CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 11 janvier 1995, n° 3269-94
POITIERS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Océane Automobiles (SARL)
Défendeur :
Automobiles des garages Sorin (SA), Guenant Automobiles (SA), La Roche Automobiles (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lerner
Conseillers :
MM. Daniau, Taillebot
Avoués :
SCP Gallet, SCP Musereau-Drouineau-Rosaz
Avocats :
Mes Milchior, Doury.
I- Exposé sommaire du litige en procédure d'appel :
1 - Le Tribunal de Commerce de La Roche-sur-Yon, par jugement rendu le 28 juin 1994 et dont la teneur sera ici réputée connue, a notamment :
- dit que la société L'océane Automobiles s'est rendue coupable d'infraction au règlement 123-85 du 12 décembre 1984 et à la communication CEE du 4 décembre 1991 parue au Journal Officiel des Communautés Européennes du 18 décembre 1991, et en conséquence a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil pour faits de concurrence déloyale à l'égard des concessionnaires exclusifs Citroën, Peugeot et Renault de La Roche-sur-Yon ;
- Interdit à la société L'Océane Automobiles de vendre des véhicules neufs et immatriculés depuis moins de trois mois ou ayant parcouru moins de 3 000 kilomètres à tout particulier utilisateur final, si elle ne justifie pas réunir quatre conditions précisées au dispositif dudit jugement ;
- Interdit à la société L'Océane Automobiles de posséder tout stock de véhicules neufs ou immatriculés depuis moins de trois mois ou ayant parcouru moins de 3 000 kilomètres ;
- Interdit à la société L'Océane Automobiles de faire toute publicité portant sur de tels véhicules sans se conformer strictement à l'ensemble des dispositions communautaires régissant la publicité des mandataires ;
- Dit que l'ensemble de ces interdictions est prononcé sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée ;
- Condamné la société L'Océane Automobiles à payer le préjudice subi par les demanderesses, soit la somme de 42 000 F à la société Guenant Automobiles, celle de 46 000 F à la société Automobiles des Garages Sorin et celle de 62 000 F à la société Roche Automobiles, outre celle de 5 000 F à chacune de ces trois sociétés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
2 - La société à Responsabilité Limitée L'Océane Automobiles a le 16 septembre 1994 interjeté appel de cette décision et par ordonnance du 27 septembre 1994 été autorisée à assigner les intimées pour le 14 novembre 1994.
Elle soutient ce qui suit :
- La société La Roche Automobiles a versé aux débats son contrat de concession, fondement de l'action en justice, la liant avec la marque Renault, contrat, d'une part, signé le 7 janvier 1991 par une société immatriculée au R.C.S. seulement le 23 septembre 1992, d'autre part, enrichi d'un avenant signé pour l'année 1993 par une société différente (Grand Garage Moderne), de sorte qu'a été déposée au pénal avec constitution de partie civile une plainte pour faux, usage de faux et escroquerie au jugement qui aurait dû amener le tribunal de commerce à surseoir à statuer en application de l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale ;
- Pour calculer le préjudice le tribunal de commerce s'est fondé sur les coefficients de pénétration de chaque concessionnaire sur le marché toutes marques sans soumettre ces données relevés d'office, du reste nationales et non locales, à la discussion des parties ;
- Monsieur Temple Lang, en charge des problèmes de distribution automobiles au sein de la Commission des Communautés Européennes est d'avis que " au plan des principes, il va sans dire que si un revendeur indépendant parvient à se procurer licitement des véhicules neufs au sein d'un réseau, ni le règlement 123-85, ni la jurisprudence de la Cour de Justice ne justifient que le constructeur ou son importateur dans un état membre s'oppose à ce que ce revendeur les revende dans cet état membre au seul motif qu'il n'est pas un revendeur agréé ou qu'il n'est pas mandataire " ;
- En l'espèce elle verse aux débats les pièces prouvant qu'elle a acquis licitement les véhicules ;
- Il aurait appartenu aux concessionnaires à qui elle s'est adressée directement ou indirectement de refuser de lui vendre si leur contrat de concession le leur permettait, le constructeur devant assurer l'étanchéité des réseaux de distribution et respecter lui-même l'exclusivité qu'il impose à ses revendeurs ;
- Il appartient aux concessionnaires de faire la preuve de la licéité du réseau de distribution qu'ils invoquent ;
- Le règlement 123-85 n'est pas valide car les différences de prix des voitures entre les différents membres ne devaient pas dépasser 12 % et atteignent en fait 40 %, si bien que le tribunal de commerce aurait dû interroger la CJCE en vertu de l'article 177 du Traité CEE ;
- Les contrats de concession Renault, Peugeot et Citroën ne sont pas valides, car ils n'ont pas été notifiés à la Commission et sont constitutifs d'un accord a priori interdit par l'article 85 ;
- En toute hypothèse, ayant une activité de revendeur non interdite, elle n'a commis aucune faute ;
- Elle n'a pu faire bénéficier ses clients de primes comme la " prime Balladur " et les concessionnaires, comme le garage Sorin, refusant de plus en plus souvent d'exécuter la garantie constructeur sur des véhicules réimportés, les préjudices allégués ne sont pas prouvés ;
- Le tribunal a méconnu la notion de véhicule neuf, les véhicules en cause étant presque toujours d'occasion ;
- A supposer que soient admis la faute et le préjudice (les résultats commerciaux des intimées ont en réalité progressé en 1993), il resterait à établir le lien de causalité entre ces deux éléments ;
- S'il était fait droit aux demandes des concessionnaires il devrait être interdit à ceux-ci de vendre des véhicules neufs d'autres marques que celle permise par leur concession, ces ventes lui causant préjudice ;
- Le Président du Tribunal de Commerce de La Roche-sur-Yon, ayant des intérêts dans une concession automobile, vient d'être récusé dans une affaire identique et a manqué d'impartialité, de sorte que le jugement attaqué devra être annulé.
En définitive elle demande :
- l'annulation du jugement attaqué ;
- Subsidiairement l'infirmation du jugement attaqué ;
- Qu'il soit fait droit à ses demandes reconventionnelles ;
- La condamnation des sociétés La Roche Automobiles, Guenant et Automobiles, Garage Sorin à lui payer chacun 100 000 F à titre de dommages-intérêts ;
- Qu'il soit dit que les contrats de concession des intimés ne sont pas valides au regard du règlement 123-85 et en conséquence l'annulation desdits contrats sur le fondement de l'article 85 du Traité sur l'UE ;
- Subsidiairement, l'interrogation de la CJCE et de la Commission de Bruxelles sur la validité actuelle du règlement CEE 123-85 ;
- 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
3 - La SA société Automobile des Garages Sorin, La SA Guenant Automobiles et la SA La Roche Automobiles soutiennent ce qui suit :
- Conformément au règlement n° 123-85 explicité par des communications du Journal Officiel des CE des 18 janvier 1985 et 18 décembre 1991 les clauses d'exclusivité et de non-concurrence des accords de concession sont non seulement valides, mais encore opposables aux négociants automobiles non membres d'un réseau de distribution d'un constructeur, puisqu'en application de la législation européenne qui s'impose à la loi interne, seul un utilisateur final peut se procurer une voiture neuve en dehors du réseau officiel, après avoir donné mandat écrit, à un intermédiaire mandataire, de lui rechercher une voiture ;
- La SARL L'Océane Automobile, bien que n'appartenant à aucun réseau de distribution d'un constructeur automobiles, met en vente des voitures neuves de diverses marques et fait paraître depuis début 1993 de multiples publicités dans des journaux d'annonces ;
- Des contrats d'huissiers établissent la mise en vente de véhicules neufs ;
- La garantie mentionnée était de 12 mois sans préciser que la garantie constructeur pouvait être refusée ;
- Il appartient à l'appelante de prouver qu'elle a réellement porté plainte avec constitution de partie civile (versement d'une consignation) et en toute hypothèse, alors que le sursis à statuer n'est plus sollicité, la plainte est sans fondement, car Monsieur Coquillard étant à la fois le PDG de la SA Grand Garage Moderne et de la SA La Roche Automobiles exploitant la première de ces deux sociétés, c'est par inadvertance que le cachet " Grand Garage Moderne " a été apposé sur l'avenant du contrat intéressant La Roche Automobiles ;
- L'appelante met bien à la légère en cause l'impartialité du Président du Tribunal de Commerce qui n'a fait qu'appliquer la jurisprudence de la Cour ;
- Les contrats de concession exclusive des concessionnaires automobiles sont des contrats-types qui sont établis en application de la législation française et du droit communautaire et ils ont été portés à la connaissance de la Commission des CE qui n'a émis aucune réaction négative ;
- Le règlement 123-85 a été pris dans un souci de sécurité et d'information du consommateur, la combinaison du service de vente et d'après vente devant être considérée comme plus économique que leur dissociation et il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle ;
- La SARL L'Océane Automobile a capté leur clientèle, les privant de ventes et les a obligés à consentir des remises mettant en péril leur concession, tout en reconnaissant ne pas respecter les règles du mandat, de sorte que sa condamnation ne fait aucun doute.
En définitive elles demandent :
- La confirmation du jugement attaqué ;
- 100 00 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire et 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
II - Motifs :
Les sociétés Anonymes société Automobile des Garages Sorin, Guenant Automobiles et La Roche Automobiles produisent régulièrement leur contrat de concession exclusive sur des secteurs déterminés dans la région de La Roche-sur-Yon, respectivement des constructeurs Peugeot, Citroën et Renault, en date des 13 décembre 1990, 8 février 1992 et 7 janvier 1991 avec avenant du 23 février 1993.
Ce dernier contrat a fait l'objet d'une " plainte avec constitution de partie civile pour faux et usage de faux et escroquerie au jugement " déposée par la société L'Océane Automobiles critiquant les documents des 7 janvier 1991 et 23 février 1993 qui faisaient état de la société la Roche Automobiles en tant que concessionnaire et signataire dès le 7 janvier 1991, alors que cette société n'a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 23 décembre 1992. L'appelante reproche aux premiers juges de n'avoir pas sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale définitive sur sa plainte en application de l'article 4 du Code de la Procédure Pénale et en procédure d'appel, ne demande plus ce sursis à statuer, mais l'annulation du jugement pour ne pas lui avoir accordé en première instance. Cependant elle ne justifiait pas et ne justifie toujours pas de la régularisation de sa plainte avec constitution de partie civile (ordonnance du juge d'instruction fixant la consignation, dépôt de ladite consignation ...) de sorte qu'il ne peut pas être considéré que l'action publique a été mise en mouvement au sens de l'article 4 du code de procédure pénale et que ce moyen, tendant à paralyser indéfiniment l'action, apparaît purement dilatoire, alors de surcroît que la société La Roche Automobiles explique qu'il y a eu simplement erreur matérielle par confusion sur la dénomination de plusieurs sociétés dont était ou allait être responsable son PDG, Monsieur Coquillard, erreur couverte par l'avenant du 23 février 1993 et l'attitude postérieure du constructeur Renault ne laissant aucun doute sur la commune intention de celui-ci et de la société La Roche Automobiles de faire bénéficier cette dernière dès sa création, de la concession litigieuse, pour la période concernant les faits en cause.
Par ailleurs l'appelante ne saurait en l'espèce faire l'économie des exigences de la procédure de récusation, et notamment des formalités de l'article 344 du nouveau Code de procédure civile, pour mettre utilement en cause après la clôture des débats l'impartialité d'un magistrat consulaire et demander de ce chef l'annulation d'un jugement que n'entache aucun signe manifeste de partialité.
Il s'ensuit que l'appelante ne pourra qu'être déboutée de ses demandes d'annulation du jugement attaqué, alors de surcroît que le tribunal n'a pas violé les articles 4 et 5 du nouveau code de procédure civile en évoquant, dans son raisonnement nécessairement global et intuitif sur l'appréciation modérée du préjudice contradictoirement discuté devant lui, des éléments de statistiques nationales connues de la profession intéressée.
La SARL L'Océane Automobile, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 31 juillet 1991, a pour objet social la location, l'achat et la vente de véhicules neufs et d'occasion, l'achat et la vente d'accessoires automobiles et leur réparation.
Depuis le début de l'année 1993 elle a fait de la publicité dans plusieurs journaux d'annonce pour des véhicules Renault, Citroën et Peugeot ayant souvent roulé moins de 3 000 kms, voire moins de 100 kms. Des constats d'huissiers dressés en juin et novembre 1993 et en janvier 1994 confirment qu'elle avait habituellement en stock de tels véhicules. Le 6 décembre 1993 elle a facturé 78 000,01 F TTC à Monsieur Tapon Charly un véhicule " Peugeot 205 " présenté comme " d'occasion ", bien que de millésime 1994, mis en circulation pour la première fois ce même 6 décembre 1993 et n'ayant roulé que 50 kms. Le bon de commande assurait une garantie de 12 mois sans préciser s'il s'agissait de la garantie constructeur. Pour s'excuser de cette dissimulation caractérisée, dont elle est l'auteur, de la vente d'un véhicule neuf sous le couvert d'une prétendue vente de véhicule d'occasion la société L'Océane Automobiles fait valoir de façon inopérante que Monsieur Tapon Charly était domicilié à Montaigu, alors que ce qui est significatif dans cette vente, c'est la pratique par l'appelante du travestissement de la réalité de ses rapports commerciaux avec ses acheteurs.
Ce travestissement s'explique par la connaissance qu'avait la société L'Océane Automobiles des règles régissant en droit communautaire et interne les importations parallèles de véhicules automobiles, règles qu'elle tente cependant de contester.
L'article 85-3 du traité instituant la Communauté Economique Européenne prévoit la possibilité de limiter dans certains cas l'interdiction d'accords et de pratiques concertées ayant pour effet d'empêcher de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.
En application de ces dispositions la Commission a pris le 12 décembre 1984 le règlement n° 123-85 concernant les accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles. Les motifs de ce règlement exposent notamment :
" Les clauses concernant la distribution exclusive et sélective peuvent être tenues pour rationnelles et indispensables dans le secteur des véhicules automobiles qui sont des biens meubles de consommation, d'une certaine durabilité, nécessitant, à intervalles réguliers comme à des moments imprévisibles et en des lieux variables, des entretiens et des réparations spécialisées. Les constructeurs automobiles coopèrent avec les distributeurs et ateliers sélectionnés afin d'assurer un service de vente et d'après-vente spécialement adapté au produit. Ne serait-ce que pour des raisons de capacité et d'efficacité, une telle coopération ne peut être étendue à un nombre illimité de distributeurs et d'ateliers.
La combinaison du service de vente et d'après-vente avec la distribution doit être considérée comme plus économique qu'une dissociation de l'organisation de vente des véhicules neufs, d'une part, et de l'organisation du service de vente et d'après-vente, y compris la vente des pièces de rechange, d'autre part, d'autant plus que la livraison du véhicule neuf vendu à l'utilisateur final doit être précédée d'un contrôle technique, conforme aux directives du constructeur, effectuée par l'entreprise du réseau de distribution ".
Ce règlement entré en vigueur le 1er juillet 1985 pour une durée de 10 ans prévoit donc des exemptions accordées au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE en faveur des accords auxquels ne participent que deux entreprises, et dans lesquels une partie à l'accord s'engage vis-à-vis de l'autre à ne livrer, à l'intérieur d'une partie définie du Marché Commun que, à celle-ci, ou, que à celle-ci et à un nombre déterminé d'entreprises du réseau de distribution, dans le but de la revente, des véhicules automobiles déterminés et, en liaison avec ceux-ci, leurs pièces de rechange, accords dans le cadre desquels le distributeur s'engage à ne vendre les véhicules automobiles de la gamme visée ou des produits correspondants à des utilisateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire que si ces utilisateurs ont auparavant mandaté par écrit l'intermédiaire pour acheter et, en cas d'enlèvement par celui-ci, pour prendre livraison d'un véhicules déterminé (article 1er, 3 alinéa 1 et 3-11 du règlement 123-85).
Le Journal Officiel des Communautés Européennes a publié le 18 janvier 1985 une communication de la Commission explicitant ce règlement n° 123-85 et précisant notamment :
" 3 - Intermédiaires.
L'utilisateur européen doit pouvoir recourir aux services de personnes ou d'entreprises qui l'assistent dans l'achat d'un véhicule neuf dans un autre Etat membre (article 3 points 10 et 11). Toutefois, sous réserve des contrats de vente conclus entre des distributeurs du réseau de distribution peuvent être tenus de ne vendre aucun véhicule neuf de la gamme visée par l'accord, ou véhicule correspondant, à un tiers ou par l'entremise d'un tiers dès lors que celui-ci se présente comme un revendeur autorisé de véhicules neufs de la gamme visée par l'accord ou exerce une activité équivalente à la revente. Il incombe à l'intermédiaire ou à l'utilisateur final d'exposer préalablement, par écrit, au distributeur du réseau, que l'intermédiaire, lors de l'achat et de la réception d'un véhicule déterminé, agit au nom et pour le compte de l'utilisateur final ".
Le 18 décembre 1991, le Journal Officiel des Communautés Européennes a publié une nouvelle communication intitulée " clarification de l'activité des intermédiaires en automobiles ". Cette communication rappelle que l'intermédiaire visé par le règlement est " le prestataire de services qui agit pour le compte d'un acheteur, utilisateur final ". elle précise :
" Le mandataire devra exposer en détail à son client, dans un document éventuellement détachable du mandat, les différents services qu'il lui offre en lui donnant la possibilité de choisir ceux qui lui conviennent et qui devront être facturés dans leur détail. Dans ce document, le mandataire n'offrant pas la totalité des services qui sont liés à la mise en circulation d'un véhicule acheté à l'importation doit préciser quels services il n'offre pas ".
En outre cette communication publiée le 18 décembre 1993 souligne que " le mandataire doit faire sa publicité sans rendre possible dans l'esprit des acheteurs potentiels une confusion avec un revendeur ".
Les fondements essentiels du règlement n° 123-82 demeurent valables, sauf aux autorités compétentes à apprécier éventuellement les évolutions opportunes de ce règlement, mais aucun élément sérieux ne permet de douter de sa validité, ni de poser les questions préjudicielles envisagées par l'appelante de manière dilatoire.
Par ailleurs pour critiquer la validité des contrats de concession des intimées l'appelante prétend subsidiairement qu'ils sont contraires audit règlement n° 123-85. Cependant ces critiques de l'appelante n'apparaissent pas pertinentes car elles méconnaissent, ainsi que les intimées le lui ont objecté, qu'il est de principe que ledit règlement n'établit pas des prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu de clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se limitait à établir les conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction, et par conséquent à la nullité de plein droit prévue par l'article 85 paragraphes 1 et 2 du traité, et que si un accord ne remplissait pas les conditions posées par ce règlement d'exemption, il n'était pas nécessairement nul.
Ainsi au vu des conclusions des parties et des documents régulièrement produits la société L'Océane Automobiles, qui reconnaît ne pas agir en tant que mandataire des clients finals, mais revend habituellement des véhicules ayant parcouru moins de 3 000 kms ou immatriculés depuis moins de trois mois en tentant de les faire passer officiellement pour des véhicules d'occasion, les amalgamant dans ses publicités avec des véhicules réellement d'occasion, afin d'attirer le chaland par de " bonnes affaires " en cherchant à tourner frauduleusement une réglementation qu'elle connaît parfaitement et conteste à tort, pouvant se fournir en dépit de la vigilance des constructeurs, impuissants à garantir l'étanchéité de leur réseau, chez des loueurs ou concessionnaires peu scrupuleux, apparaît avoir eu un comportement fautif, constitutif d'une concurrence déloyale envers les concessionnaires intimés qui ont subi un préjudice par captation de clientèle et remise en cause de leurs tarifs, préjudice exactement apprécié par les premiers juges en tenant compte du marché, de l'importance des publicités parues, et plus accessoirement des stocks de véhicules neufs découverts.
Contrairement à ce que prétend la société L'Océane Automobiles la protection réglementaire et communautaire du cadre strict des importations parallèles, tel que rappelé ci-dessus, protège le concessionnaire, mais non celui qui, comme elle, n'ayant pas cette qualité, ni celle de mandataire, ne saurait se prévaloir utilement de prétendues violations des contrats de concessions, par vente de véhicules neufs hors concession, puisque, n'ayant pas le droit de vente de tels véhicules, il ne peut être considéré comme victime de tels faits.
Il ressort de ce qui précède que le jugement attaqué mérite d'être confirmé.
Il n'est toutefois pas établi que l'appelante ait agi par malice, mauvaise foi ni légèreté blâmable, de sorte que la demande de dommages-intérêts des intimées pour procédure abusive n'est pas fondée.
En revanche il est équitable d'allouer à celle-ci la somme supplémentaire globale de 10 000 F pour leurs frais hors dépens.
III - Dispositif :
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement attaqué ; Y ajoutant, Condamne la SARL L'Océane Automobiles à payer aux intimées la somme globale supplémentaire de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la SARL L'Océane Automobiles aux dépens d'appel et Autorise la SCP Gallet à recouvrer directement les frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.