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Décisions

Cass. com., 15 novembre 1994, n° 93-11.053

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Siham (SARL)

Défendeur :

Deauville distribution (SARL), Joubert (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Me Choucroy, SCP Vier, Barthélemy.

TGI Lisieux, du 15 févr. 1990

15 février 1990

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Caen, 12 novembre 1992), que la société Siham, titulaire de la marque Pull'Sations, enregistrée le 5 mai 1982 sous le numéro 1215969, pour désigner les produits et les services dans la classe 25 et plus spécialement les "pull-over et la confection en tous genres", a assigné, pour contrefaçon et concurrence déloyale, la société Deauville-Distribution qui commercialisait des caleçons courts pour homme revêtus de la marque Pulsation ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Siham fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'action fondée sur la contrefaçon ou l'imitation illicite de la marque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la notion de faute civile est étrangère à la contrefaçon de marque proprement dite, laquelle est suffisamment caractérisée du seul fait qu'il y a reproduction à l'identique ou au quasi identique de la dénomination ou du signe constitutif de la marque d'autrui pour des produits ou des services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; que la circonstance que le revendeur d'un article marqué fasse usage d'une marque ainsi reproduite pour les mêmes produits ou services suffit à le faire participer à la contrefaçon, même s'il est de parfaite bonne foi et ne pouvait normalement pas la déceler ; qu'ainsi l'arrêt qui admet que la marque Pulsation pouvait constituer la contrefaçon de la marque Pull'sations et qui ne conteste pas que les caleçons vendus par les sociétés Deauville Distribution et Joubert sous la marque Pulsation entraient dans la classe des vêtements objet de l'enregistrement de la marque Pull'sations, aurait dû en déduire que ces sociétés s'étaient nécessairement associées à cette contrefaçon, même si leur bonne foi était entière du fait qu'elles ne pouvaient en l'état déceler le caractère contrefaisant de la marque Pulsation ; que l'arrêt a donc violé les articles 4, 7, 8 et 27-3 de la loi du 31 décembre 1964 modifiée ; alors, d'autre part, que la notion de faute civile est tout aussi étrangère à la notion d'imitation illicite de marque, laquelle est caractérisée du seul fait que les ressemblances entre les dénominations ou signes sont génératrices d'une possibilité de la confusion pour la clientèle achetant des produits similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que la circonstance que le revendeur d'un article marqué fasse usage d'une marque ainsi génératrice de confusion pour des produits similaires suffit à le faire participer au délit spécial d' imitation illicite, même s'il est de parfaite bonne foi et ne pouvait normalement le déceler ; et qu'en l'espèce donc même dans le cadre de sa demande subsidiaire, reposant sur l'imitation illicite de sa marque, il n'était pas nécessaire que les sociétés Deauville Distribution et Joubert aient pu déceler l'illicéité de l'imitation de marque en raison de leur bonne foi ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard des articles 4, 7, 8 et 28-3 de la loi du 31 décembre 1964 modifiée ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il est constant que la société Deauville-Distribution n'était que revendeur des articles litigieux qui avaient été acquis dans la cadre de la cession du fonds de commerce appartenant à la société Joubert, laquelle les avait achetés déjà revêtus de la marque Pulsation ; que d'un autre côté, l'arrêt retient que la marque Pull'sations n'était pas, à la date de la saisie-contrefaçon effectuée à la demande de la société Siham, notoirement connue et en déduit que reproche ne peut être donc fait aux sociétés Deauville distribution et la société Joubert d'avoir vendu ou mis en vente des produits revêtus de la marque Pulsation sans avoir leur attention attirée par son caractère contrefaisant et sans procéder à une investigation à cet égard, ce dont il résultait que ladite vente ou mise en vente n'avait pas été faite sciemment sous une telle marque ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, justifiant légalement sa décision, rejeter, la demande fondée sur la contrefaçon ou l'imitation illicite de la marque ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société Siham fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande fondée sur la concurrence déloyale alors, selon le pourvoi, que constitue un acte de concurrence déloyale toute divulgation d'un produit concurrentiel susceptible d'entraîner la confusion dans l'esprit de la clientèle, notamment en raison de la similitude des marques ; et que l'arrêt qui ne s'en est pas expliqué, malgré qu'il y fût invité par conclusions, est donc entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 1383 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève quelors de l'acquisition par les sociétés Joubert et Deauville-Distribution des produits litigieux, la marque contrefaisante y était déjà apposée et retient que la marque protégée n'était pas notoirement connue, ce qui justifiait que ces sociétés n'aient pas procédé à des recherches pour vérifier si la marque avait un caractère contrefaisant ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, dont il résultait que les sociétés Joubert et Deauville Distribution n'avaient pas sciemment cherché à créer une confusion dans l'esprit des acheteurs sur l'origine des produits, la cour d'appel a décidé que cette société n'avait pas commis une faute de concurrence déloyaleen justifiant légalement sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que la société Joubert demande l'allocation d'une somme de dix mille six cent soixante quatorze francs par application de ce texte ;

Attendu qu'il y a lieu d'accueillir partiellement cette demande ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.