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Décisions

Cass. com., 27 juin 1995, n° 93-18.601

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Lindt et Sprungli (SA)

Défendeur :

Chocolaterie Cantalou-Cémoi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Raynaud

Avocats :

Mes Choucroy, Vincent.

TGI Perpignan, 1re ch., 1re sect., du 2 …

2 avril 1992

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 15 juin 1993), que la société Lindt et Sprungli (société Lindt) est titulaire des droits de propriété artistique sur un conditionnement de chocolat caractérisé par le dessin stylisé représentant l'avenue des Champs-élysées et a effectué, le 19 mars 1991, le dépôt, enregistré sous le numéro 1653358, de ce dessin à titre de marque pour désigner, notamment, le chocolat et les produits de chocolaterie ; qu'elle a assigné pour contrefaçon du dessin, imitation illicite de la marque et concurrence déloyale, la société Chocolaterie Cantalou-Cémoi (société Cantalou) à la suite de la publication, par cette société, du catalogue de la collection de chocolaterie pour Noël 1992 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Lindt fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande fondée sur la contrefaçon artistique et sur l'imitation illicite de marque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la contrefaçon d'un dessin original, comme l'imitation illicite d'une marque figurative de ce dessin, doivent être recherchées en fonction des ressemblances d'ensemble existantes avec le dessin incriminé, et non à partir de leurs seules différences ; et que l'arrêt ne s'est pas expliqué sur les carences du premier juge à évoquer des ressemblances d'ensemble expressément rappelées aux conclusions d'appel, à savoir : une identité de stylisation calligraphique au moyen de petits traits dorés ; le même fond de décor à couleur monochrome, vive et intense, inhabituelle pour la présentation de chocolats ; la même position centrale de l'Arc de Triomphe ; le même départ vers le bas de lignes droites en éventail symbolisant une avenue ; la même disposition de bâtiments suggérés de chaque côté de l'Arc de Triomphe ; le même effet de perspective globale, analogue à une prise de photographie " grand angle " ; et que les juges, qui auraient dû, pour le moins, s'expliquer sur ce sujet, ont donc entaché leur décision d'un défaut de base légale, tant au regard des articles 1, 3 et 70 et suivants de la loi modifiée du 11 mars 1957 (devenus les articles L. 111-1, L. 112-2 et L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle), qu'au regard des articles 4, 7, 8 et 28-2 de la loi modifiée du 31 décembre 1964 (intégrés dans les articles L. 713-1 et L. 716-11 du même Code) ; et alors, d'autre part, qu'en ce qui concerne l'imitation illicite de marque, l'arrêt n'a pu valablement dénier tout risque de confusion, car cette dénégation repose sur l'absence de prise en compte des ressemblances d'ensemble précitées, et ce d'autant que, comme le précisaient les conclusions, le risque de confusion devait être également apprécié compte tenu de la notoriété du conditionnement protégé par sa marque ; que l'arrêt est donc également vicié pour défaut de base légale au regard des articles 4, 7, 8 et 28-2° de la loi du 31 décembre 1964 (articles L. 713-1 et L. 716-11 du Code de la propriété intellectuelle) ;

Mais attendu que l'arrêt, qui, par motifs propres et adoptés, relève que le graphisme du dessin, sur lequel la société Lindt revendique la protection des lois de 1957 et 1964, est entièrement axé sur la représentation de l'avenue des Champs-élysées et de l'Arc de Triomphe, tandis que celui utilisé par la société Cémoi est axé sur l'univers parisien symbolisé, les grandes places de Paris et, au premier plan, la Tour Eiffel et " mademoiselle de Paris ", cette dernière en étant l'élément dominant, a donc vainement recherché s'il existait des ressemblances entre les deux dessins pour en déduire qu'il n'existait aucun risque de confusion entre eux pour un consommateur d'attention moyenne et a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche : - Vu l'article 1382 du Code civil : - Attendu que, pour rejeter la demande de la société Lindt fondée sur la concurrence déloyale, la cour d'appel retient " qu'il n'existait aucun risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne entre les deux marques" ;

Attendu qu'en se déterminant sans répondre aux conclusions de la société Lindt, qui invoquaient, outre un risque de confusion, le comportement parasitaire de la société Cémoi, résultant à la fois de la notoriété, auprès de la clientèle, du conditionnement de la société Lindt et de la volonté manifestée par la société Cémoi de se placer dans son sillage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'action de la société Lindt fondée sur la concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 15 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.