CA Nancy, 1re ch. civ., 6 septembre 1995, n° 1674-95
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Laboratoire d'analyses de biologie médicale Philippe Valantin (SELARL)
Défendeur :
Krebs (ès qual.), Chambrion et Bruart (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Husson
Avoués :
Mes Bonet, Leinster, Wisniewski, Cyferman, Chardon, Bouglier Desfontaines
Avocats :
Mes Kemps, Bertaud.
Exposé du litige.
Par jugement du 14 septembre 1994, le Tribunal de grande instance de Nancy a :
- prononcé le redressement judiciaire de la SELARL laboratoire d'analyses de biologie médicale Philippe Valantin, en abrégé SELARL Laboratoire Philippe Valantin en faisant application de la procédure prévue par le titre I de la loi du 25 janvier 1985,
- dit que les matériels, installations et agencements cédés le seront en l'état, à charge par le repreneur de les mettre en conformité avec les dispositions réglementaires et légales en vigueur sans que la responsabilité de la partie cédante puisse être recherchée à ce sujet,
- ordonné la cession de tous les contrats en cours nécessaires au maintien de l'activité y compris le contrat de bail de l'établissement sis 89, rue de l'Hôtel de Ville à Frouard,
- ordonné le licenciement pour motif économique dans le délai d'un mois après le jugement du gérant, du directeur de formation, de deux directeurs adjoints de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin,
- ordonné le transfert au cessionnaire des contrats de travail maintenus conformément à l'article L. 122-12 du Code du travail,
- fixé à 4 mois la durée du plan,
- nommé pour la durée du plan la SCP Chambrion et Bruart en qualité de commissaire à l'exécution du plan,
- mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire,
- dit qu'en exécution du plan, celui-ci aura tout pouvoir pour passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession et ce, au besoin, avec l'assistance du professionnel de son choix,
- maintenu les autres organes de la procédure,
- dit que la SELARL " X " devra mettre gratuitement à la disposition des mandataires de justice les moyens de toute nature nécessaires à l'arrêté des comptes ainsi qu'à la mise en place pratique du plan et devra assurer gratuitement la conservation des archives du Laboratoire Valantin,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement déclaré opposable à tous,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire,
La SELARL Laboratoire Philippe Valantin a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 mai 1995 à l'encontre de Maître Krebs es qualité d'administrateur, la SCP Chambrion-Bruart es qualité de représentant des créanciers et la SELARL " X " en cours de constitution entre Madame Chef, Monsieur Germain, Monsieur Felden, Monsieur Baillet, Monsieur Teboul et Monsieur Herbeth, directeurs, directeurs adjoints, salariés de la SCP Docteur Brignon.
La SELARL " X " en cours de constitution entre les personnes sus visées a relevé appel par déclaration du 1er juin 1995 du jugement rendu le 22 mai 1995 par le Tribunal de grande instance de Nancy et ce, à l'encontre de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, Maître Bruart, représentant des créanciers, Maître Krebs, administrateur, Monsieur Philippe Valantin, gérant de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin , Maître Bruart de la SCP Chambrion-Bruart, représentant des créanciers, Maître Krebs, administrateur, Monsieur Philippe Valantin, gérant de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, Madame Lettieri, représentante des salariés et Madame Albiser, médecin inspecteur de la santé à la [DASS] de Meurthe et Moselle.
Sur son propre appel, la SELARL Laboratoire Philippe Valantin demande à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- ordonner la poursuite d'une période d'observation pour une durée minimale de 4 mois afin de permettre au représentant des créanciers de consulter ces derniers sur le plan de redressement qu'elle propose,
- approuver le plan de continuation qu'elle présente,
- condamner tous autres qu'elle aux entiers dépens.
Sur l'appel de la SELARL " X ", la SELARL Laboratoire Philippe Valantin demande à la Cour de déclarer cet appel irrecevable en application de l'article 174 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985 et subsidiairement de débouter la SELARL " X " de son appel et de condamner celle-ci ou tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Sur son propre appel, la SELARL " X " a demandé tout d'abord à la Cour de :
- réformer le jugement entrepris seulement en ce que cette décision a dit et jugé que l'institution d'une clause de non-concurrence applicable aux dirigeants et associés de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin n'entrait pas dans sa compétence,
- dire que le plan de cession proposé par Maître Krebs le 10 avril 1995 forme un tout indivisible et qu'il sera donc arrêté dans sa totalité,
- à défaut d'acceptation par la Cour d'homologuer le plan de cession dans sa globalité lui donner acte de ce qu'elle retire purement et simplement son offre,
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire.
Dans le dernier état de ses écritures et sur l'appel de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, la SELARL " X " demande à la Cour de :
- débouter Monsieur Philippe Valantin et la SELARL Laboratoire Philippe Valantin de toutes leurs demandes,
- dire que le plan de cession proposé par Maître Krebs le 10 avril 1995 forme un tout indivisible et qu'il sera arrêté dans sa globalité,
- dire que la clause de non-concurrence figurera bien au plan de cession et qu'elle ne continuera que les contrats de travail et le contrat de bail ainsi que spécifié au plan, la société cédante faisant son affaire personnelle de la poursuite ou de la résiliation de tous autres contrats de toute nature qui ne seraient pas expressément poursuivis par la société cessionnaire et en supportera seule les coûts de telle sorte que la société cessionnaire ne soit nullement inquiétée à ce sujet de quelconque manière que ce soit,
- à défaut d'acceptation par la Cour du plan de cession dans sa globalité, dire n'y avoir lieu d'homologuer celui-ci.
La SCP Chambrion-Bruart et Maître Krebs, tous deux es qualité s'en rapportent à prudence de justice sur le mérite des appels tant de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin que de la SELARL " X " et demandent qu'il leur soit donné acte des observations exposées aux motifs de leurs conclusions.
Madame Lettieri et Madame Albiser, toutes deux assignées devant la Cour par exploit délivré à elles personnellement le 13 juin 1995 n'ont pas constitué avoué.
La SELARL Laboratoire Philippe Valantin fait valoir au soutien de son appel le plan de continuation qu'elle propose répond aux objectifs de la loi du 25 janvier 1985 qui tend à permettre la survie de l'entreprise dans les meilleures conditions pour les créanciers et les salariés et que l'ensemble des parties intervenant à la procédure n'a pas contesté le sérieux du plan qu'elle proposait et des prévisions de ce plan, dont les chiffres et ratio ont été largement repris par la SELARL " X " qualifié par le Tribunal de réaliste.
La SELARL Laboratoire Philippe Valantin ajoute, sur son appel, que :
- en pleine période d'observation et alors que des poursuites avaient été engagées contre son dirigeant, le laboratoire a réalisé un chiffre d'affaires mensuel de plus d'un million de francs supérieur aux prévisions,
- le 24 avril 1995, jour de l'audience, les comptes bancaires de la SELARL étaient créditeurs, un bénéfice de l'ordre de 150 000 F avait été réalisé, auquel il faut ajouter la somme de 130 000 F détenue par Maître Chambrion et le Trésor Public a remboursé un déficit reportable en arrière de 122 720 F,
- le plan de redressement proposé s'accompagne de mesures destinées à réaliser des économies en particulier le licenciement de Monsieur Jean Valantin et la réduction des sites d'exploitation ainsi que la masse salariale par le départ du département Anapath et les charges financières devraient s'alléger en raison de l'arrivée à terme de contrats de leasing,
- un chiffre d'affaires de 12 millions de francs permet donc de dégager une capacité d'autofinancement supérieure à 2 millions de francs par an, chiffre auquel parvient la SELARL " X " dans ses comptes prévisionnels, et le plan proposé permet donc d'apurer sans difficulté un passif évalué à 11 075 000 F,
- la SELARL Laboratoire Philippe Valantin serait donc en mesure de faire face à un évènement imprévu car tous les évènements prévisibles ont été chiffrés,
- les problèmes personnels de Monsieur Philippe Valantin ne doivent pas influer sur la solution du redressement judiciaire et d'ailleurs celui-ci n'a fait l'objet d'aucune interdiction définitive de gérer une société et sa détention provisoire a été brève,
- les difficultés administratives suscitées par le remplacement du gérant sont les mêmes en cas de cession de l'entreprise car il a été confirmé par Madame Albiser, médecin inspecteur de la santé, que le repreneur devra également élaborer un dossier soumis à l'agrément de la DASS et du Conseil de l'Ordre et l'établissement de ce dossier exigera une durée de quelques mois pendant lesquels le laboratoire ne fonctionnera pas dans des conditions légales.
Sur l'appel de la SELARL " X ", la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et Monsieur Philippe Valantin font valoir que :
- cet appel est irrecevable car, en vertu de l'article 174 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 1985, le droit d'appel du cessionnaire est limité au cas où le jugement arrêtant le plan de continuation lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrit lors de la préparation du plan, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- au fond le souhait du cessionnaire de voir imposer au cédant dans une procédure collective régie par la loi du 25 janvier 1985 une obligation de non-concurrence est dépourvue de tout fondement légal ou conventionnel et porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie édictée par la loi des 2 et 17 mars 1791,
- s'agissant en l'espèce d'une activité libérale d'exercice de la biologie la notion de patrimonalisation de la clientèle est exclue et il ne peut être apporté une restriction autoritaire au droit absolu de Monsieur Philippe Valantin d'exercer cette activité,
- un laboratoire d'analyses médicales n'est pas un fonds de commerce et les règles régissant la cession de fonds de commerce ou de parts sociales et la vente en général sont inapplicables à la cession de ce laboratoire,
- en outre la cession d'une entreprise en application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 n'est pas une vente puisqu'elle n'est pas réalisée du consentement des parties et ni Monsieur Philippe Valantin ni la SELARL Laboratoire Philippe Valantin n'ayant la qualité de vendeur les règles légales régissant l'obligation de garantie personnelle du vendeur sont inapplicables,
- enfin la jurisprudence, en droit commun ne reconnaît pas aux juges le pouvoir de se substituer aux parties contractantes pour déterminer le contenu d'une clause de non-concurrence qui relève de la convention,
Dans le dernier état de leurs écritures la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et Monsieur Philippe Valantin observent encore que les associés de la SELARL " X " tous associés ou salariés de la SCP Brignon ont participé avec la SELARL Laboratoire Philippe Valantin à une société de fait pour les échanges d'analyses tandis que les consorts Valantin sont associés avec certains membres de la SELARL " X " dans la SELARL Saint-Mansuy et la SCI Lavoisier de telle sorte que ceux-ci ne sont pas des tiers au sens de la loi du 25 janvier 1985 et le Tribunal ne pouvait donc pas retenir le plan de la SELARL " X " .
La SELARL " X " fait valoir au soutien de son appel que :
- le Tribunal, dans les motifs de sa décision, a retenu que l'institution d'une clause de non-concurrence applicable aux dirigeants et associés de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin n'entrait pas dans sa compétence, apportant ainsi une restriction au plan de cession qu'elle a présenté alors que celui-ci forme un tout indivisible, tout comme son offre,
- les premiers juges, méconnaissant les dispositions de l'article 62 de la loi du 25 janvier 1985 lui ont donc imposé des charges autres que les engagements auxquels elle avait souscrit dans son offre,
- en effet l'obligation de non-concurrence est l'un des éléments incorporels cédés et le prix qu'elle offre en tient compte, car à défaut d'une clause de non-concurrence les dirigeants et associés de la SELARL cédée pourraient immédiatement se réinstaller compromettant la survie de celle-ci,
- l'obligation de non-concurrence pèse de plein droit sur les anciens dirigeants et associés de l'entreprise cédée en vertu de l'obligation générale de garantie personnelle du vendeur car ni la loi du 31 décembre 1990, ni son décret d'application du 17 juin 1992 concernant les laboratoires d'analyses médicales ne visent la clause de non-concurrence de telle sorte que ce sont les principes généraux de droit commun qui s'appliquent,
- le plan de cession constitue bien une vente car la loi du 25 janvier 1985 dispose que l'obligation essentielle du cessionnaire est le paiement du prix qui opère le transfert de la propriété de l'ensemble des actifs de la société cédée et le paiement du prix et le transfert de propriété sont les éléments constitutifs de la vente,
- les obligations du vendeur pèsent donc sur le débiteur et selon la jurisprudence unanime c'est le dirigeant de la société qui est débiteur de l'obligation de non-concurrence, d'ordre public, résultant de la garantie du fait personnel du cédant,
- la SELARL Laboratoire Philippe Valantin a une personnalité propre et un patrimoine composé d'éléments corporels et incorporels dont la clientèle est la partie essentielle,
- enfin la clause de non-concurrence proposée étant limitée ne porte pas atteinte à [la] liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté de se réinstaller.
Sur la recevabilité de son appel, la SELARL " X " observe que le jugement entrepris arrêtant le plan de cession sans retenir la clause de non-concurrence qui impose une charge différente des engagements qu'elle a souscrit lors de la préparation du plan et son appel est recevable en application de l'article 174 de la loi du 25 janvier 1985 car les premiers juges ont violé les dispositions de l'article 62 de la loi précitée.
La SELARL " X ", en ce qui concerne la cession des contrats, expose que la SELARL Laboratoire Philippe Valantin étant en redressement judiciaire parce qu'elle a passé des contrats onéreux et inutiles à son fonctionnement avec des sociétés satellites dans lesquelles ses associés et dirigeants sont directement ou indirectement intéressés, le plan de cession serait voué à l'échec si elle devait reprendre ces contrats alors que ce plan prévoit expressément la reprise des contrats de travail et du contrat de bail, à l'exclusion des autres contrats.
Sur l'appel de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, la SELARL " X " ne formule pas d'observations mais réplique en ce qui concerne la qualité de tiers de ses associés que le fait que certains de ceux-ci, minoritaires, soient associés minoritaires dans d'autres sociétés dans lesquelles Monsieur Philippe Valantin est lui-même associé minoritaire ne leur confère pas le titre d'associés de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin.
Maître Krebs et la SCP Chambrion-Bruart, es qualité, indiquent dans les motifs de leurs conclusions qu'il leur semble que le jugement entrepris est nul en l'absence de la consultation des créanciers sur le plan de redressement prévue par l'article 24 de la loi du 25 janvier 1985.
Monsieur l'Avocat Général a été entendu en ses conclusions.
Discussion
- en la forme :
Attendu que Madame Lettieri et Madame Albiser ayant été assignées devant la Cour par exploit délivré le 13 juin 1995 en mains propres il sera statué à leur égard par arrêt réputé contradictoire ;
Attendu par ailleurs qu'en raison de la connexité manifeste existant entre les appels du même jugement formés d'une part par la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et d'autre part par la SELARL " X " il convient d'ordonner la jonction des deux instances enrôlées respectivement sous numéros 1726/95 et 1641/95 ;
- sur l'appel de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin :
. sur la nullité du jugement entrepris :
Attendu que la consultation des créanciers prévue par l'article 24 de la loi du 25 janvier 1985 n'est indispensable que lorsque l'adoption du plan de continuation est envisagée par le Tribunal mais elle est inutile lorsque le Tribunal écarte d'emblée le plan de continuation, ce qui est le cas en l'espèce ;
Attendu que l'article 61 de la loi du 25 janvier 1985 ne prévoit pas la consultation des créanciers lorsque le Tribunal arrête un plan de redressement, notamment par cession de l'entreprise ;
Attendu que le jugement entrepris n'est donc pas nul pour inobservation des dispositions de l'article 24 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Au fond :
Attendu tout d'abord que les premiers juges ont à juste titre relevé que si la SELARL Laboratoire Philippe Valantin réalisait un chiffre d'affaires d'un peu plus d'un million de francs par mois elle n'avait pu dégager au cours des 7 mois d'activité pendant la période d'observation qu'un bénéfice de 150 000 F soit approximativement 300 000 F par an.
Attendu que dans la proposition de plan de continuation versée aux débats la SELARL Laboratoire Philippe Valantin indique qu'elle est membre d'une société civile de moyens dénommée Bio Plus qui sera vraisemblablement déclarée en règlement judiciaire et qu'en sa qualité d'associée elle est tenue indéfiniment à proportion de son capital social des dettes de la SCM Bio Plus, dont la SELARL Laboratoire Philippe Valantin ne peut connaître à l'avance le montant exact ;
Attendu que la SELARL Laboratoire Philippe Valantin prévoit dans le plan de continuation d'abandonner l'activité Anapath, le laboratoire correspondant devant disparaître à court terme ;
Attendu qu'il ressort de l'offre de la SELARL " X " du 10 avril 1995 dont la SELARL Laboratoire Philippe Valantin indique dans ses écritures que les chiffres sont très proches de ceux qu'elle retient dans la proposition de plan de continuation, que la SELARL " X " prévoit la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel de 12 millions de francs y compris l'activité d'anatomopathologie à laquelle la SELARL Laboratoire Philippe Valantin prévoit de renoncer ;
Attendu que dans ces conditions, le plan de continuation proposé par SELARL Laboratoire Philippe Valantin, n'est pas fiable et ne permet pas d'atteindre un équilibre financier satisfaisant ;
Attendu, par ailleurs, que Monsieur Philippe Valantin, directeur du laboratoire et dirigeant de la SELARL ne conteste pas avoir été placé sous contrôle judiciaire avec l'interdiction de gérer une société et ne prouve ni même ne prétend que cette interdiction ait été levée et ce, même s'il bénéficie de la présomption d'innocence ;
Attendu que s'il est vrai que les associés de la SELARL " X ", comme tout autre repreneur devront obtenir l'agrément du Conseil de l'Ordre et des services de la DASS et établir un dossier à cette fin il n'en demeure pas moins que le plan de continuation proposé par la SELARL Laboratoire Philippe Valantin ne pourrait être mis en œuvre que si le laboratoire pouvait fonctionner légalement grâce à la nomination d'un directeur ayant obtenu les agréments nécessaires et dont la SELARL Laboratoire Philippe Valantin devrait supporter la rémunération, ce qui n'est pas le cas de la SELARL " X " ;
Attendu que cette rémunération obérerait nécessairement au moins pendant une période dont il n'est pas possible de connaître la durée les résultats financiers de la société ;
Attendu que pour ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, tenus ici pour adoptés il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le plan de continuation présenté par la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et Monsieur Philippe Valantin ;
- Sur l'appel de la SELARL " X " :
. Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu qu'en vertu de l'article 62 dernier alinéa de la loi du 25 janvier 1985, les personnes qui exécuteront le plan de redressement, notamment par cession de l'entreprise, ne peuvent se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation ;
Attendu qu'aux termes de l'article 174 de la loi du 25 janvier 1985 le cessionnaire de l'entreprise ne peut relever appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose, en violation de l'article 62, des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan ;
Attendu en l'espèce qu'il ressort de l'offre de la SELARL " X " versée aux débats que cette offre porte sur tous les éléments transmissibles du laboratoire exploité à Frouard par la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et en particulier le droit de présentation à la clientèle, pour le prix de 4 millions de francs s'appliquant pour 3 millions aux éléments incorporels ;
Attendu que l'offre comporte au titre des obligations de la société cédante la clause suivante : " les dirigeants et associés actuels de la société cédante devront s'interdire es qualités à titre personnel, conformément notamment à l'article 1628 du Code civil et à la jurisprudence en pareille matière, d'exploiter un laboratoire d'analyses de biologie médicale ou de s'y intéresser directement ou indirectement, notamment comme associés ou salariés sauf le cas échéant en qualité d'associé ou de salarié de la société cessionnaire ou de toute société apparentée, et ce, pendant une durée de deux ans à compter du jour de l'entrée en jouissance, sur tout le territoire de la commune de Frouard et des communes limitrophes ;
Attendu que s'agissant d'une activité libérale d'analyses médicales une réinstallation immédiate, dès la réalisation de la cession du laboratoire, des dirigeants de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et notamment de Monsieur Philippe Valantin qui indique lui-même dans ses écritures être titulaire des diplômes nécessaires, dans la même commune ou les communes limitrophes aurait pour effet de vider de sa substance le laboratoire cédé ;
Attendu que dès lors le refus des premiers juges de retenir la clause de non-concurrence insérée dans l'offre de la SELARL " X ", au motif que l'insertion de cette clause de relevait pas de leur compétence, a eu pour effet d'imposer à la SELARL " X " des charges, à savoir supporter une concurrence immédiate et à proximité, néfaste à la poursuite de l'activité du laboratoire cédé, autres que les engagements qu'elle a souscrits lors de la préparation du plan ;
Attendu que l'appel de la SELARL " X " est par conséquent recevable ;
Au fond :
Attendu tout d'abord que la SELARL " X " en cours de constitution a une personnalité morale propre ;
Attendu que le fait que certains de ses associés soient associés minoritaires avec Monsieur Philippe Valantin, qui a une personnalité juridique distincte de celle de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, d'autres sociétés ayant elles-mêmes une personnalité propre, n'a pas pour effet de priver les associés de la SELARL " X " de leur qualité de tiers au sens de l'article 21 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu, quant à la nature du plan de cession, qu'il résulte des dispositions des articles 87, 89 et 90 de la loi du 25 janvier 1985 que celui-ci comporte pour le cessionnaire obligation de payer le prix et, en contrepartie transfert au cessionnaire des biens et droits acquis ;
Attendu que le transfert de droits de propriété moyennant paiement du prix sont les éléments constitutifs du contrat de vente ;
Attendu que le moyen tiré du fait qu'il s'agit d'une vente forcée n'est pas pertinent car la loi et notamment les dispositions régissant les saisies immobilières reconnaît le caractère de vente à la cession de biens sans l'accord de leur propriétaire, en l'espèce la société débitrice en redressement judiciaire ;
Attendu que l'obligation de transfert des droits de propriété sur les biens vendus pèse nécessairement sur le débiteur qui est titulaire de ces droits, en l'espèce la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, étant observé que l'administrateur ne peut transférer au cessionnaire des droits de propriété dont il n'est pas titulaire ;
Attendu que la SELARL Laboratoire Philippe Valantin a donc la qualité de venderesse à l'égard de la SELARL " X " cessionnaire ;
Attendu qu'à ce titre, elle est tenue des obligations du vendeur et notamment de l'obligation de garantie prévue et régie par l'article 1626 du code civil ;
Attendu certes que s'agissant d'un laboratoire d'analyses médicales, qui constitue une activité libérale la clientèle ne peut être cédée en tant que telle ;
Mais attendu que l'avantage pécuniaire procuré par la présentation de l'acquéreur à la clientèle constitue une valeur patrimoniale ;
Attendu qu'en l'espèce l'offre de la SELARL " X " porte sur le droit de présentation à la clientèle, qui fait partie des éléments incorporels auquel le prix offert s'applique à concurrence de 3 millions ;
Attendu que l'obligation de garantie d'éviction de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, en sa qualité de venderesse, porte donc sur la présentation de la SELARL " X " à la clientèle du laboratoire ;
Attendu qu'à ce titre la SELARL Laboratoire Philippe Valantin a l'obligation, en application de l'article 1626 du Code civil de s'abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du laboratoire ;
Attendu que la clause de non-concurrence que comporte l'offre de la SELARL " X " tend à l'exécution et au respect par la SELARL Laboratoire Philippe Valantin de son obligation légale de garantie d'éviction en permettant d'éviter une présentation purement fictive ou dénuée de toute valeur de la SELARL " X " à la clientèle du laboratoire du fait de la réinstallation immédiate et à proximité des dirigeants de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et en particulier de M. Philippe Valantin auxquels s'adresseraient les clients du laboratoire;
Attendu qu'à cet égard la qualité de débiteur de l'obligation de non-concurrence, modalité d'exécution de l'obligation légale de la garantie d'éviction du vendeur, s'étend aux dirigeants de la société au moment de la cession ;
Attendu que la clause de non-concurrence dont la SELARL " X " demande l'insertion au plan de cession conformément à son offre ne porte pas atteinte à la liberté d'installation et d'activité des dirigeants de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et en particulier de M. Philippe Valantin dans la mesure où elle est limitée dans le temps à deux années et dans l'espace aux territoires de la commune de Frouard et des communes limitrophes;
Attendu qu'elle est donc licite ;
Attendu que la clause de non-concurrence étant une modalité d'exécution de l'obligation de garantie d'éviction légale de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin peut être imposée aux dirigeants actuels de cette société;
Attendu que les premiers juges ont donc à tort exclu la clause de non-concurrence du plan de cession qu'ils arrêtaient ;
Attendu qu'il convient donc d'infirmer sur ce point le jugement entrepris ;
- Sur les contrats cédés :
Attendu qu'il est stipulé à l'offre de la SELARL " X " qu'elle n'acquiert pas les immobilisations financières et les droits au bail de tous établissements secondaires éventuels ;
Attendu que par jugement déféré le Tribunal a ordonné la cession de tous les contrats en cours nécessaires au maintien de l'activité y compris le contrat de bail de l'établissement sis à Frouard, 89 rue de l'Hôtel de Ville ;
Attendu qu'il suffira de préciser que les contrats cédés nécessaires à la poursuite de l'activité sont les contrats de travail à l'exception de ceux des trois directeurs actuels et le bail de l'établissement principal sis à Frouard, 89 rue de l'Hôtel de Ville ;
- Sur les dépens :
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner l'emploi de tous les dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire ;
Par ces motifs: La COUR, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Madame Lettieri et de Madame Albiser et contradictoirement à l'égard des autres parties, Ordonne la jonction des instances introduites par les déclarations d'appel respectives de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin et de la SELARL " X " en cours de constitution entre Madame Chef, Monsieur Germain, Monsieur Felden, Monsieur Baillet, Monsieur Teboul, Monsieur Herbeth portant les numéros 1641/95 et 1726/95, Dit que le jugement entrepris rendu le 22 mai 1995 par le Tribunal de grande instance de Nancy n'est pas nul, Déclare recevable l'appel de la SELARL " X ", Rejette l'appel de la SELARL Laboratoire Philippe Valantin, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions autres que celle relative à l'insertion de la clause de non-concurrence au plan de cession, Infirme le jugement entrepris de ce seul chef, Statuant à nouveau, Dit que le plan de cession comprendra la clause suivante : " les dirigeants et associés actuels de la société cédante devront s'interdire es qualités, à titre personnel, d'exploiter un laboratoire d'analyses de biologie médicale ou de s'y intéresser directement ou indirectement, notamment comme associés ou salariés sauf le cas échéant en qualité d'associé ou de salarié de la société cessionnaire ou de toute société apparentée et ce pendant une durée de deux années à compter de l'entrée en jouissance, sur tout le territoire de la commune de Frouard et des communes limitrophes ", Ajoutant au jugement déféré, Dit que les contrats en cours nécessaires au maintien de l'activité dont la cession est ordonnée sont les contrats de travail à l'exclusion de ceux des trois directeurs et le bail de l'établissement principal sis à Frouard, 89 rue de l'Hôtel de Ville, Ordonne l'emploi des entiers dépens d'appel en frais privilégiés de redressement judiciaire et autorise les avoués de la cause à faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.