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Décisions

Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-17.414

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Netto Décor (SARL)

Défendeur :

Ouest Service Nettoyage (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Me Foussard.

T. com. Vire, du 16 juill. 1991

16 juillet 1991

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Caen, 15 avril 1993) que la société Ouest service nettoyage (OSN), dont le siège social est à Mesnil Hubert-sur-Orne (61) et qui a pour objet social les activités d'entretien et de nettoyage, a employé M. Auvray de 1974 au 25 novembre 1989 comme responsable des rapports avec la clientèle, de la prise d'ordres des travaux ainsi que de la gestion administrative et de la coordination ; que son contrat de travail comprenait une clause de non-concurrence par laquelle M. Auvray s'engageait à n'exercer aucune activité similaire à celle qu'il exerçait dans la société OSN pendant une période de deux ans à compter de son départ et dans un rayon de 200 kilomètres, soit en s'installant à son compte, soit chez un autre employeur ; qu'après avoir licencié M. Auvray, la société OSN ayant appris que ce dernier travaillait depuis le 25 juin 1990 à la société Netto service sise à St-Lô (14), filiale de la société Netto décor sise à Vire (14), entreprises qui exerçaient les mêmes activités que les siennes, les a assignées en dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen, pris ses quatre branches : - Attendu que les sociétés Netto décor et Netto service font grief à l'arrêt de les avoir condamnées, alors, selon le pourvoi, d'une part, que faute d'avoir constaté que M. Auvray avait été engagé par la société Netto décor, condition nécessaire à une concurrence déloyale, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que sauf circonstance particulière, les obligations souscrites par une société donnée ne s'étendent pas aux sociétés dépendant du même groupe et que l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de l'article 1382 du Code civil, ainsi que du principe de l'autonomie juridique des sociétés dépendant d'un groupe ; alors, en outre, que la constatation de l'arrêt sur laquelle M. Auvray aurait travaillé pour le compte des entreprises en cause n'est pas de nature à donner une base légale à l'arrêt attaqué, au regard de l'article 1382 du Code civil en tant qu'il a condamné la société Netto décor ; qu'en effet, l'arrêt ne permet pas de savoir si la société Netto décor a effectivement engagé M. Auvray ou si, au contraire, la formule utilisée ne fait que rendre compte de la transparence devant exister entre les sociétés à raison de leur appartenance à un même groupe ; et alors, enfin, que dès lors qu'une décision prononce à tort une condamnation solidaire, la cassation est totale et qu'au cas d'espèce elle devra s'étendre tant à la société Netto décor qu'à la société Netto service ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté que la société Netto service avait employé M. Auvray en qualité d'agent commercial et d'unique salarié depuis le 25 juin 1990, la société ayant le même objet social que celui de la société OSN ; qu'elle a également relevé que la société Netto service était la filiale de la société Netto décor et que cette dernière avait cédé en 1991 à la société Netto service "la clientèle nettoyage et entretien", M. Auvray travaillant tant à St-Lô qu'à Vire où se trouvent les sièges sociaux des deux sociétés, lesquelles avaient de nombreuses relations d'affaires entre elles, la société Netto service apparaissant "comme une société écran de la société Netto décor pour l'embauche de M. Auvray" ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui a caractérisé les fautes commises par chacune des deux sociétés pour faire échec à la clause de non-concurrence souscrite par M. Auvray et, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant concernant le fait que les sociétés Netto décor et Netto service formaient "un groupe d'entreprises" a, en les condamnant solidairement, légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen : - Attendu que les sociétés Netto service et Netto décor font grief à l'arrêt de les avoir condamnées solidairement alors, selon le pourvoi, que faute d'avoir précisé s'il réparait un préjudice matériel, né du détournement de clientèle, ou un préjudice simplement moral, né de ce que les sociétés Netto décor et Netto service connaissaient la marche interne de la société OSN, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure de déterminer si la cour d'appel devait ou non s'expliquer sur l'absence de perte de clientèle invoquée par les sociétés Netto décor et Netto service ; d'où il suit que l'arrêt est privé de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé que les sociétés Netto service et Netto décor n'ignoraient pas les conséquences indemnitaires qu'entraînait la violation de la clause de non-concurrence souscrite par M. Auvray, a constaté que celui-ci, en exerçant une activité dans la même branche et dans le secteur déterminé, avait apporté aux deux entreprises la connaissance d'un marché qu'il avait pu acquérir "en fonction des moyens, des éventuelles faiblesses et des projets de la société OSN" ; que la cour d'appel a ainsi retenu l'existence du préjudice subi par la société OSN et a déterminé son importance en justifiant légalement sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.