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Décisions

CA Fort-de-France, 1re ch., 21 octobre 1994, n° 692-92

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Service Antillais de Sécurité (SARL)

Défendeur :

Jung

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Imbert

Conseillers :

MM. Civalero, Dior

Avocats :

Mes Louis-Ferdinand, Helenon.

T. mixte com. Fort-de-France, du 29 oct.…

29 octobre 1991

Exposé du litige :

Par assignation en date du 23 juillet 1990, la SARL Service Antillais de Sécurité - SAS a saisi le Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France d'une demande dirigée contre Patrick Jung auquel elle reprochait des faits de concurrence déloyale ; elle demandait au tribunal :

D'ordonner la suppression des mots Sécurité Antilles dans la dénomination de l'enseigne de Patrick Jung ainsi que la suppression du sigle SAS et du logo, sur tous documents par lui utilisés.

Cela sous astreinte de Mille Francs (1 000) par jour de retard à compter du prononcé de la décision.

Le condamner à payer à la requérante la somme de Trente Mille Francs (30 000) à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu'elle subit.

Celle de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le condamner en tous les dépens.

Par jugement du 5 mars 1991, le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal Mixte de Commerce de Fort-de-France ;

Par jugement du 29 octobre 1991, ce dernier a débouté la demanderesse de toutes ses demandes au motif qu'elle n'avait développé aucun moyen ni produit le moindre élément de preuve ;

La SARL SAS a régulièrement interjeté appel de cette décision en reprenant devant la Cour les termes de sa demande initiale, sauf à élever l'astreinte de 5 000 F par infraction constatée, sa demande de dommages-intérêts à 300 000 F et celle fondée sur l'article 700 du NCPC à 10 000 F ;

L'appelante expose à l'appui de ses prétentions que :

Elle a été constituée en 1986. Du 25 décembre 1985 au 16 octobre 1986, Mr Patrick Jung a été employé de la société Europrotection en qualité d'agent technico-commercial.

Les sociétés SAS et Europrotection, si elles ont des personnalités juridiques distinctes, sont de fait très liées puisqu'elles partagent les mêmes locaux, la même comptabilité, le même secrétariat et le même Directeur.

M. Jung avait donc parfaitement conscience de l'existence de la société SAS : de son nom, son activité, ses structures commerciales etc...

Néanmoins, dès son départ de la société Europrotection, l'intimé devait créer une entreprise personnelle à l'enseigne " Sécurité Antilles Système " ayant pour initiales " SAS " comme l'appelante.

En pleine connaissance de cause, il choisissait comme logo deux " S " à l'envers encadrant un " A ", alors que l'appelante à défini son logo avec un " S " à l'envers à gauche et un " S " à l'endroit à droite du " A ".

De plus, les deux entreprises " Service Antillais de Sécurité " et " Sécurité Antilles Système " ont exactement le même objet social, à savoir :

Toutes prestations de service, vente et installation de matériels en vue de la protection des personnes et des biens.

La similitude des noms, objet social, sigle et logo induit nécessairement une confusion dans l'esprit du public.

A telle enseigne que la Région Martinique a, en toute bonne foi, effectué un règlement dû à l'entreprise " Sécurité Antilles Système " entre les mains de l'appelante.

Du courrier adressé à l'intimé à également été reçu par l'appelante et a dû être réexpédié à son véritable destinataire.

M. Jung a manifestement agi dans le but de créer une confusion entre les deux " SAS ".

L'usage de deux mots sur trois : " Sécurité " et " Antilles " reproduits quasi à l'identique, combinés de manière à obtenir les mêmes initiales, prouve suffisamment l'intention d'induire le public en erreur et favoriser les méprises.

Ces faits sont constitutifs d'un acte de concurrence déloyale caractérisé, dont l'appelante est fondée à demander réparation.

Elle subit un préjudice certain.

La requérante est également fondée à requérir qu'il soit mis fin à la confusion existante en faisant défense à l'intimée d'utiliser pour l'avenir une dénomination commerciale trop proche de celle de l'appelante.

Patrick Jung conclut pour sa part à la confirmation du Jugement, sollicitant les sommes de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC ;

L'intimé fait valoir en réplique que son nom commercial et la dénomination sociale de l'appelante ne sont pas suffisamment identiques pour induire le moindre risque de confusion dans l'esprit du public, que le signe SAS a été enregistré à l'INPI le 30 août 1987 et bénéficie dès lors de la protection juridique conférée par la loi 67.1360 du 31 décembre 1964, que le sigle SAS a certes été utilisé antérieurement par l'appelante mais qu'il ne s'agit pas d'une dénomination sociale, que le seul usage à titre de marque ne confère aucun droit à l'usager ; qu'enfin les logos sont différents ;

Motifs :

Attendu qu'il est constant que Patrick Jung a quitté en octobre 1986 la société Europrotection, dont les locaux, la comptabilité, le secrétariat et le directeur étaient communs à la société " Service Antillais de Sécurité ", pour créer une structure commerciale concurrente, ayant le même objet social à savoir " toutes prestations de service ayant pour objet la sécurité ";

Que Patrick Jung a donné à son entreprise l'enseigne " Sécurité Antilles Systèmes ", avec le même sigle SAS que la société appelante;

Qu'il a choisi comme logo deux " S " à l'envers encadrant un " A " alors que le logo de l'appelante comporte un " S " à l'envers à gauche et un " S " à l'endroit à droite du " A " ; que les logos sont ci-après reproduits :

692_92_TAB1.jpg

692_92_TAB2.jpg

Attendu que l'identité d'objet social et de sigle et l'imitation du logo par le reversement de la lettre " S " sont de nature à créer la confusion pour des clients moyennement attentifs;

Attendu que l'appelante rapporte la preuve, par les pièces qu'elle produit, de la confusion créée dans l'esprit du public par cette imitation délibérée : que la région Martinique a ainsi effectué le 14 décembre 1989, un règlement dû à Sécurité Antilles Système, entre les mains de la société Service Antillais de Sécurité ; qu'une société SGAGS a adressé en août 1993 à celle-ci par erreur des documents destinés à Patrick Jung ; qu'une autre société " Eclats Antivols " a envoyé en mars 1993 à l'appelante un colis de marchandises destiné à Patrick Jung ;

Attendu que la dénomination sociale, le sigle et le logo de la société Service Antillais de Sécurité bénéficiaient depuis 1986 de la protection accordée aux signes distinctifs et n'étaient pas disponibles ;

Que le dépôt de marque opéré par Patrick Jung en 1987, après son départ de la société Europrotection, présente dans ces conditions un caractère frauduleux et n'est pas opposable à l'appelante ;

Attendu que la confusion ainsi créée a entraîné pour l'appelante, outre des désagréments, un trouble commercial certain que la Cour estime pouvoir chiffrer à la somme de 30 000 F ;

Attendu que pour faire cesser les agissements déloyaux et le trouble qui s'y attache, l'intimé devra faire en sorte que son enseigne commerciale ne mette plus en relief, de quelque manière que ce soit, le sigle SAS ;

Qu'en revanche il n'est pas justifié de contraindre Patrick Jung à enlever les mots " Sécurité " et " Antilles " de son enseigne commerciale ; que dans le contexte d'une entreprise située en Martinique et dont l'activité est la vente de matériels de sécurité, ces termes ne présentent pas d'originalité et peuvent donc être reproduits sans que les entreprises concurrentes aient le droit de s'y opposer ;

Qu'en outre Patrick Jung devra supprimer le sigle SAS et son logo sur tout document utilisé par lui ;

Attendu enfin qu'il apparaît équitable de faire bénéficier l'appelante des dispositions de l'article 700 du NCPC, à concurrence de 4 000 F ;

Attendu que l'appelante qui n'avait pas soutenu sa demande devant les premiers juges, conservera à sa charge les dépens de première instance ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ; Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception des dépens ; Statuant à nouveau, Interdit à Patrick Jung de faire ressortir dans sa dénomination commerciale par un moyen quelconque (caractères gras, dimensions des lettres, etc...) le sigle SAS, Le condamne à enlever de tous les documents utilisés par lui le sigle SAS et son logo, Le tout sous astreinte de Cinq Mille Francs (5 000 F) par infraction constatée, Condamne Patrick Jung à payer à la société Service Antillais de Sécurité la somme de Trente Mille Francs (30 000 F) à titre de dommages-intérêts et celle de Quatre Mille Francs (4 000 F) en application de l'article 700 du NCPC, Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Service Antillais de Sécurité aux dépens de première instance, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; Condamne Patrick Jung aux dépens d'appel.