CA Paris, 5e ch. B, 16 mars 1995, n° 94-3176
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
NRJ (SA)
Défendeur :
Energie Intérim (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
MM. Bouche, Lefevre
Avoués :
Mes Blin, Moreau
Avocats :
Mes Chemla, Combeau.
La société NRJ constituée en janvier 1975 et immatriculée au registre du commerce le 13 juillet 1976 exerce l'activité de transports routiers, de location de véhicules avec ou sans chauffeur et de services annexes s'y rattachant.
S'estimant à compter de 1990 victime d'une concurrence déloyale de la part d'une société Energie-Intérim, immatriculée depuis Mai 1986 au registre du commerce, du fait de la confusion avec sa dénomination sociale et avec ses activités dans le secteur des transports, la société NRJ l'a assignée le 8 février 1992 devant le Tribunal de Grande Instance de Paris qui s'est déclaré incompétent le 16 novembre suivant au profit de la juridiction consulaire.
Par jugement contradictoire du 4 novembre 1993 le Tribunal de Commerce de Paris a relevé que les activités des deux sociétés ne sont pas identiques puisque, dans le domaine des transports, la société Energie-Intérim limite son activité à la mise à disposition de personnel intérimaire de conduite de véhicules et qu'il n'y a pas de ressemblance intellectuelle entre les dénominations des deux entreprises. C'est pourquoi, en l'absence par ailleurs de preuve d'un préjudice quelconque, le Tribunal a débouté la société NRJ de ses demandes d'interdiction d'usage par la défenderesse du nom qu'elle porte et de dommages-intérêts et l'a condamnée à payer à la société Energie-Intérim 20 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société NRJ soutient que la société Energie-Intérim a une activité similaire à sa propre activité et que le risque de confusion entre les dénominations sociales existe.
A la critique faite par l'intimée de ces deux moyens, l'appelante les reprend de manière circonstanciée dans de nouvelles écritures du 9 février 1995. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société Energie-Intérim sous astreinte quotidienne et définitive de 10 000 F à modifier son nom en supprimant le terme " Energie ", et à lui payer 200 000 F de dommages-intérêts et 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société Energie-Intérim conclut au contraire à la confirmation du jugement et demande 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 30 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle souligne l'absence de concurrence entre les activités de deux entreprises et de confusion entre les dénominations sociales.
Motifs de la Cour
Considérant que la société NRJ qui ne prétend pas avoir jusqu'à présent été victime d'actes préjudiciables de concurrence déloyale de la part de la société Energie-Intérim, reste cependant recevable, en dehors de tout préjudice commercial, à défendre sa dénomination sociale protégée par l'antériorité de son inscription dix ans avant celle de l'intimée au Registre du Commerce de Paris qu'il lui appartient toutefois de prouver le risque de confusion entre les deux sociétés qu'elle pressent du fait de l'homonymie phonique de leurs dénominations ;
Considérant qu'au rapprochement phonique indéniable mais insuffisant à lui seul de leurs dénominations, la société NRJ entend ajouter plusieurs autres éléments qui viennent renforcer le risque de confusion entre les sociétés ;
Qu'elle observe ainsi que, même si leurs sièges sociaux se situent dans deux départements différents, la proximité des entreprises reste telle que leur zone d'activité est en réalité la même, Paris et de la région parisienne ;
Qu'elle ajoute de même que sans être semblable leur objet social se situe dans le même domaine des activités de transportet que la société NRJ a une activité de transporteur routier et y ajoute la location de véhicules en tous genres avec ou sans chauffeur tandis que la société Energie-Intérim loue du personnel intérimaire pour les diverses phases du transport conduite, exploitation, encadrement, quai et manutention, entretien ; que biens plus l'appelante prétend que leurs activités interfèrent du fait de leur participation à certains salons de professionnels du transport ;
Considérant toutefois que la société Energie-Intérim fonctionne sur un mode spécifique qui la différencie largement de la société NRJ ; qu'en effet, ne disposant que de personnels à l'exclusion de tout parc roulant, elle est soumise aux stricts devoirs des entreprises de location de travailleurs temporaires régis par les articles L 14 -1 et suivants du Code du Travail et associe systématiquement à son nom " Energie " celui d' " intérim " ; que la suppression du second terme de sa dénomination dans le développement de certains articles ou documents publicitaires tels que " l'équipe Energie " ou le " collaborateur Energie " ne saurait en soi créer la confusion avec la société NRJ, alors que toutes les en tête des documents et annonces présentent l'association des mots " Energie" et "Intérim " dans une typographie spécifique et invariable ;
Que de même la présence des deux sociétés sur le même marché ne saurait en soi être interprétée comme un risque blâmable de confusion; qu'elles sont en situation normale de concurrence quand la clientèle, désirant organiser un transport, peut choisir entre le service d'une location de véhicule avec chauffeur offert par la société NRJ et le service de location du seul chauffeur offert par la société Energie-Intérim;
Que même si est réelle la possibilité d'une confusion phonique entre les deux dénominations, la simple consultation de l'un quelconque des documents utilisés par chacune des deux entreprises est de nature à dissiper toute erreur;
Considérant qu'en choisissant pour dénomination une synthèse fantaisiste mais médiatique d'un nom commun Energie, la société NRJ ne saurait s'arroger le privilège d'en conserver pour elle seule l'usage sous toutes les orthographes et tous les emplois envisageables ; qu'elle n'apporte pas la preuve d'autres sources de confusion dans l'esprit du public qu'un rapprochement phonique, insuffisant à lui seul, des dénominations sociales;
Que le jugement doit donc être confirmé ;
Considérant que la société Energie-Intérim ne démontre pas un préjudice spécifique engendré par l'appel de la société NRJ dont le recours ne revêt pas un caractère excessif ;
Qu'en revanche il serait inéquitable que l'intimée conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour assurer devant la Cour la défense de ses intérêts ;
Par ces motifs, Confirme le jugement du 4 novembre 1993 en toutes ses dispositions, Condamne la société NRJ à verser à la société Energie-Intérim une somme de 25 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société NRJ aux dépens d'appel, Admet Maître Blin, avoué, au bénéfice du recouvrement direct contre la société NRJ dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.