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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 28 juin 1995, n° 95-000265

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sacnas (SA)

Défendeur :

La Mondiale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

SCP Valdelievre Garnier, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Menage, Baudelot

TGI Paris, 3e ch., 2e sect., du 4 nov. 1…

4 novembre 1994

LA COUR : - La société " La Mondiale " société d'assurance mutuelle sur la vie et de capitalisation à cotisations fixes, constituée par acte notarié du 15 décembre 1905 et régie par le Code des Assurances, a pour objet social toutes opérations d'assurance comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine.

Dans le cadre de cette activité fondée actuellement sur l'assurance, les opérations financières et humaines, elle a créé un groupe de 30 filiales qui ont également adopté pour dénomination sociale le vocable " La Mondiale " associé à des termes spécifiques de leur objet.

Elle est en outre titulaire de plusieurs marques déposées dans la classe 36 pour désigner notamment des services d'assurance.

Elle a enfin procédé à l'enregistrement de la publication trimestrielle qu'elle édite depuis 1988 sous le titre " Mondiale-Magazine ".

Le 19 mai 1993, cette société a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Paris les SA " Mondial Assistance France " et Sacnas et la SARL " Mondial Assistance Promotion " aux motifs que :

- la société " Mondial Assistance France " qui a pour objet des services d'assistance assimilés par décret au Code des Assurances avait :

- Par l'utilisation de la dénomination susvisée, commis une usurpation de sa propre dénomination sociale et une contrefaçon de ses marques et engagé ainsi sa responsabilité au sens de l'article 1382 du Code civil d'une part, des articles L. 713-1 et suivants et L. 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle d'autre part.

- Par la dépôt le 24 mai 1991 sous le n° 287.470 et l'utilisation de la marque " La lettre de l'Assistance Mondial Assistance " enregistrée sous le n° 1.667.275 dans les classes 16 et 36, commis une atteinte à sa dénomination sociale et une contrefaçon de ses marques, dans les termes des textes précités,

- Par l'édition de toute revue ou publication ayant pour titre la marque litigieuse, commis en raison du risque de confusion évident avec sa propre revue " Mondiale magazine " des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire.

- La Société Sacnas, membre du conseil d'administration de la société " Mondial Assistance France ", en déposant dans la classes 36 :

- Le 30 juin 1982, sous le n° 634.323, la marque " Mondial Assistance " avec logotype, enregistré sous le n° 1.211.409,

- Le 8 juin 1983, sous le n° 667.057, la marque " Mondial Assistance " enregistrée sous le n° 1.238.096,

- Le 20 mars 1989, sous le n° 118.375, la marque " Mondial Assistance (avec logotype) la téléassistance à domicile " enregistrée sous le n° 1 616-158,

Et en utilisant ces marques, portait atteinte à sa dénomination sociale et commettait des actes de contrefaçon de marques sanctionnés par les textes susvisés.

- La société " Mondiale Assistance Promotion ", par l'usage de cette dénomination sociale, commettait une usurpation de sa dénomination et portait atteinte aux droits qu'elle tenait de ses marques.

Outre les habituelles mesures d'interdiction et de publication, elle a sollicité :

- la condamnation solidaire de ces trois sociétés à lui verser la somme de trois millions de francs à titre de dommages et intérêts,

- la condamnation in solidum des défenderesses au paiement d'une somme de 50.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile,

- l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le 8 septembre 1994, la Société " La Mondiale " a conclu à l'adjudication de sa demande sur le seul fondement de l'atteinte à sa dénomination sociale " La Mondiale " et à sa publication " Mondiale-Magazine ".

Les 8 décembre 1993, 3 mars, 9 et 23 septembre 1994, les défenderesses ont invoqué le mal fondé des prétentions de la société " La Mondiale " et poursuivi sa condamnation au paiement d'une somme de 50.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Par jugement du 4 novembre 1994, le Tribunal relevant notamment que :

- " en raison d'une part de la ressemblance très forte entre les marques litigieuses et la dénomination sociale " La Mondiale ", d'autre part en raison de l'identité ou de la similitude des services couverts par ces marques et l'objet social des sociétés " Mondial Assistance France et Mondial Assistance Promotion ", la société " La Mondiale " était bien fondée en sa demande d'usurpation de dénomination sociale,

- la marque " La lettre de l'Assistance-Mondial Assistance " était en outre constitutive de concurrence déloyale et parasitaire vis-à-vis du magazine édité et exploité par la société " La Mondiale " sous le titre " Mondiale Magazine " le lecteur ayant tendance à la rattacher à celui-ci,

a :

- interdit aux défenderesses l'usage du terme " Mondial " sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée, passé le délai de dix mois à compter de la signification du jugement.

- dit que, dans le même délai, les défenderesses devraient justifier à la Société " La Mondiale " des diligences par elles effectuées auprès du Greffe du Tribunal de Commerce en vue de leur changement de dénomination sociale et ce, sous astreinte de 1.000 F par jour de retard pendant trois mois,

- ordonné l'exécution provisoire de ces chefs,

- condamné in solidum les défenderesses à payer à la société " La Mondiale " les sommes de 50.000 F à titre de dommages et intérêts et de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

Les sociétés Mondial Assistance France, Mondial Assistance Promotion et Sacnas ont interjeté appel de cette décision le 16 décembre 1994.

Par assignation du 30 décembre suivant, elles ont sollicité la suspension de l'exécution provisoire des chefs susvisés du jugement.

Une ordonnance du 27 janvier 1995 a :

- dit que l'affaire serait examinée selon la procédure à jour fixe en application de l'article 917 alinéa 2 du nouveau code de Procédure Civile, à l'audience du 30 mai 1995,

- suspendu l'exécution provisoire du jugement déféré jusqu'à décision de la Cour.

Préalablement à leur argumentation les appelantes exposent les faits suivants :

La Société d'Encouragement de l'Automobile Club de France ACF a créé en 1972 un service d'assistance aux automobiles sous la dénomination " Mondial Assistance qu'elle a déposée à titre de marque le 23 juillet 1973 sous le n° 156.464 et fait enregistrer sous le n° 878.790 dans les classes 36, 39 et 42 pour désigner notamment des services d'assurances et finances, des services d'assistance aux automobilistes et autres voyageurs tels que rapatriement et transport de ceux-ci en cas d'accident ou de maladie, remboursement des frais, rapatriement du véhicule, envoi de pièces détachées.

L'activité d'assistance ayant pris un développement considérable, elle a créé en association avec d'autres personnes morales, selon acte sous seing privé du 11 juillet 1974, une SA dénommée Sacnas dont l'objet était aux termes de l'article 3 des statuts toutes opérations d'aide et d'assistance, à l'occasion d'accident ou de maladie et d'une façon générale, d'incident quelconque survenant au cours de déplacements tant en France qu'à l'étranger.

L'article 7 de l'acte susvisé précisait que la Société d'encouragement de l'ACF faisait à la société ainsi constitué l'apport en nature évalué à 2.200.000 F de son service d'assistance automobile internationale, du titre " Mondial Assistance " et du fichier des abonnés.

Le 30 juin 1982, la Société Sacnas a déposé sous le n° 634.323 la marque " Mondial Assistance " assortie d'un logotype, laquelle a été enregistrée sous le n° 1.211.409 dans les classes 35, 36, 38 et 39 pour désigner les mêmes services que ceux concernés par le dépôt du 23 juillet 1973.

Ultérieurement, la société Sacnas est devenue la société holding de deux filiales :

- la SARL " Mondial Assistance Promotion ", créée le 30 septembre 1982, qui a pour objet l'organisation d'actions commerciales de promotion et de relations publiques destinées à promouvoir les ventes de contrats d'assistance,

- la SA " Mondial Assistance France ", constituée le 11 juillet 1989 à laquelle la Société Sacnas a transféré son portefeuille le contrats d'assistance ainsi que le droit d'inclure dans sa dénomination sociale le terme " Mondial Assistance " et d'exploiter la marque " Mondial Assistance " sur le territoire français.

Ces sociétés ont créé en 1984 une revue mensuelle successivement intitulée " La lette Mondial Assistance - Toute l'Assistance ", " La lettre Mondial Assistance " puis " La lettre de l'Assistance ".

Elles ont déposé à cette occasion la dénomination " La lettre de l'Assistance-Mondial Assistance " à titre de marque, le 24 mai 1991 sous le n° 287.470.

Cette marque a été enregistrée sous le n° 1.667.275 dans les classes 16, 36, 38, 41 et 42 pour désigner notamment : papier, cartons et produits en ces matières non compris dans d'autres classes, produits de l'imprimerie, assurance, banques, agences de presse et d'informations, communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques, édition de livres, revues.

Il convient de préciser que, n'exerçant aucune activité d'assurances, les trois sociétés dont s'agit ont fait procéder au retrait de leurs marques en ce qu'elles désignaient les assurances, les caisses de prévoyance et les services de souscription d'assurance, par déclarations numéros 182.169 et 182.358 des 23 et 24 février 1995.

Les appelantes déduisent de ces faits qu'elles utilisent la dénomination " Mondial Assistance "

- à titre de marques, depuis 1974,

- à titre de dénomination sociale, pour la Société " Mondial Assistance Promotion " depuis 1982 et pour la Société Mondial Assistance France depuis 1989,

- et que leur activité pour développer le service " Mondial Assistance " a fait de cette appellation une marque notoirement connue.

Elles font observer que la Société " La Mondiale " n'a pendant vingt ans, à aucun moment, contesté cet usage et allèguent que l'assignation délivrée le 19 mai 1993 trouve en réalité sa cause dans la seule volonté de cette société d'étendre son action aux opérations d'assistance et de s'approprier pour développer cette activité la notoriété qu'elles-mêmes ont donné à la marque " Mondial Assistance ".

Après avoir rappelé que la Société " La Mondiale " ne se prévaut plus que d'une atteinte à sa dénomination sociale, elles soutiennent que :

- il n'existerait aucun risque de confusion entre cette dénomination et la marque " Mondial Assistance " au sens de l'article L. 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle aux motifs que :

- Les parties en présence auraient des activités différentes,

- Le marque " Mondial Assistance " et la dénomination sociale " La Mondiale " seraient des vocables distincts,

- la société intimée est mal fondée en ses prétentions à l'encontre de la marque " La lettre de l'Assistance-Mondial Assistance ", puisque :

- " Mondial Assistance " n'étant pas une usurpation de la dénomination sociale " La Mondiale ", elle ne peut soutenir que le dépôt et l'usage de cette marque constituaient une atteinte à sa dénomination sociale,

- la lettre des appelantes (au demeurant publiée dès 1984) ne paraît pas sous le titre " La lettre du l'Assistance-Mondial Assistance " mais sous celui de " La lettre de l'Assistance " et ne peut constituer un acte de concurrence déloyale à l'encontre de la publication " Mondiale Magazine ".

Elles sollicitent en conséquence la réformation de la décision entreprise et l'attribution d'une somme de 100.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile.

La société " La Mondiale " expose quant à elle que, spécialiste incontestée de l'assurance de la personne, elle veut " répondre quant elle en décidera au besoin impératif de services d'assistance à la personne, complément naturel des services d'assurances constituant son activité première ", par la création d'une filiale " La Mondiale Assistance " ou sous une marque " Mondiale Assistance " et qu'elle se trouve atteinte dans la jouissance de l'exercice de son droit de propriété sur sa dénomination sociale, ancienne et notoire par l'appropriation préalable des appelantes.

Elle fait valoir " qu'en droit français, l'atteinte à la raison sociale est constituée par la reprise sous une forme identique ou imitante d'une dénomination sociale pour les mêmes activités ou des activités relevant du même secteur, lesquelles peuvent être assimilées par un public moyennement informé, à celles de la société dont c'est le nom premier dans le temps, ainsi que par l'utilisation à titre d'autres signes distinctifs tels les marques pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux relevant de l'exploitation de la société initialement créée ".

Elle soutient que le tribunal a retenu à bon droit l'existence d'un risque de confusion eu égard aux activités des parties, sur l'origine de leurs prestations respectives.

Elle ajoute que la marque " La lettre de l'Assistance-Mondial Assistance ", déposée le 24 mai 1991 par la Société " Mondial Assistance France " pour voir désigner notamment des publications et revues ainsi que des services d'assurance, porte non seulement atteinte à sa dénomination sociale mais est également constitutive de concurrence déloyale et parasitaire vis-à-vis du périodique édité et exploité par elle sous le titre " Mondiale Magazine ", le lecteur ayant tendance à rattacher le titre incriminé à celui-ci, lequel bénéficie de l'ancienneté.

Elle sollicite la confirmation du jugement déféré à l'exception des condamnations prononcées qu'elle estime devoir être portées à trois millions de francs pour les dommages et intérêts et 100.000 F pour les frais non taxables.

Sur ce,

Sur l'atteinte à la dénomination sociale

Considérant que l'adoption par une personne morale d'un nom qui l'individualise dans l'ensemble de son existence sociale et de ses activités lui confère sur celui-ci un véritable droit de propriété à la protection duquel elle peut prétendre, étant observé que la notion de tolérance propre au droit des marques ne peut recevoir application dans ce cas, aucun texte n'imposant de délai au titulaire de cette dénomination pour faire valoir ses droits sur celle-ci.

Que constitue l'usurpation d'une dénomination sociale sa reproduction ou son imitation à titre de signe distinctif dans des conditions préjudiciables à son titulaire.

Sur les dénominations en cause

Considérant que les appelantes soutiennent que :

- les différences entre une dénomination composée de l'article " la " et de l'adjectif " mondiale " et la marque " Mondial Assistance " dans laquelle on ne retrouve pas l'article qui, transformant inabituellement un adjectif en substantif, serait essentiel pour donner sa spécificité à la dénomination invoquée et dans laquelle le mot " Mondial " au masculin bien qu'accolé au terme féminin " assistance " a un tout autre sens que la dénomination " La Mondiale ", sont essentielles dans la mesure où elles sortent le vocable " mondial " de sa banalité et confèrent aux dénominations respectives des parties leur spécificité et leur caractère distinctif tant visuel que phonétique, particulièrement remarquable lorsqu'on examine leurs logotypes,

- si la dénomination " La Mondiale " appartient à la catégorie des dénominations complexes, on ne retrouve dans la marque " Mondial Assistance " que l'un des éléments de celle-ci, au demeurant au masculin et qu'il ne saurait y avoir " contrefaçon " à reproduire la partie banale d'une dénomination qui ne tire son caractère arbitraire et distinctif que de la combinaison de deux mots, tous deux d'une extrême banalité,

- l'adjectif " mondial ", dans la marque " Mondial Assistance " se fond dans un ensemble indivisible où il n'a pas lui-même, en tant qu'adjectif purement descriptif, aucun pouvoir distinctif,

- les dénominations en présence ont coexisté pendant plus de 20 ans, sans protestation ni réserve de la part de l'intimée.

Mais considérant quelorsqu'une dénomination est constituée de plusieurs mots, l'un deux, isolé de l'ensemble peut être protégé, à la condition qu'il soit distinctif en lui-même et qu'ainsi séparé, il soit capable d'exercer la fonction distinctive revendiquée.

Qu'il ne saurait être contesté que dans la dénomination sociale de l'intimée, le terme " Mondiale " revêt eu égard à l'activité de celle-ci un caractère essentiel et arbitraire distinctif et nouveau qui suffit à la distinguer aux yeux du public.

Or considérant que ce terme est reproduit dans les dénominations et marques des appelantes.

Qu'il y assure également la fonction distinctive, les autres termes étant, comme l'a relevé le Tribunal, de nature descriptive.

Quel'indéniable ressemblance visuelle et phonétique entre les dénominations en présence, qui résulte de l'usage de ce mot n'est pas entamée par le genre, l'orthographe de ce terme ou l'adjonction de logotypes, qualifiés avec pertinence par les premiers juges de différences minimes.

Sur l'usage

Considérant que si l'usurpation est réalisée par l'emploi d'une dénomination à titre de signe distinctif, il n'est pas contesté que, dans la présente espèce, les termes litigieux sont utilisés à titre de dénomination sociale ou de marque.

Sur l'opposabilité de la dénomination sociale invoquée

Considérant que la dénomination sociale dont la fonction est d'identifier la personne morale qui la porte dans l'ensemble de la vie économique et sociale, est protégée dans la mesure où la dénomination postérieure porte atteinte à son identité dans l'esprit du public par un risque de confusion.

Considérant que, le 23 juillet 1973, date à laquelle a été déposée pour la première fois la dénomination incriminée, celle-ci visait notamment les services d'assurance et finances et les services d'assistance aux automobilistes et autres voyageurs.

Que les sociétés appelantes ont été constituées pour effectuer toutes opérations d'aide et d'assistance à l'occasion d'accident ou de maladie et d'une façon générale d'incident quelconque survenant au cours de déplacements tant en France qu'à l'étranger.

Qu'il n'est pas contesté que les seules activités qu'aient exercées les appelantes concernaient l'assistance.

Or considérant qu'à la date susvisée, la Société " La Mondiale " exerçait quant à elle une activité conforme à ses statuts du 16 décembre 1905, à savoir des opérations d'assurance.

Que les appelantes font observer à juste titre que les activités d'assurance et d'assistance sont différentes, l'assistance consistant en une prestation de service (transport de personne ou dépannage de véhicule) fournie à un abonné sans considération de son coût par rapport aux cotisations versées alors que l'assurance s'analyse en une opération financière caractérisée par le versement à l'assuré en cas de réalisation du risque couvert d'une somme d'argent, proportionnelle au montant des primes acquittées.

Qu'au surplus, l'intimée peut d'autant moins soutenir le contraire qu'elle-même s'est adressée le 18 décembre 1992 au directeur général de " Mondial Assistance " en ces termes :

" .. Compte tenu des relations professionnelles que nous entretenons avec certains de vos actionnaires, nous sommes prêts à envisager une solution de compromis sur la base d'une protection limitée des marques pour chacune de nos sociétés, conformément à son domaine propre.

Votre société devrait, en conséquence, s'engager à procéder à la radiation partielle de ses dépôts de marques pour les services d'assurance...

... L'utilisation de vos marques " Mondial Assistance ", limitée à des services d'assistance qui pourrait vous être consentie serait subordonnée au payement d'une redevance, ainsi que d'une indemnité pour les actes passés, d'autre part ".

Qu'enfin, l'intimée reconnaît expressément dans ses écritures de première instance du 28 janvier 1994 (p. 6) qu'à la date du premier dépôt de la dénomination litigieuse à laquelle doit s'apprécier le risque de confusion, " l'activité de la Société d'Encouragement de l'Automobile Club de France puis de la Société Sacnas était distincte de celle de la société La Mondiale de sorte que la condition du risque de confusion imposée par l'article 4 alinéa A de la loi de 1964 n'était pas remplie ".

Qu'au demeurant, la confusion intervenue ultérieurement qu'invoque l'intimée résulte du fait que celle-ci, devant le succès des entreprises des appelantes a décidé de s'engager également dans l'activité d'assistanceainsi qu'elle le reconnaît notamment dans une lettre adressée le 3 mars 1993 à Jean Paul Le Guern responsable de l'Association Mondiale de Prévoyance où elle attribue la confusion faite entre les dénominations en présence par ses collaborateurs et ses sociétaires au fait qu' " ils croient voir là le développement d'un service spécifique mis en place par notre groupe, conformément au projet que nous avions annoncé lors de notre Congrès de Dakar en octobre dernier ".

Qu'il en résulte qu'en choisissant délibérément en 1973 d'exercer sous la dénomination " Mondial Assistance " une activité nouvelle dans un domaine étranger aux activités de l'intimée, les appelantes ne créaient pas dans l'esprit du public une confusion sur l'identité de chaque société et ne porteraient par atteinte aux droits de " La Mondiale " sur sa dénomination.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant que la Société " La Mondiale " allègue que la marque " La lettre de l'Assistance-Mondial Assistance " déposée le 24 mai 1991 par la Société " Mondial Assistance France " pour désigner notamment des publications et revues est constitutive de concurrence déloyale et parasitaire vis-à-vis du magazine édité et exploité par elle sous le titre " Mondiale Magazine ", au motif que le lecteur aurait tendance à rattacher le titre incriminé à celui-ci, lequel bénéficierait de l'ancienneté.

Mais considérant qu'il convient de rappeler ainsi qu'il a été précisé plus haut que la dénomination " Mondial Assistance " ne constitue pas l'usurpation de la dénomination " La Mondiale ".

Que, d'autre part, si la société " La Mondiale " édite une revue " Mondiale Magazine " depuis 1988, les appelantes publient quant à elles leur périodique depuis 1984.

Qu'on ne saurait en conséquence retenir à l'encontre de la Société " Mondiale Assistance France " le grief d'avoir tenté de susciter une confusiondans l'esprit des lecteurs entre sa revue et celle que n'éditera que très postérieurement l'intimée.

Que le jugement entrepris sera donc réformé.

Sur les frais non taxables

Considérant que la société " La Mondiale " qui succombe, sera déboutée de ce chef

Qu'il est en revanche équitable d'allouer aux appelantes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile une somme de 50.000 F.

Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Déboute la société " La Mondiale " de ses demandes, La condamne à payer aux Sociétés Sacnas, " Mondial Assistance France " et " Mondial Assistance Promotion " une somme de cinquante mille francs (50.000 F) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de Procédure Civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la Société " La Mondiale " aux dépens de première instance et d'appel, Admet la SCP Valdelievre Garnier, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de Procédure Civile.