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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 24 janvier 1995, n° 93-007447

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Europe 2 (SNC)

Défendeur :

NRJ (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

Mes Nut, Fanet

Avocats :

Mes Klein, Pecnard.

T. com. Paris, 12e ch., du 9 févr. 1993

9 février 1993

Statuant sur l'appel interjeté par la société Europe 2 du jugement rendu le 9 février 1993 par le Tribunal de Commerce de Paris (12e chambre, n° 92-049604) dans un litige l'opposant à la société NRJ.

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

Estimant que les annonces publicitaires diffusées par Europe 2 les 29 avril et 2 mai (en réalité 4 mai) 1992 dans le quotidien le Figaro constituaient tant des publicités trompeuses qu'un procédé déloyal, NRJ l'a assignée devant le Tribunal de Commerce de Paris.

Outre des mesures d'interdiction et de publication, NRJ réclamait le paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce avec exécution provisoire.

En défense Europe 2 évoquait une procédure introduite devant le Tribunal de Grande Instance de Paris et le principe " non bis in idem " subsidiairement concluait à ce qu'il soit jugé que les faits incriminés n'étaient pas constitutifs de publicité trompeuse.

Le Tribunal par le jugement entrepris après avoir retenu qu'Europe 2 avait voulu faire amalgame entre " Première FM Adulte " et " Adultes contemporains " afin de laisser croire qu'elle était la chaîne de radio la plus écoutée pour les adultes l'a condamné à payer à NRJ la somme de 30.000 F pour publicité abusive à titre de dommages et intérêts outre 10.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Europe 2 a interjeté appel le 19 mars 1993.

Elle demande à la Cour de débouter NRJ de l'intégralité de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 20.000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

NRJ poursuit la confirmation du jugement et réclame une somme complémentaire de 20.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'Europe 2 fait valoir qu'elle est bien une radio de format adulte alors que NRJ est une radio de format jeune et que les mentions contenues dans la publicité ne peuvent être qualifiées de trompeuses dans la mesure où elles sont exactes et constituent la reproduction fidèle de l'enquête Médiamétrie.

Qu'elle ajoute que Médiamétrie n'étant pas une autorité administrative ayant pouvoir de régulation ou de contrôle, on ne peut reprocher à Europe 2 d'avoir employé l'expression " première FM Adulte " slogan reposant sur des critères rationnels et objectifs, mais n'ayant qu'une valeur attractive et s'adressant à des professionnels avertis de la communication.

Qu'elle soutient par ailleurs que le mot " adulte " étant employé au singulier, n'a pas valeur de substantif mais doit s'entendre comme synonyme de maturité.

Qu'enfin elle prétend que NRJ ne justifie d'aucun préjudice.

Considérant que dans les deux publicités incriminées Europe 2 utilise le slogan " Europe 2, Première FM Adulte ".

Que ces annonces reproduisent chacune un tableau de chiffres présentés comme émanant de Médiamétrie, correspondant à des mesures d'audience de " radios musicales " et faisant apparaître en tête des pourcentages d'audience la radio Europe 2.

Que la première indique " qu'Europe 2 est la première radio musicale à Paris " et mentionne que les chiffres concernent Paris mais sans citer la période de référence.

Que la deuxième annonce précise quant à elle que la période de référence des mesures correspond aux mois de janvier à mars 1992 et présente des chiffres pour la période " CSP + " tout en indiquant que " Europe 2 est la première radio musicale sur les CSP + ".

Que les deux annonces sont surmontées de la mention " Adulte contemporain ".

Considérant qu'il résulte des extraits de presse mis aux débats (Décisions Médias - Dossier Spécial Radio - CB News - Show Magazine) que les radios se classent en trois grandes catégories : les généralistes, les musicaux nationaux et les thématiques nationaux.

Que si NRJ et Europe 2 appartiennent toutes deux à la catégorie des musicaux nationaux, la première se classe dans la sous catégorie des radios musicales format jeunes adultes ou " Contemporary Hit Radio ", la deuxième se classe dans la sous catégorie " Adult Contemporary " laquelle a pour cible les 25-40 ans.

Que la première regroupe NRJ, Fun Radio, Skyrock et M 40 et la deuxième Europe 2, RFM Nostalgie et Chérie FM.

Que les mêmes articles rédigés en français font référence au terme " Adulte Contemporain " ce qui démontre qu'il s'agit d'un terme également employé en France par les professionnels de la radio et de la communication.

Qu'une telle radio diffuse essentiellement " des succès anciens 20-25 ans, hits actuels, goldie ".

Considérant qu'il ne peut donc être reproché à Europe 2 de se qualifier de " FM Adulte " ou d'employer le terme " Adulte contemporain ".

Mais considérant qu'en faisant un amalgame entre la notion de " Première FM Adulte " et les résultats du sondage médiamétrie, en les associant Europe 2 a cherché à tromper le public des annonceurs et a usé de procédés déloyaux à l'égard de NRJ.

Considérant en effet qu'il résulte des documents Médiamétrie que cet organisme ne fait pas distinction entre les catégories " Adult Contemporary " et " Contemporary hit radio " mais se réfère exclusivement au format " programmes musicaux nationaux ".

Que même si Médiamétrie n'est pas une autorité administrative, Europe 2 ne pouvait dès lors qu'elle se référerait aux résultats de l'enquête médiamétrie, affirmer d'une manière générale être la première FM Adulte terminologie non employée par Médiamétrie.

Qu'elle se devait de respecter les seules références choisies par Médiamétrie.

Que par ailleurs si l'enquête qui vise l'audience des 25-49 ans révèle que pour la période de janvier-mars 1992 Europe 2 était la première à Paris avec 7,6 % d'audience et non 8,4 % comme mentionné dans la publicité du 29 avril 1992, en revanche il apparaît qu'en audience cumulée et en audience en quart d'heure, NRJ arrive pour la même période en tête devant Europe 2 comme le relèvent au demeurant les journaux Dossier Spécial Radio n° 788 du 11 mai 1992, Show Magazine, le Figaro (24 avril 1992) et Libération (28 avril 1992).

Que NRJ fait donc à juste titre valoir que la généralité du slogan " Première FM Adulte " était en contradiction avec les chiffres globaux de mesures d'audience.

Que dans la " guerre ouverte " que se livrent les deux stations dans la recherche d'annonceurs publicitaires, lesquels constituent leur principale source de revenus, de telles annonces sont en elles-mêmes préjudiciables à NRJ.

Que Europe 2 n'ayant fait paraître qu'un nombre très limité d'annonces, les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par NRJ à la somme de 30.000 F à titre de dommages et intérêts.

Que le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions.

Considérant que Europe 2 qui succombe sera déboutée de sa demande du chef de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Considérant que NRJ ayant dû engager de nouveaux frais hors dépens devant la Cour, il convient de lui allouer de ce chef une somme supplémentaire de 15.000 F.

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Europe 2 à payer à la société NRJ une somme supplémentaire de 15.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La condamne aux dépens d'appel, Admet la SCP Fanet, avoué au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.