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Décisions

CA Grenoble, ch. des urgences, 30 novembre 1994, n° 2950-94

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jourdan (SA)

Défendeur :

Valdis (SA), JMC Créations (SARL), Développement Innovation Leclerc Devinlec (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blohorn-Brenneur

Conseillers :

Mmes Husquin, Comte

Avoués :

SCP Grimaud, SCP Calas & Balayn, SCP Perret & Pougnand

Avocats :

Mes Combeau, Guerlain, Simon, Ruano-Guibout.

T. com. Romans, du 27 avr. 1994

27 avril 1994

Statuant sur l'appel interjeté le 6 juillet 1994, par la SA Jourdan, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Commerce de Romans du 27 avril 1994 qui a :

- dit que la société Jourdan ne peut se prévaloir d'aucune originalité esthétique pour prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 113-2 du Code de la Propriété Artistique,

- dit que les éléments de la contrefaçon ne sont aucunement réunis,

- constaté que les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale au sens de l'article 1382 et 1383 du Code civil,

- débouté la société Jourdan de la totalité de ses demandes à leur encontre, et en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,

- condamné la société Jourdan à payer la somme de 1.000 F à la société Valdis, ainsi qu'à la société Devinlec et à la société JMC Créations,

- et a condamné la société Jourdan aux entiers dépens.

Considérant qu'il résulte des énonciations de la décision attaquée et des pièces non contestées de la procédure que la société Jourdan a revendiqué être l'auteur, au sens de l'article L. 113-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, d'un bijou référencé 9560 dans ses registres et portant les références 1386, 1388 et 1391 dans son catalogue ; que ce bijou consiste en une bague dont le corps en or a la forme d'un anneau relativement large, le corps de l'anneau étant ajouré dans sa partie supérieure et se composant, en son centre, d'un groupe de 4 pierres précieuses formant pétales, serties clos, enserrant une pierre centrale ; que de part et d'autre de ces 4 pierres, se trouvent apposées de façon décalée et reliées par des liens d'or, 2 autres pierres précieuses, également serties clos et dont l'une est de forme circulaire.

Considérant que la société Jourdan expose que ce modèle de bague a été créé à son initiative dans le courant du mois de mai et juin 1990 et a été commercialisé au Japon, puis en France, fin juin et début septembre 1990 ; qu'il a fait l'objet d'une campagne publicitaire et a rencontré un grand succès auprès de la clientèle ; que cependant en novembre 1992, la société Jourdan a constaté que la société Valdis, qui exerce le commerce de bijoux à l'enseigne E. Leclerc, a offert à la vente un modèle de bague identique à celui décrit précédemment, figurant également sur son catalogue, intitulé " Le manège à Bijoux E. Leclerc ", sous les références 1, 2 et 3 de la page ; qu'il s'est alors avéré que le modèle incriminé a été diffusé par la société de Développement Innovation Leclerc, dite Devinlec et que le fournisseur de la société Devinlec est la société JMC Créations.

Considérant qu'aux termes de son assignation, la société Jourdan demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement, rendu par le Tribunal de Commerce de Romans, le 27 avril 1994,

- de dire que les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations en fabriquant, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant les modèles de bague, référencés 1, 2 et 3 au catalogue " Le manège à Bijoux E. Leclerc " ont commis des actes de contrefaçon du modèle N° 9560 de la société Jourdan.

- d'interdire aux sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations de fabriquer, de détenir, d'offrir en vente et/ou de vendre les modèles de bague précités et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 3.000 F par infraction constatée dès le jour de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- de juger que ces sociétés ont encore commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Jourdan et ce, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil,

- d'ordonner la suppression de la représentation des modèles de bague argués de contrefaçon du catalogue " Le manège à Bijoux E. Leclerc " ainsi que de la ligne de bijoux figurant sur les pages 2 et 3 dudit catalogue et ce, sous une astreinte définitive et non comminatoire de 100.000 F par jour de retard, dès le jour de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de condamner conjointement et solidairement les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations à payer à la société Jourdan la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation des actes de contrefaçon qu'elles ont commis à son encontre et à la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation des actes de concurrence déloyale qu'elles ont commis à son encontre,

- de nommer un expert avec mission de rechercher et de lui fournir tous les éléments d'appréciation permettant de déterminer le montant définitif des dommages-intérêts dus à la société Jourdan en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale dont elle a été la victime,

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 5 journaux ou périodiques aux frais conjoints et solidaires des sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations et ce, au besoin, à titre de complément de dommages-intérêts,

- de dire que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon commis jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

- de condamner conjointement et solidairement les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations à payer à la société Jourdan la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile (NCPC),

- de condamner conjointement et solidairement les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations, en tous les dépens.

Considérant qu'aux termes de ses conclusions, la société Valdis demande à la Cour de :

- dire et juger irrecevable la demande de la société Jourdan,

- dire et juger que la société Valdis n'a commis aucun acte de contrefaçon ni aucun acte de concurrence déloyale au sens strict des articles 1382 et 1383 du Code civil,

- confirmer en conséquence et en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; que très subsidiairement, et pour le cas où, par impossible, la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle de la société Valdis serait engagée, la société Valdis demande à la Cour de faire application des règles relatives à l'obligation in solidum dans les rapports entre la société Valdis, la société Devinlec et la société JMC Créations ; qu'elle sollicite la condamnation de la société Jourdan à lui payer la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC et sa condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Considérant qu'aux termes de ses conclusions, la société Développement Innovation Leclerc (Devinlec), demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce que celui-ci a déclaré recevable la société Jourdan en son action,

- constater que celle-ci ne justifie de sa qualité à agir ni en matière de contrefaçon, ni en matière de concurrence déloyale et en conséquence la déclarer irrecevable,

- confirmer le jugement en ce que celui-ci a dit et jugé que la société Devinlec n'a commis ni acte de contrefaçon, ni acte de concurrence déloyale,

- en conséquence, débouter la société Jourdan des fins de sa demande,

- la condamner à lui payer la somme de 30.000 F par application des dispositions de l'article 700 du NCPC et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Considérant qu'aux termes de ses conclusions, la société JMC Créations demande à la Cour :

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable la société Jourdan en son action,

- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Jourdan de ses demandes formulées au titre de prétendus actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,

- de condamner la société Jourdan à payer à la société JMC Créations une somme de 100.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure injustifiée,

- de condamner la société Jourdan à payer à la société JMC Créations une somme de 30.000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Sur quoi, LA COUR :

Considérant que, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des moyens des parties, la Cour de réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux conclusions déposées.

1) Sur la recevabilité de la demande de la société Jourdan :

Considérant que les sociétés JMC Créations, Valdis et Devinlec soutiennent que la société Jourdan serait irrecevable à agir, faute par elle de prouver que le modèle de bijou qu'elle invoque dans la présente instance constituerait une œuvre collective ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment de l'extrait K bis du registre du commerce, que la dénomination sociale de la société Jourdan est " MD Jourdan Joaillier ", société anonyme au capital de 300.000 F, domiciliée au 64 rue Jean Jaurès, à Valence ; qu'il résulte des factures, des catalogues et des publications versés aux débats, que c'est cette société qui revendique l'œuvre ;

Considérant qu'il est établi par 2 attestations du 24 novembre 1992 de M. Chastan, maquettiste et de M. Rutteaud, dessinateur, collaborateurs de la société MD Jourdan, que la bague référencée 9560 est le résultat d'une concertation et d'un travail d'équipe ; qu'elle a été créée à l'initiative de la société Jourdan, au cours de plusieurs réunions de travail, sans que puisse être distinguée la contribution personnelle de chacun à la création de ce bijou ; qu'il s'agit bien d'une œuvre collective ;

Considérant que la société Jourdan verse aux débats la fiche technique de la bague ; qu'elle est datée du 25 mai 1990 ; que les factures produites établissent sa commercialisation, par la société MD Jourdan, dès le mois de juin 1990 ; que la circonstance que les salariés aient fixé en juin 1990 les réunions d'équipe pour la création de la bague est sans incidence, alors, surtout, que ces attestations ont été établies 2 ans plus tard et qu'elles sont concordantes à quelques jours près ;

Considérant qu'il résulte des factures et des publicités faites par la société Jourdan, que c'est bien la société MD Jourdan joaillier qui a commercialisé la bague N° 9560 ; qu'en ce qui concerne les publications Conde Nast qui ont facturé les publications parues dans la magazine Vogue à une société René Jourdan, il est établi par la correspondance que c'est avec la société MD Jourdan joaillier qu'elles étaient en relation ;

Considérant qu'il est ainsi établi que la bague 9560 est une œuvre collective, créée à l'initiative de la société Jourdan et divulguée sous son nom ;

Considérant que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, la Tribunal a exactement décidé que la société Jourdan, titulaire du droit d'auteur, était recevable à agir ; que sur ce point le jugement sera confirmé ;

2) Sur l'action en contrefaçon :

Considérant que, d'une part, les sociétés Valdis, Devinlec et MJC Créations soutiennent que la création de la société Jourdan n'est caractérisée par aucune originalité esthétique, que la représentation d'une fleur a déjà été utilisée dans les siècles passés en joaillerie et que ce motif artistique est tombé dans le domaine du public, et d'autre part, que la comparaison des modèles en cause établit que les différences l'emportent sur les ressemblances ;

a) Sur la nouveauté et l'originalité de l'œuvre :

Considérant que, s'il est constant que le modèle floral a déjà été utilisé, dans les siècles passés, en joaillerie et a répondu à la tendance de la mode en 1990, il convient de rechercher si ce modèle de bijou ne se différencie pas par la réunion d'éléments distincts et reconnaissables qui lui donne un caractère original ;

Considérant qu'il apparaît à la Cour que la bague litigieuse se distingue de la ligne générale de la mode par des traits spécifiques qui la différencient de ses similaires et lui confèrent un caractère d'originalité ; qu'en effet, le corps de l'anneau est ajouré dans sa partie supérieure, il est relativement large, les pétales de la fleur formés de 4 pierres précieuses serties clos enserrent une pierre centrale, la forme des 2 autres pierres précieuses, également serties clos dont l'une est de forme circulaire, la manière dont elles sont décalées et reliées par un jonc d'or qui traverse l'espace ajouré de la bague ; tous ces éléments caractérisent une création originale par l'aspect d'ensemble du modèle ;

Considérant que les documents et les pièces produits à la Cour par les sociétés défenderesses tendant à démontrer une antériorité opposable à la société Jourdan et l'absence d'originalité, sont insuffisants pour emporter la conviction de la Cour ;

Considérant notamment que si la revue Orafo Italiano N° 86 de 1984 présente un bracelet à motif floral, l'inspiration créatrice n'est pas la même ; les pierres composant la fleur sont plus nombreuses, elles sont apposées de façon distincte et le sertissage est différent ; que l'aspect d'ensemble de ce modèle se distingue de la bague et ne peut être retenu pour affirmer que la société Jourdan n'a pas fait l'œuvre de création ;

Considérant qu'aucun des documents décrits pages 7 et 8 des conclusions de la société Devinlec n'emporte la conviction de la Cour ; qu'aucun ne reproduit la combinaison caractéristique ci-dessus décrite et qui confère au modèle de bague N° 9560 son originalité ; que notamment les bagues représentées dans la revue Orafo Valenzano de 1985 ont un corps plein, les motifs floraux étant encastrés dans le corps ;

Considérant que l'attestation de M. Pivetta de la société Luxoro n'est pas plus probante ; que l'affirmation selon laquelle les modèles annexés qui sont, en l'état des pièces versées au débat, quasiment illisibles, auraient été fabriqués en 1990 n'est étayée d'aucune pièce ;

Considérant que l'attestation de M. Thevenot et les pièces y afférentes ne sont pas convaincantes ; qu'il convient de remarquer que les dessins des modèles de bague réalisés par M. Thevenot n'ont aucun rapport avec le modèle invoqué dans la présente instance ;

Considérant qu'il n'y a aucun lien entre la parure Branca de Brito (pièce N° 4) et le modèle de bague litigieux ; que la même constatation doit être faite en ce qui concerne les pièces 5 à 13 visées dans les écritures de la société Devinlec ;

Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne l'intégralité des autres pièces communiquées, celle-ci, soit n'ont aucun rapport avec le modèle invoqué, soit sont postérieures à la création de celui-ci et ne peuvent donc être retenues.

b) Sur l'allégation selon laquelle les différences l'emportent sur les ressemblances :

Considérant que l'examen comparatif de la bague incriminée avec celle référencée 9560 démontre un très grande ressemblance ; qu'il s'agit même d'une copie quasi servile ne pouvant qu'entraîner la confusion dans l'esprit du consommateur ; que la différence de largeur des bagues n'est pas significative, que les pièces sont de la même couleur ; que les visions de face, de profil et du dessus des bagues ne soulignent pas les différences alléguées par les sociétés intimées ; que la description ci-dessus faite de la bague 9560 correspond en tous points à celle de la bague incriminée ; qu'elle peut être intégralement reprise sans en changer un seul mot ; que les considérations relatives à l'écart de prix existant entre les bagues et la qualité des pierres sont inopérantes dès lors que les couleurs des pierres, la représentation du modèle et les procédés techniques employés sont pratiquement identiques ;

Considérant que la Cour a relevé de très légères différences de détail qui consistent uniquement en un anneau un peu plus large pour la bague Jourdan et dans l'orientation d'une feuille légèrement décalée dans la bague incriminée ; que ces différences passent inaperçues pour un observateur non avisé et n'ont pour but que de masquer l'intention de fraude ; qu'elles ne suffisent pas à enlever au modèle de bague incriminé un aspect d'ensemble parfaitement identique à celui du modèle de la société Jourdan ; que la Cour n'a pas constaté les différences alléguées, à l'exception de celles qui viennent d'être décrites ;

Considérant, en définitive, qu'il existe entre les bagues une telle similitude qu'elle ne peut être fortuite et que la contrefaçon est caractérisée.

3) Sur l'action en concurrence déloyale :

Considérant que la société Jourdan justifie, par la production du catalogue " Le Manège à Bijoux E. Leclerc ", que les sociétés intimées ont commercialisé les modèles de bagues incriminées dans le cadre d'une ligne de bijoux reproduisant les mêmes motifs floraux ; qu'ainsi ces sociétés n'ont fait que se placer dans le sillage de la société Jourdan en reprenant le thème de la ligne florale de la société Jourdan et en profitant des frais d'études exposés par cette dernière société ainsi que du succès de cette ligne auprès de la clientèle se rendant coupable d'un acte de parasitisme économique;

Considérant qu'en offrant à la clientèle une bague copiant celle de la société Jourdan et une ligne de bijoux représentant les mêmes motifs floraux, les sociétés Devinlec, JMC Créations et Valdis ont créé dans l'esprit de la clientèle une confusion de nature à porter préjudice à la société Jourdan ; qu'à cet égard il est significatif de noter que la confusion est encore renforcée par la présentation qu'en fait la société Devinlec dans son catalogue en grossissant la bague incriminée qu'elle a commercialisée ; qu'il est ainsi établi de la part des sociétés intimées l'intention de faire naître la confusion dans l'esprit de la clientèle entre les modèles concurrents caractérisant la faute de concurrence déloyale ;

Considérant que le fait d'exposer à la vente et de vendre des modèles contrefaisants a porté une grave atteinte à la réputation de la société Jourdan ; que cette société a subi un préjudice commercial important, attesté par les lettres que ses revendeurs lui ont adressées ; qu'ainsi la maison Frojo de Marseille, a écrit, le 4 décembre 1992, qu'elle exprime son indignation à la lecture de dernier catalogue des bijoux E. Leclerc ; qu'elle a constaté la présence de bagues " qui sont soit la copie servile de votre propre collection, soit le plagiat par votre propre société, à des prix différents, des mêmes modèles que vous nous avez proposés. En tout état de cause, nous annulons notre commande en cours. Nous espérons à l'avenir que vous aurez à coeur de protéger votre production envers les abus de la grande distribution " ; que la société Jourdan verse aux débats de nombreuses lettres de joailliers contraints d'annuler la commande de bagues " que l'on propose sur un catalogue de fin d'année à des prix beaucoup plus bas " (Chauvin joaillier à La Rochelle, 2 novembre 1993) ; que les mêmes considérations se retrouvent dans les courriers émanant de bijoutiers de nombreuses villes de France : François Chavet (Libourne, 19 novembre 1992), Maty (Besancon, lettre du 5 février 1993), Janner (Grenoble, lettre du 4 décembre 1992), Bernard Combier (Firminy, lettre du 25 novembre 1992) Noel (Metz, le 22 novembre 1993), Debut (Cambrai, le 25 novembre 1993), La Breloque (Ozoir-La-Ferriere, le 26 juillet 1993) ;

Considérant cependant que la société Jourdan incrimine, au niveau de la concurrence déloyale, l'ensemble des bijoux représentés sur les pages 2 et 3 du catalogue Devinlec ; que cette présentation est excessive, seuls les articles 1, 2, 3, 4, 8, 13 et 18 étant concernés, à l'exclusion des autres bijoux qui, s'ils représentent des motifs floraux, n'ont pas la même inspiration créatrice que les modèle Jourdan et ne peuvent en aucun cas créer de confusion dans l'esprit du public ;

Considérant que pour faire cesser ce trouble, il y a lieu d'interdire aux sociétés défenderesses de fabriquer, détenir, offrir en vente et/ou vendre des bijoux représentant les motifs floraux du modèle Jourdan, sous astreinte de 2.000 F par infraction et d'ordonner la suppression de ces articles dans le catalogue, sous astreinte de 20.000 F par jour de retard.

Considérant que la société Jourdan allègue que les agissements des sociétés intimées ont fait chuter son chiffre d'affaires à compter de 1992, en ce qui concerne la ligne florale, de 2.000.000 F et 640.000 F en ce qui concerne le modèle de bague incriminé ; qu'elle ajouter qu'elle a également subi un grave préjudice du fait de l'avilissement qu'a subi sa ligne de bijoux ;

Considérant que l'image de marque de la société Jourdan a été atteinte au moment où son effort de création et de publicité connaissait un succès de mode ; que de surcroît c'est en novembre 1992, à la veille des fêtes de Noël, que les bijoux contrefaisants ont été mis en vente dans le catalogue E. Leclerc ;

Considérant que la Cour n'a pas les éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi de par les actes de contrefaçon et de par les actes de concurrence déloyale ; qu'il y a lieu d'ordonner une expertise ; qu'il convient, dans l'attente du rapport de l'expert, de condamner in solidum, les sociétés défenderesses, celles-ci ayant toutes concouru à la réalisation de l'entier dommage, à verser à la société Jourdan 200.000 F à titre de provision à valoir sur la réparation des actes de contrefaçon et une provision de 200.000 F pour les actes de concurrence déloyale ;

Considérant que les faits de contrefaçon ont gravement nui à la réputation de la société Jourdan ; que la publication de la décision doit contribuer à restaurer son image de marque ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que la société JMC Créations est déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son prétendu préjudice commercial ;

Considérant qu'il est inéquitable que la société Jourdan conserve à sa charge les frais irrépétibles que la Cour évalue à 30.000 F.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme la jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande de la société Jourdan, Le réforme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Dit que les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations, en fabriquant, en détenant, en offrant à la vente et/ou en vendant les modèles de bagues référencés 1, 2 et 3 au catalogue " Le Manège à Bijoux E. Leclerc " ont commis des actes de contrefaçon du modèle N° 9560 de la société Jourdan, Interdit aux sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations de fabriquer, de détenir, d'offrir en vente et/ou vendre les modèles de bague précités et ce sous une astreinte provisoire de 2.000 F par infraction constatée dès le jour de la signification de l'arrêt à intervenir, Dit que les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations, en fabriquant, détenant, offrant à la vente et/ou en vendant la ligne de bijoux à motifs floraux telle que reproduite aux articles 1, 2, 3, 4, 8, 13 et 18 des pages 2 et 3 du catalogue " Le Manège à Bijoux d'E. Leclerc ", ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Jourdan, Interdit à ces sociétés de fabriquer, détenir, offrir en vente et/ou vendre de bijoux analogues à ceux reproduits aux articles 1, 2, 3, 4, 8, 13 et 18 des pages 2 et 3 du catalogue " Le Manège à Bijoux E. Leclerc ", sous une astreinte provisoire de 2.000 F par infraction constatée dès le jour de la signification de l'arrêt à intervenir, Ordonne la suppression de la représentation des modèles de bagues arguées de contrefaçon du catalogue " Le Manège à Bijoux E. Leclerc ", ainsi que de la ligne de bijoux représentés par les articles 1, 2, 3, 4, 8, 13 et 18 des pages 2 et 3 dudit catalogue et ce, sous une astreinte provisoire de 20.000 F par jour de retard, dès le jour de la signification de l'arrêt à intervenir, Condamne in solidum les sociétés Valdis, Devinlec et JMC Créations à payer à la société Jourdan la somme de 200.000 F à titre de dommages- intérêts provisionnels en réparation des actes de contrefaçon, la somme de 200.000 F à titre de dommages-intérêts provisionnels en réparation des actes de concurrence déloyale, et la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Ordonne la publication du présent arrêt dans 5 journaux au choix de la société Jourdan et aux frais des sociétés Devinlec, Valdis et JMC Créations, le coût de chaque insertion ne devant pas dépasser 10.000 F, Avant dire droit, Nomme Mme Régine Lepagnez, 27, Av. d'Italie, 75013 Paris, en qualité d'expert, avec la mission précisée ci-après : - se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, - entendre tous sachants, dans la mesure où il l'estimera utile, - examiner la comptabilité de la société Valdis, - déterminer le volume des ventes de bagues contrefaisantes réalisées depuis le 1er novembre 1992 par la société Valdis, - indiquer les prix de vente moyens de ces bagues pratiqués par la société Valdis, - évaluer l'étendue du préjudice subi par la société Jourdan et fournir à la Cour tous les éléments permettant de déterminer le montant des dommages-intérêts dus à la société Jourdan, en réparation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, Fixe le montant de la consignation qui devra être versée dans le mois de la présente décision au Greffe de la Cour par la SA Jourdan à la somme de 20.000 F. Dit qu'il sera procédé, dès la justification de la consignation de la provision, aux opérations d'expertise, en présence des parties ou celles-ci convoquées et leurs conseils avisés ; dit que l'expert les entendra en leurs observations et le cas échéant consignera leurs dires ; Fixe au 2 mai 1995, la date du dépôt du rapport d'expertise au Greffe de la Cour, date de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée par le conseiller de la mise en état, sur rapport de l'expert à cet effet ; Réserve les dépens.