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Décisions

Cass. com., 24 janvier 1995, n° 93-11.835

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Siréa France (SARL)

Défendeur :

Cachou Lajaunie (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Me Thomas-Raquin.

TGI Toulouse, du 22 avr. 1991

22 avril 1991

LA COUR : - Statuant sur les pourvois principal et incident : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 décembre 1992), que la société Cachou Lajaunie est titulaire de la marque Cachou Lajaunie, déposée le 11 février 1987, enregistrée sous le numéro 1504836, pour désigner dans la classe 30 les articles de confiserie Cachou ; que les sociétés Sirea France et Sirea Italie (société Sirea) commercialisent en France des produits de confiserie, vendus en boite ronde, sous l'appellation Cachou ; que la société Cachou Lajaunie a assigné la société Sirea pour contrefaçon et concurrence déloyale ;

Sur le moyen unique pris en ses deux branches, du pourvoi principal : - Attendu que la société Sirea fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle avait commis des actes d'imitation illicite de marque alors, selon le pourvoi, d'une part, que si chaque élément d'une marque complexe peut être protégé isolément, c'est à la condition qu'il présente en lui-même un caractère distinctif ; que tel n'est pas le cas d'un signe ou d'une dénomination qui, dans le langage courant, constitue la désignation générique du produit ; que dès lors en l'espèce, en décidant qu'il y avait imitation de marque parce qu'elle utilisait le terme Cachou, qui créait un risque de confusion, ce terme de Cachou étant automatiquement associé au nom de Lajaunie, la cour d'appel qui a ainsi admis que le terme Cachou, désignation générique du produit et donc dans le domaine public, avait un caractère distinctif et devait être protégé, a méconnu les articles l, 3 et 28 de la loi du 31 décembre 1964, applicable aux faits de l'espèce ; alors, d'autre part, que lorsqu'un élément d'une marque complexe est repris par un tiers, il n'y a pas imitation de la marque d'autrui, si l'élément reproduit ou imité a perdu son individualité et son pouvoir distinctif pour se fondre dans un ensemble ; que dès lors en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait pas décider que l'utilisation du terme générique de Cachou, et de la forme banale du cercle, sans mention d'un terme ressemblant au nom de Lajaunie constituait une imitation de la marque, sans rechercher si les éléments prétendument imités n'avaient pas perdu leur individualité et leur éventuel caractère distinctif en se fondant dans un ensemble ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 et 28 de la loi du 31 décembre 1964 applicable aux faits de l'espèce ;

Mais attendu, que l'arrêt relève que la marque protégée est constituée de deux cercles distinctsdans lesquels figurent, pour l'un, le mot Cachou, surmontant le nom de Lajaunie, enserré dans un cercle festonné noir, le second diverses mentions relatives à la composition du produit et ses propriétés, le tout délimité par l'inscription en cercle de " Cachou créé en 1880 par Lajaunie pharmacien "; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit que l'utilisation du terme générique Cachou ne pouvait pas faire perdre à la marque protégée son caractère distinctif dès lors qu'il était intimement associé à la forme ronde de la boite et au nom patronymique du fabricant; qu'ainsi la cour d'appel, après avoir procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement décidé que l'utilisation du terme Cachou, associé à ses autres éléments, ne faisait pas perdre à la marque protégée son caractère distinctif; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :- Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Cachou Lajaunie fondée sur la concurrence déloyale l'arrêt retient que la société Cachou Lajaunie ne revendique pas la couleur jaune au titre de la protection de la marque et énonce que " pour solliciter la reconnaissance d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société Cachou Lajaunie invoque les mêmes faits que ceux sur lesquels se fonde sa demande en imitation illicite " ;- Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée dans les conclusions de la société Cachou Lajaunie, si l'utilisation, par la société Sirea, de la couleur jaune choisie par la société Cachou Lajaunie en raison même du nom patronymique, n'accentuait pas la confusion dans l'esprit du public sur l'origine des produits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Cachou Lajaunie fondée sur la concurrence déloyale, l'arrêt rendu le 14 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.