel le Tribunal de Commerce de Vannes :

- a retenu que la mention " le n° 1 de la petite annonce " portée aux cotés du titre du Journal " Le 56 Vannes ", édité par la SA le Carillon n'était pas mensongère et ne constituait pas un acte de concurrence déloyale au détriment de la SA Comareg Bretagne Ouest Le Télégramme (SA Comareg), éditrice d'un journal concurrent.

- a débouté, en conséquence, la SA Comareg de ses prétentions.

- a débouté la SA Le Carillon de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

- a condamné la SA Comareg à payer à son adversaire la somme de 3000 F pour frais non taxables.

Vu l'appel de ce jugement par la SA Comareg

Vu les écritures d'appel par lesquelles cette société :

- soutient qu'à tort le Tribunal a retenu que, la SA Le Carillon ayant publié un nombre de petites annonces supérieur à celui de son concurrent entre juillet et la semaine 41 de l'année 1992, cette société a pu, sans faute insérer dans son journal du 14 octobre 1992 la mention critiquée, alors que devait être pris en considération le fait que depuis le début de l'année 1992 jusqu'à la semaine 41 la SA Comareg avait publié davantage de petites annonces et qu'il en était de même pour l'ensemble de l'année 1991 et 1992

- soutient, en outre, qu'il appartient à celui qui fait de la publicité comparative de prouver la fiabilité de ses messages

- observe que le tirage des deux journaux concurrents est similaire

- demande la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 500 000 F de dommages-intérêts, au titre de la concurrence déloyale caractérisée par une publicité mensongère, dans 3 journaux de son choix, aux frais de l'adversaire, outre la somme de 10 000 F pour frais non taxables.

Vu les écritures d'appel par lesquelles la SA Le Carillon :

- dénie les allégations adverses en ce qui concerne les petites annonces parues dans les deux journaux concurrents et soutient en avoir fait paraître davantage que la SA Comareg pour l'année 1992

- observe également que jusqu'à la semaine 41 elle avait fait paraître plus de petites annonces que la SA Comareg et que de juillet à décembre elle a tous les mois dépassé la SA Comareg sur ce point

- soutient que la procédure engagée contre elle l'a été de mauvaise foi, dans le but de nuire, et demande à ce titre, par appel incident, la somme de 10 000 F de dommages-intérêts

- demande le paiement de la somme de 10 000 F pour les frais non taxables du procès.

Considérant que ne constitue pas une publicité comparative, au sens des articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la Consommation, résultant de la loi du 18 janvier 1992, l'insertion litigieuse qui notamment ne fait aucunement état, par citation ou représentation, de la marque, la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne d'autrui;

Considérant qu'en revanche le fait pour un journal d'annonces de faire précéder son titre de la mention " le n°1 de la petite annonce " est de nature à faire croire au public, pour persuader de l'efficacité de ses services, que, tant au regard de sa diffusion que du nombre de petites annonces collectées, il occupe, sur son secteur de diffusion, la part de marché la plus importante au regard de ses concurrents, ce qui suppose notamment que le nombre de petites annonces qu'il collecte est stablement et notablement supérieur à celui de tous les autres concurrents sur ce secteur ;

Considérant qu'il ressort des productions mêmes de la SA Carillon, en tenant pour vrais ses chiffres, légèrement différents de ceux de son adversaire, que, pour la seule année 1992, jusqu'à la publication de la mention litigieuse, le nombre de petites annonces publiées par son journal a été légèrement supérieur au nombre de celles publiées par le journal de la SA Comareg pour février, mars et mai, qu'il a été légèrement inférieur en janvier, qu'il a existé, en faveur de la SA Comareg, une différence de l'ordre de 1000 annonces pour le mois d'avril et de 1400 annonces pour juin et, en faveur de la SA Carillon, une différence de l'ordre de 1200 annonces en juillet et 1900 annonces en septembre, le petit chiffre d'août pour les deux sociétés n'étant pas significatif, qu'enfin, sur toute l'année 1992, le nombre de petites annonces pour la SA Carillon n'a été supérieur à celui de la SA Comareg que de 2755 annonces, ce qui n'est pas significatif au regard des variations précédentes ; qu'il suit de ces données, sans qu'il y ait lieu à une mesure d'instruction pour s'assurer davantage des chiffres, que le journal " 56 Vannes " de la SA Carillon ne pouvait indiquer au public comme il l'a fait, à partir du 14 octobre 1992, qu'il était " le n° 1 de la petite annonce " dès lors que le nombre de petites annonces qu'il collectait n'était ni stablement, ni notablement supérieur à celui du journal de la SA Comareg qui diffuse sur le même secteur; qu'en procédant de la sorte la SA Carillon a commis des actes fautifs dans la concurrence au détriment de la SA Comareg qui, sur le secteur de diffusion, détient une part de marché sensiblement comparable ;

Considérant qu'au regard du trouble causé à la SA Comareg par ces actes déloyaux, son préjudice sera réparé par la publication du dispositif du présent arrêt, aux frais de l'adversaire dans la limite de 20 000 F, dans les journaux Ouest France et le Télégramme, et par l'allocation de 50 000 F de dommages-intérêts complémentaires ; que l'équité commande que soit accordée à la SA Comareg la somme de 8 000 F pour les frais non taxables du procès ; que les dépens de 1re instance et d'appel incombent à son adversaire qui, par ses agissements déloyaux, est à l'origine du procès.

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré ; Dit que la SA Carillon, en mentionnant dans son journal d'annonces " 56 Vannes ", à partir du 14 octobre 1992, qu'il était " le n° 1 de la petite annonce " a fait une publicité de nature à induire en erreur le public, le nombre de petites annonces par lui alors collectées n'étant ni stablement, ni notablement supérieur à celui du journal diffusé, sur le même secteur, par la SA Comareg ; Dit que cette publicité a constitué, au détriment de la SA Comareg des actes déloyaux de concurrence ; En réparation du préjudice ainsi causé à la SA Comareg, ordonne la publication dans les journaux Ouest France et Le Télégramme, du dispositif du présent arrêt, au frais de la SA Carillon dans la limite de 20 000 F ; Condamne la SA Carillon à payer à cette société la somme de 50 000 F de dommages-intérêts complémentaires ; Déboute la SA Carillon de toutes ses prétentions ; La condamne à payer à son adversaire la somme de 8 000 F pour les frais non taxables exposés dans le procès ; La condamne aux dépens de 1re instance et d'appel, ceux d'appel avec, pour l'avoué adverse, le bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.