CA Montpellier, 2e ch., 22 septembre 1994, n° 93-4321
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SAG Chaussures (SA)
Défendeur :
Syndicat des commerçants Détaillants en Chaussures de Montpellier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ottavy
Conseillers :
MM. Derdeyn, Thibault-Laurent
Avoués :
SCP Jougla Gandini, Me Rouquette
Avocats :
Mes Arnould Premoli, De Cabissole.
Faits et procédure :
En juin 1992, considérant que la Société Sag Chaussures, pratiquait des soldes dans son magasin à l'enseigne Orcade rue de la Loge à Montpellier, hors de la période autorisée, le syndicat des commerçants détaillants en chaussures du District de Montpellier et de sa région faisant dresser constat le 22 juin 1992 par Me Nekadi huissier de justice.
Sur assignation délivrée à la requête du Syndicat des commerçants détaillants en chaussures à l'encontre de la Société SAG Chaussures le tribunal de commerce de Montpellier, a, par jugement du 25 mai 1993,
- condamné la société SAG Chaussures à payer au syndicat des commerçants détaillants en chaussures de Montpellier et sa région la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire
- alloué au syndicat des commerçants détaillants en chaussure la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC.
Le 30 juin 1993, la Société SAG Chaussures a relevé appel de cette décision.
Prétentions et moyens des parties :
La société SAG Chaussures demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter le Syndicat des Commerçants Détaillants de Montpellier et sa région de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 NCPC.
A titre subsidiaire la société appelante demande à la Cour de réduire dans de juste proportion le quantum des dommages intérêts.
A l'appui de sa demande la société SAG Chaussures soutient que le Syndicat des Commerçants Détaillants en chaussures de Montpellier n'apporte pas la preuve qu'elle aurait commis une infraction à la réglementation concernant les soldes, ce d'autant d'ailleurs, que l'opération faite au magasin Orcade n'était pas une opération de soldes mais uniquement une vente promotionnelle à prix barré laquelle n'est soumise à aucune autorisation administrative.
Subsidiairement la société SAG soutient que le Syndicat de Commerçants Détaillants en Chaussures de Montpellier ne justifie d'aucun préjudice autre qu'un préjudice symbolique.
Le Syndicat de Commerçants Détaillants en Chaussures du District de Montpellier et de sa région demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la Société SAG Chaussures à lui payer la somme de 7 000 F au titre de l'article 700 NCPC.
Au soutient de ses prétentions le Syndicat des Commerçants en Chaussures de Montpellier fait valoir que l'opération faite au magasin " Orcade " était une opération de soldes au sens de la loi de 1906 et ne pouvait donc être commencée, à cette période de l'année, avant le 8 juillet dans l'Hérault ; que cette opération, non autorisée, en dehors de la période fixée constitue un acte illicite de concurrence déloyale qui lui a occasionné un préjudice important justement évalué par les premiers juges.
Discussion :
Il est constant et non contesté par les parties que dans l'hérault les périodes de soldes sont fixées du 2 janvier au 2 mars pour la période de soldes d'hiver, et du 8 juillet au 8 septembre pour la période de soldes d'été.
Il est constant et non contesté que l'opération qui s'est déroulée en juin 1992 au magasin Orcade à Montpellier n'avait fait l'objet d'aucune autorisation administrative et n'avait pas lieu pendant la période fixée pour les soldes d'été...
Il convient donc de déterminer si comme le soutient le Syndicat des Commerçants Détaillants en Chaussure de Montpellier, il s'agissait d'une opération de soldes, ou si, au contraire, comme l'affirme la Société SAG Chaussures il ne s'agissait pas de soldes mais d'une vente qui peut être qualifiée de promotionnelle.
Il résulte du constat de Me Nekadi, huissier de justice que le 22 juin 1992 étaient apposées sur les portes du magasin des affiches portant la mention " Promotion du 15 juin au 19 juillet Orcade " et que dans les vitrines du magasin étaient exposées des chaussures dont les prix étaient affichés sur une affichette comportant un prix barré et un prix plus faible auquel la marchandises était offerte.
Il convient, au vu de constat et des photographies jointes, d'observer que c'était l'ensemble des marchandises offerte qui faisait l'objet d'un rabais.
De plus, force est aussi d'observer que les modèles photographiques sont des chaussures de ville basses d'été et ne sont pas présentées comme des nouveautés.
Une vente est promotionnelle que si elle a pour but, dans un temps limité, d'offrir des articles nouveaux à un prix inférieur à celui qui sera ensuite pratiqué, le rabais et la publicité ayant pour but de provoquer un premier achat et de créer une habitude d'achat, une telle opération ne se conçoit que si elle porte sur quelques articles nouveaux d'un magasin déjà installé sur la place soit sur l'ensemble des articles, sans limitation de quantité d'un magasin généralement nouvellement installé et qui entend ainsi se créer ou fidéliser une clientèle.
Au contraire, les soldes se font sur un stock déterminé, non destiné à être renouvelé et dont le commerçant entend se libérer rapidement.
Il n'est pas contesté par la société SAG Chaussures que l'opération visait la totalité des marchandises alors en stock dans le magasin, lequel était installé depuis un certain temps et il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'il ait pu s'agir d'un nouveau commerce.
Il y a donc lieu de considérer que l'opération litigieuse était une vente de soldes ayant pour but, en fin de saison commerciale à une période où les achats de chaussures d'été étaient déjà largement effectués, de liquider de façon accéléré un stock de marchandises déterminées qui auraient été démodées.
Il apparaît ainsi que l'opération pratiquée au magasin " Orcade " étant une opération de vente de soldes, le terme promotion n'a été utilisé que pour contourner la réglementation et entraîner une confusion dans l'esprit du consommateur, ce d'autant, que sur la place la période normale des soldes d'été s'ouvrait quelques jours après.
Cette opération de vente de soldes réalisée en infraction aux règles et aux usages est un acte de concurrence déloyale qui rompt l'égalité au préjudice de ceux qui exercent la même activité, respectent les dispositions réglementaires. Une telle opération porte donc atteinte à l'intérêt collectif de la profession représenté par le syndicat des commerçants détaillants en chaussures du district de Montpellier et sa région.
La Cour, estime cependant que l'allocation d'une somme de 100 000 F est suffisante pour réparer le préjudice né de l'atteinte à cet intérêt collectif.
L'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 NCPC conduit a allouer au Syndicat des Commerçants Détaillants en chaussures de Montpellier et de sa région une somme de 3 500 F.
Par ces motifs, La Cour : Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme, reçoit l'appel, Au fond, confirme en son principe le jugement déféré et le confirme en ce qu'il a alloué une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC au Syndicat des Commerçants et Détaillants en Chaussure de Montpellier, Pour le surplus, réforme le jugement déféré et statuant à nouveau condamne la Société AG Chaussures à payer au Syndicat des Commerçants Détaillants en chaussure du District de Montpellier et sa région la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts. Condamne la société SAG Chaussures à payer au Syndicat des Commerçants et Détaillants en Chaussures du District de Montpellier et de sa région la somme de 3 500 F au titre l'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 NCPC. Condamne la Société SAG Chaussures aux entiers dépens de première instance et d'appel ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.