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Décisions

Cass. com., 7 février 1995, n° 92-21.816

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Boutique Manela (Sté)

Défendeur :

Pronuptia

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

Mes Choucroy, Capron.

T. com. Paris, du 28 sept. 1989

28 septembre 1989

LA COUR : - Donne acte du désistement de la société Manela et de la Boutique Manela (société Manela) à l'égard de toutes les parties à l'exception de la société Pronuptia et de M. Gourdain, es qualités ; - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 1992), que la société Pronuptia, spécialisée dans le commerce du prêt à porter relatif au mariage, a mis en place un réseau de franchise sur l'ensemble du territoire ; qu'en 1982, des difficultés commerciales sont apparues ; que des franchisés se sont regroupés dans une amicale des concessionnaires Pronuptia ; que le 9 décembre 1985, la société Pronuptia a été mise en règlement judiciaire, M. Gourdain étant désigné en qualité de syndic ; que le 18 décembre 1985, certains franchisés ont fait délivrer au franchiseur une sommation interpellative en réclamant des prestations qui n'auraient pas été exécutées ; que le 24 décembre 1985, le syndic et le président du conseil d'administration de la société Pronuptia ont notifié à chacun des franchisés la rupture des relations contractuelles ; que certains franchisés ont continué à utiliser la marque Pronuptia, malgré l'injonction qui leur avait été faite d'en cesser l'usage à compter du 15 janvier 1986 ; que la société Pronuptia, assistée par M. Gourdain, les a assignés en paiement de dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Manela fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable le contrat conclu entre elle et la société Pronuptia, alors, selon le pourvoi, que dès lors que le contrat emportait l'obligation d'achat des marchandises aux tarifs de la société Pronuptia, le prix n'était pas librement débattu et accepté par l'acquéreur, nonobstant l'absence d'exclusivité d'approvisionnement ; qu'en en décidant autrement, l'arrêt a violé l'article 1129 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le franchisé avait la possibilité de choisir directement ses fournisseurs et de traiter librement avec eux, que les quantités de produits acquis dépendaient de la seule volonté du franchisé et qu'il résulte d'une attestation que les prix étaient librement fixés par le franchisé pour les produits acquis par lui auprès des fournisseurs agréés ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a estimé qu'il était établi que les prix des ventes successives étaient librement débattus, a pu décider que la convention litigieuse était licite ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Manela fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts alors, selon le pourvoi, qu'en se bornant à faire état de sommations qui rappelaient au cocontractant, à la veille du dépôt de bilan et peu après, les obligations découlant pour lui du contrat et son intention de suspendre, à défaut d'exécution de celui-ci, ses propres prestations sans constater qu'elle aurait effectivement enfreint une quelconque obligation résultant du contrat, l'arrêt a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1147 du Code civil et 38 de la loi du 13 Juillet 1967 ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Manela a, en compagnie d'autres franchisés, adressé une sommation interpellative au franchiseur pour lui signifier l'intention commune des franchisés de suspendre le paiement de la redevance qui constituait leur principale obligation contractuelle sans qu'il puisse être reproché au franchiseur aucun manquement grave en dehors de troubles mineurs, ne constituant pas des obligations essentielles, nés de l'ouverture de la procédure collective; qu'à partir de ces constatations et appréciations, c'est en donnant une base légale à sa décision que la cour d'appel a retenu que le syndic n'avait fait qu'utiliser la faculté que lui donnait l'article 38 de la loi du 13 juillet 1967 de ne pas poursuivre l'exécution du contrat avec la société Manela qui avait manifesté sa volonté, sans que cette attitude soit justifiée, de ne plus assurer ses obligations ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Manela fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement de dommages et intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part que l'arrêt ne pouvait déclarer fautif le maintien plusieurs mois après la rupture du contrat sur les boutiques et les articles vendus, de signes distinctifs Pronuptia sans vérifier si ce délai n'était pas nécessaire à l'écoulement des marchandises Pronuptia après la brusque rupture du contrat ; qu'il a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait lui imputer à faute le maintien de son nom sous la rubrique Pronuptia dans l'annuaire électronique du minitel sans relever aucune circonstance démontrant que ce maintien avait été son fait et non celui de l'administration ayant le soin du minitel ; qu'ainsi, l'arrêt a encore entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; alors, encore, que l'arrêt ne pouvait déclarer fautive la dénomination " espace mariée " comme constituant la copie servile de " espace blanc " sans vérifier si cette dénomination présentait une originalité quelconque ; que la cour d'appel a encore violé l'article 1382 du Code civil ; alors, enfin, que l'arrêt, qui constate qu'elle avait le droit de poursuivre dans les mêmes locaux la vente de produits similaires, ne pouvait tenir cette vente pour fautive sans violer l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la société Manela a, après la rupture du contrat, continué à utiliser, pendant plusieurs mois, sur ses boutiques et sur les articles vendus par elle les signes distinctifs appartenant à l'ancien franchiseur et a laissé subsister, jusqu'à la fin de 1987, sur l'annuaire électronique la mention Pronuptia associée à son nom commercial; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches prétendument omises a pu décider que la société Manela avait cherché à entretenir une confusion dans l'esprit de la clientèle en vue de son détournement;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que la société Pronuptia avait créé à Lille dans un des magasins de la société Manela le concept de vente nouveau dénommé " Espace Blanc " repris par celle-ci sous la dénomination " Espace Mariée " ; qu'à partir de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si la dénomination utilisée par la société Pronuptia était originale, a souverainement retenu que l'expression " Espace Mariée " constituait la copie servile de " Espace Blanc ";

Attendu, enfin, que l'arrêt, qui avait relevé l'utilisation sans droit des signes distinctifs appartenant à son ancien franchiseur par la société Manela et l'imitation fautive du concept de vente mis au point par ce dernier ainsi que la poursuite de la vente dans des locaux agencés selon les normes définies par la société Pronuptia, a pu décider que, même en l'absence de clause de non concurrence, la commercialisation dans ces conditions, par la société Manela, de produits similaires à ceux commercialisés par son ancien franchiseur, démontrait que cette société avait cherché à entretenir dans l'esprit de la clientèle une confusion certaine en vue de son détournement; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Pronuptia demande l'allocation d'une somme de quinze mille francs par application de ce texte ;

Attendu qu'il y a lieu d'accueillir partiellement cette demande ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.