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Décisions

Cass. com., 21 mars 1995, n° 93-17.366

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Leclerc, Dias de Lomba

Défendeur :

Pompes Funèbres (SA), Marbrerie Roger Marin, Fédération Nationale des Pompes Funèbres, Chavinier (ès qual.), Leclerc

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Mes Foussard, Luc-Thaler, Le Prado, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.

T. com. Paris, 1re ch., sect. B, du 9 ju…

9 juillet 1992

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 3 mai 1993) que M. Manuel Dias de Lomba, qui exploite à Paris un fonds de commerce sous l'enseigne Pompes Funèbres Européennes-Pompes Funèbres de Belleville, a engagé M Michel Leclerc en qualité de directeur à temps partiel, le contrat de travail précisant que le nom du gérant et du directeur devrait figurer sur l'enseigne ainsi que sur le papier à en-tête de l'entreprise ; que la société Pompes Funèbres et Marbrerie Roger Marin (société Roger Marin) et la Fédération Nationale des Pompes funèbres ont assigné devant le tribunal de commerce M. Dias de Lomba, M. Michel Leclerc, ainsi que M. Chavinier, es-qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Michel Leclerc, pour qu'il leur soit interdit d'utiliser, sous quelque forme que ce soit, le nom de Leclerc précédé ou non du prénom Michel ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :- Attendu que M. Dias de Lomba et M. Michel Leclerc font grief à l'arrêt de leur avoir interdit de faire apparaître le nom de Michel Leclerc sur la vitrine du magasin situé à Paris, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en cas de confusion due à l'utilisation d'un nom patronymique, seuls les homonymes qui sont seuls en mesure d'invoquer un intérêt légitime juridiquement protégé, peuvent agir en réparation ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 31 et 873 du Code de procédure civile, 1382 du Code civil, 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 85 et 86 du traité de Rome ; alors, d'autre part, que les transferts de clientèle imputables à la confusion due à l'utilisation d'un nom patronymique ne sont susceptibles d'affecter, en tout état de cause, que l'activité des homonymes ou des titulaires du signe distinctif ; qu'en omettant de rechercher en quoi la société Roger Marin et la Fédération Nationale des Pompes Funèbres pouvaient souffrir de l'utilisation par M. Dias De Lomba du patronyme Leclerc, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 873 du Code de procédure civile, 1382 du Code civil, 7 et 8 l'ordonnance du 1er décembre 1986, 85 et 86 du traité de Rome ; et alors enfin, qu'une concurrence déloyale n'est caractérisée, à raison de l'utilisation d'un patronyme ou d'un signe distinctif, que si une confusion est créée avec les activités d'un homonyme exerçant dans le même secteur d'activité ; qu'en omettant de rechercher si l'activité de M. Dias de Lomba recoupait l'activité de M. Edouard Leclerc, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 873 du Code de procédure civile, 1382 du Code civil, 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 85 et 86 du traité de Rome ;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Roger Marin avait qualité pour agir à l'encontre de cette entreprise, l'objet du litige concernant le trouble illicite qui lui était propre par suite de l'utilisation par sa concurrente d'une publicité fallacieuse susceptible de laisser croire que celle-ci appartenait au réseau de distribution des centres Leclerc ;

Attendu, en second lieu, qu'il découlait nécessairement des actes déloyaux constatés par la cour d'appel, l'existence d'un préjudice pour la société Roger Marin résultant des procédés fautifs utilisés par la société concurrente ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :- Attendu que M. Manuel Diaz de Lomba et M. Michel Leclerc font grief à l'arrêt de leur avoir interdit d'utiliser le nom de Michel Leclerc sur la vitrine du magasin situé 1, rue de la Porte de Saint-Ouen à Paris XVIIème, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le recours à la publicité qui est une manifestation de liberté d'expression, est garanti par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce droit, qui doit être égal pour tous en application de l'article 14, comporte celui d'user de son nom comme élément publicitaire ; que si les Etats peuvent l'assortir de formalités, de conditions ou de restrictions, ce droit ne peut faire l'objet d'une interdiction ; que l'entreprise à laquelle le titulaire d'un nom patronymique a conféré le droit d'utiliser son nom patronymique dispose des mêmes droits que ce dernier, qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé les articles 10 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et alors, d'autre part, qu'à supposer même qu'une interdiction soit légalement possible au regard des articles 10 et 14, de toute façon, elle n'aurait pu être opposée que sur la base de règles de droit interne suffisamment précises et accessibles ; que l'interdiction retenue ici ne résultant d'aucune règle répondant à ces caractères, l'arrêt attaqué ne peut échapper à la censure pour violation des articles 10 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que,s'il est vrai que l'utilisation de ses nom et prénom à des fins publicitaires est ouverte à tous commerçants, faut-il encore que ce droit s'exerce de façon loyale, sans entraîner dans l'esprit des clients une confusion avec d'autres entreprises ; qu'ayant constaté que M. Dias de Lomba utilisait le nom de Michel Leclerc à des fins publicitaires en lui donnant " une place prépondérante dans la composition de l'enseigne " commerciale et, ayant relevé que cette publicité était faite pour laisser croire que cette entreprise faisait partie des " grandes surfaces Leclerc " exploitées par M. Edouard Leclerc et attirer ainsi la clientèle, la Cour d'appel, qui a énoncé de façon précise la règle de droit au soutien de son arrêt, sans porter atteinte à la liberté d'expression de tout individu, ni rompre l'égalité devant exister pour chacun à l'occasion de l'exercice de ce droit, n'a pas violé les textes susvisés, que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur les demandes présentées par la société Roger Marin et la Fédération Nationale des Pompes Funèbres et par M. Leclerc au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Roger Marin et la Fédération et M. Leclerc sollicitent sur le fondement de ce texte, une certaine somme ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ces demandes ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.