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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 5 janvier 1995, n° 92-9239

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Creilloise de Panification

Défendeur :

Sonipain-Paindor (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Degrandi

Conseillers :

M. Isouard, Mme Cordas

Avoués :

Me Ermeneux, SCP Sider

Avocats :

Mes de Vissec, Gaultier.

T. com. Antibes, du 13 mars 1992

13 mars 1992

Exposé du litige

La société Creilloise de Panification et la société Sonipain-Paindor sont l'une et l'autre des entreprises de boulangerie industrielle et se trouvent en concurrence lors d'appels d'offres lancés pour la fourniture de pain par les administrations et collectivités publiques.

En mars 1990, la société Sonipain-Paindor a écrit à certains clients de la société Creilloise de Panification, pour les informer que celle-ci ne serait pas en règle sur le plan de ses dettes fiscales et sociales et qu'ainsi il n'aurait pas dû lui être adjugé les contrats de fourniture dont elle a bénéficié.

La société Creilloise de Panification, estimant que cette dénonciation constituait un dénigrement, a assigné en concurrence déloyale la société Sonipain-Paindor. Par jugement du 13 mars 1992, le Tribunal de Commerce d'Antibes l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à son adversaire la somme de 5 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 3 500 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Le 13 mai 1994, la société Creilloise de Panification a interjeté appel de cette décision.

Elle soutient que sa situation financière lui permettait de concourir pour les marchés publics car elle avait obtenu, contre garantie, des délais de paiement et que, de toute façon, il n'appartenait pas à son adversaire de se substituer aux autorités publiques pour vérifier la situation fiscale et sociale des soumissionnaires. Elle allègue aussi que contrairement aux insinuations de la société Sonipain-Paindor, elle n'a jamais dissimulé sa dénomination sociale, l'emploi de la mention " Panification SA Thierry ", qui est son enseigne, n'étant pas susceptible de créer une confusion.

Elle sollicite l'infirmation du jugement attaqué et la condamnation de la société Sonipain-Paindor à lui payer la somme de 100 000 F de dommages-intérêts pour concurrence déloyale outre celle de 25 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. En tout état de cause, elle réclame le rejet des demandes de son adversaire au titre des dommages-intérêts et de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

La société Sonipain-Paindor conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de la société Creilloise de Panification à lui payer la somme de 10 000 F de dommages-intérêts et celle de 10 000 F par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Elle prétend que les faits dénoncés par elle sont vrais, qu'aucun acte de dénigrement ne peut lui être reproché et que sa demande tendait uniquement au respect de la loi et des règles de la concurrence.

Motifs de la décision

L'article 52 du code des marchés publics n'admet pas que puissent concourir aux marchés de l'Etat les personnes physiques et morales qui n'ont pas effectué le paiement des impôts, taxes, majorations et pénalités ainsi que des cotisations sociales.

Comme l'établi l'état des protêts, la société Creilloise de Panification avait, au moment des faits, un retard de paiement de ses cotisations fiscales et sociales supérieur à un million de francs.

Certes, l'alinéa 2 de l'article précité permet aux personnes débitrices de concourir aux marchés publics si elles ont constitué des garanties jugées suffisantes par l'organisme responsable du recouvrement, ce qui était le cas de la société Creilloise de Panification, laquelle avait obtenu de l'administration fiscale des délais de paiement qu'elle respectait.

Mais les règles régissant les marchés de l'Etat imposent aux organismes publics le respect d'une réglementation spécifique et notamment les obligent, avant d'accorder leur marché à une personne, de vérifier si elle remplit les conditions nécessaires pour concourir.

La dénonciation de faits exacts opérée par la société Sonipain-Paindor avait pour objet de s'assurer de la réalité de cette vérification, ce dont certains éléments lui permettaient de douter, notamment, outre l'importance de la dette, l'utilisation par la société Sonipain-Paindor, pour se désigner, de sa seule enseigne " panification SA Thierry ", suivie de la mention " société anonyme au capital de 760 000 F " qui présente l'apparence d'une dénomination sociale et qui, en omettant la véritable, rend difficile aux administrations le contrôle de sa situation financière.

La recherche par un commerçant du respect de la réglementation par ses concurrents et son désir de voir éliminer ceux qui l'enfreindraient ne révèle par un comportement contraire aux moyens utilisés par les commerçants honnêtes et a pour conséquence, non pas de fausser le jeu normal de la concurrence, mais, au contraire, de renforcer celui-ci.

Dès lors, la société Sonipain-Paindor n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et la confirmation du jugement attaqué s'impose en ce qu'il déboute la société Creilloise de Panification de ses demandes.

La société Sonipain-Paindor ne caractérise pas l'abus qu'aurait commis son adversaire en exerçant contre elle une action en justice, cet abus ne pouvant résulter du seul rejet de ladite action. Elle doit être déboutée de ses demandes en dommages-intérêts formées tant en première instance qu'en appel.

Succombant à l'instance, la société Creilloise de Panification doit être condamnée à payer à la société Sonipain-Paindor, la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, - Confirme le jugement du Tribunal de Commerce d'Antibes du 13 mars 1992 en ce qu'il déboute la société Creilloise de Panification de ses demandes ; - Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau ; - Déboute la société Sonipain-Paindor de ses demandes en dommages-intérêts ; - Condamne la société Creilloise de Panification à payer à la société Sonipain-Paindor la somme de 5 000 F (Cinq mille francs) au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; - Condamne la société Creilloise de Panification aux dépens et autorise la SCP d'avoués Sider à recouvrer directement ceux d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.