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Décisions

Cass. com., 17 janvier 1995, n° 92-20.706

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Frainay

Défendeur :

Volvo France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Clavery

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, Me Luc-Thaler.

T. com. Paris, 6e ch., du 26 mars 1990

26 mars 1990

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juillet 1992), que, suivant acte du 1er janvier 1986, la société Volvo France (société Volvo) a conclu un contrat de concession avec M. Frainay, exploitant le Garage des sports ; que l'article 6 de la convention précisait les conditions de sa résiliation ; que par lettre datée du 17 mars 1988 la société Volvo se référant au non-paiement de divers effets de commerce a fait connaître à M. Frainay que leurs relations contractuelles s'achèveraient à l'issue du préavis de 3 mois soit le 17 juin 1988 ; que par lettre du 20 juin 1988 la société Volvo a fait connaître à son concessionnaire que compte tenu de son dernier solde débiteur et en l'absence de régularisation de sa situation au 17 juin 1988, elle cessait toutes relations contractuelles et lui demandait de déposer toute identification faisant référence à la marque Volvo ; que la société Volvo a assigné M. Frainay pour qu'il lui soit enjoint de déposer tous panneaux et enseignes de la marque Volvo et que toute référence à celle-ci sur documents commerciaux leur soit interdite ; que M. Frainay a sollicité reconventionnellement le paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat ;

Sur le premier moyen : - Attendu que M. Frainay fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que la résiliation du contrat le liant à la société Volvo avait été effectuée régulièrement par cette société, alors, selon le pourvoi, qu'en statuant ainsi, bien que l'article 6 du contrat de concession stipulât qu'en cas d'inexécution par l'une ou l'autre partie de ses obligations découlant du présent contrat, du plan opérationnel contractuel ou des avenants ou annexes en l'une quelconque de ses clauses, le contrat pourra être résilié 3 mois après la date d'expédition d'une mise en demeure faite par lettre recommandée avec accusé de réception, et ce, sous réserve de tous autres droits sauf si, dans un délai de 3 mois de l'envoi de la mise en demeure, le concessionnaire apportait la preuve qu'il avait régularisé sa situation et qu'il n'était plus en infraction avec les clauses contractuelles, tandis que l'arrêt relève que cette obligation, condition de la mise en œuvre de la résiliation, n'avait pas été observée par la société Volvo qui a annoncé à M. Frainay la résiliation de son contrat de concession sans aucune mise en demeure préalable, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. Frainay ne contestait pas qu'à la date du 17 mars 1988 son compte à l'égard de la société était largement débiteur et que certains effets émis par lui étaient demeurés impayés, la cour d'appel a retenu, dans la recherche de la commune intention des parties, qu'en dépit de la formulation de la lettre du 17 mars 1988, M. Frainay ne pouvait se méprendre sur l'intention de la société Volvo qui était de ne considérer la résiliation acquise qu'à défaut de régularisation ; qu'elle retient encore qu'en visant l'article 6 du contrat, la société se référait nécessairement à la faculté de régulariser, ouverte à son concessionnaire ; qu'elle relève, enfin, que, dans une lettre du 13 juin 1988, M. Frainay s'était prévalu de la régularisation de sa situation dans les délais prescrits, que les correspondances échangées par la société n'avaient considéré la résiliation acquise que parce que M. Frainay n'avait pas, à la date du 17 juin 1989, apuré son compte ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi du contrat ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Frainay fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que la clause résolutoire ne peut produire ses effets que si le créancier agit de bonne foi ; que l'article 6 du contrat excluait toute résiliation si, dans le délai de trois mois de la mise en demeure, le concessionnaire rapportait la preuve de la régularisation, c'est à dire l'apurement de son compte au plus tard le 17 juin 1988 ; que les comptes litigieux ont constamment varié, la société Volvo ayant présenté à plusieurs reprises des chiffres différents, M. Frainay se trouvant ainsi mal placé pour savoir exactement de quelles sommes il était encore débiteur ; que des pièces détachées avaient été reprises par la société Volvo qui a cependant attendu, pour en retourner une partie correspondant à une somme de 112 448 F, le 21 juin 1988, soit postérieurement à la date de régularisation, mettant ainsi M. Frainay devant une situation de résiliation de fait de son contrat ; qu'enfin, M. Frainay avait fait valoir dans ses écritures d'appel que lié à la société Volvo par un contrat de concession depuis plus de dix ans, il avait été amené, à la demande de son concédant, à réaliser de très nombreux investissements et notamment à installer une agence à Evreux qui a entraîné des dépenses et des pertes importantes, et que par ailleurs, la société Volvo lui imposait de payer non seulement comptant les voitures qui lui étaient livrées, mais également d'avance, ce qui l'exposait inévitablement à des difficultés de trésorerie ; que pourtant, pour un compte débiteur de 36 136,45 francs, le concédant n'hésitera pas à résilier un contrat de concession vieux de plus de dix ans, après avoir lui-même été à l'origine des difficultés de son concessionnaire ; d'où il suit qu'en constatant la résiliation du contrat de concession au 17 juin 1988, sans vérifier ni rechercher si, compte tenu des circonstances de fait de l'espèce, la clause résolutoire avait été invoquée de bonne foi par la société Volvo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéa 3 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la pratique de la société Volvo de fixer par lettres successives le solde débiteur de son concessionnaire à des sommes différentes, n'avait rien d'anormal puisqu'elle était due " aux relations des parties, aux commandes faites, aux garanties et retours des pièces, aux dates d'échéance des traites ", que le solde débiteur admis par le concessionnaire dans sa lettre du 13 juin 1988 était très proche de celui retenu par la société dans sa lettre du 20 juin 1988 ; qu'elle a retenu aussi qu'à la date du 13 juin 1988 M. Frainay avait été informé que la société ne prendrait pas en compte au titre de la reprise des pièces, la somme de 112 448 F et qu'il ne peut donc prétendre avoir appris la décision sur ce point que plusieurs jours après le délai de régularisation ; qu'elle retient, enfin, que le concessionnaire n'a pas produit aux débats de documents, justifiant que son compte aurait dû être crédité au titre de la garantie d'au moins 60 130 F ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations desquelles il ressortait que le concessionnaire n'avait pas régularisé dans le délai contractuel son compte débiteur et que la société était en droit d'invoquer la clause résolutoire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que M. Frainay fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Volvo la somme de 80 000 F pour concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, qu'à défaut de reprise des stocks par le concédant, l'écoulement de ceux-ci par le distributeur doit être possible dans des conditions en permettant une revente rapide et réelle conformément au principe de bonne foi et de loyauté qui gouvernent l'exécution des contrats ; que l'exposition de voitures neuves dans le magasin par l'ancien concessionnaire, auquel on ne pouvait imposer de conserver par devers lui ces voitures, ne pouvait constituer un acte de concurrence déloyale ; d'où il suit qu'en statuant ainsi qu'elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1134, alinéa 3 du même Code ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le 24 janvier 1989 soit plus de 3 mois après la cessation des relations contractuelles, subsistait encore le panonceau Volvo, et que deux factures avaient été établies les 20 juin et 6 décembre 1989, pour des travaux de fournitures effectués par le garage des sports, en tant que concessionnaire de la marque Volvo ; que par ces seules constatations elle a légalement justifié sa décision; que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.