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Décisions

Cass. com., 4 avril 1995, n° 93-18.025

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

L'Onglerie (SARL)

Défendeur :

Henry

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Me Hemery, SCP Hubert, Bruno Le Griel.

T. com. Bordeaux, du 25 juin 1987

25 juin 1987

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 mai 1993), rendu après arrêt de cassation du 23 mars 1989, que le 14 mai 1985, la société L'Onglerie et Mme Henry ont signé un contrat de franchise par lequel d'un côté la société (le franchiseur) a mis au service du franchisé un savoir-faire dans le domaine de la prothèse ongulaire et l'a autorisé à faire usage de sa dénomination sociale et de son enseigne pour l'exploitation de son fonds de commerce à Montpellier, et d'un autre côté Mme Henry (la franchisée) s'engageait à s'approvisionner auprès de son franchiseur ; que le contrat prévoyait qu'en cas de résiliation anticipée par le fait du franchisé, il lui était fait interdiction absolue pendant la durée du contrat restant à courir et dans le secteur géographique stipulé dans ce dernier de s'affilier, d'adhérer ou de participer directement ou indirectement à une organisation comparable à celle de l'Onglerie, de représenter ou de se lier à tout groupement, organisme ou association ou société concurrent du franchiseur ; que le contrat prévoyait également dans son article 10 que " pendant tout le temps du contrat et trois ans après sa cessation la franchisée s'engageait expressément à ne pas exploiter dans le domaine d'activité de fabrication et de pose d'ongles en acrylique, d'autres fonds de commerce que celui faisant l'objet de celui-ci et de ne pas participer directement ou indirectement à l'exploitation dans le même domaine d'autres fonds que celui faisant l'objet du contrat " ; que des difficultés ayant surgi entre Mme Henry, qui reprochait à son franchiseur de lui fournir des résines de mauvaise qualité, et la société L'Onglerie, qui faisait grief à sa franchisée de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs, la première a assigné la seconde pour que soit prononcée la nullité du contrat tandis que de son côté la société L'Onglerie a assigné la franchisée pour voir prononcer la résiliation du contrat ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société L'Onglerie fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que Mme Henry n'avait pas méconnu les dispositions des articles 8 et 10 du contrat en poursuivant dans son fonds de commerce une activité de prothèse ongulaire, et d'avoir rejeté sa demande tendant à faire interdire à Mme Henry d'exercer une activité de même nature que la sienne alors, selon le pourvoi, qu'en décidant que l'interdiction faite à Mme Henry de " s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à une organisation comparable à celle de L'Onglerie et aussi de représenter ou de se lier à tout groupement, organisme, association ou société concurrent " d'elle-même n'interdisait pas à Mme Henry d'exercer elle-même, dans son propre fonds de commerce, une activité de même nature que la sienne, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et 8 du contrat de franchise ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'article 8 b 1 du contrat de franchise liant les parties prévoyait qu'en cas de résiliation anticipée, il était interdit à la franchisée, pour la durée du contrat restant à courir de s'affilier, d'adhérer, de participer directement ou indirectement à une organisation comparable à celle de la société L'Onglerie et aussi de représenter ou de se lier à tout groupement, organisme, association ou société concurrent du franchiseur, l'arrêt relève qu'il n'était pas certain que les dispositions de l'article 10 dudit contrat relatif à la période de trois années postérieure à sa cessation puissent s'appliquer au cas de cessation du contrat à une autre date que son terme normal ; qu'ainsi la cour d'appel a pu décider que ces clauses n'interdisaient pas à Mme Henry d'exploiter son fonds de commerce pour y exercer une activité qui n'y était pas visée et qu'à supposer que les dispositions de l'article 10 puissent être appliquées au cas de résiliation du contrat avant son terme il était seulement interdit à Mme Henry de se livrer dans son fonds de commerce à une activité concurrente de celle de la société L'Onglerie en adhérant à une organisation concurrente; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société L'Onglerie de faire interdire à Mme Henry d'exploiter son commerce à Montpellier, et décider qu'elle n'avait pas méconnu les dispositions des articles 8 et 10 du contrat de franchise en poursuivant dans ce fonds une activité de prothèse ongulaire à l'enseigne l'Institut des Mains et en créant, postérieurement à la rupture de ses relations avec la société L'Onglerie, une organisation dite de franchise Créanail, la cour d'appel retient, d'un côté, qu' " en ce qui concerne l'exercice par Mme Henry d'une activité de prothèse ongulaire à Montpellier et à Nîmes, il ne peut être considéré qu'il ait été prohibé par le contrat dès lors qu'il a eu lieu sous une enseigne autre que l'Onglerie " et, d'un autre côté, qu'en ce qui concerne la création par Mme Henry d'une franchise concurrente de celle de l'Onglerie, dont les points de départ ont été les instituts exploités directement ou indirectement par Mme Henry à Montpellier et à Nîmes, il n'apparaît pas qu'elle puisse être considérée comme contraire aux dispositions de l'article 8 du contrat dans la mesure où la commune intention des parties a été d'empêcher la franchisée de se lier à une organisation déjà existante et disposant ainsi d'un potentiel commercial et d'une notoriété de nature à nuire immédiatement aux intérêts de la franchise L'Onglerie ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que le contrat prévoyait à la charge de la franchisée, dans son article 8, " l'interdiction absolue de participer directement ou indirectement à une organisation comparable à celle de l'Onglerie ", la cour d'appel a méconnu la loi du contrat;

Par ces motifs : casse et annule mais seulement en ce qu'il a décidé que Mme Henry n'avait pas méconnu les dispositions des articles 8 et 10 du contrat de franchisage en créant postérieurement à la rupture de ses relations avec la société L'Onglerie une organisation dite de franchise Crénail, l'arrêt rendu le 19 mai 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.