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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. A, 22 septembre 1994, n° 93-2303

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Kick Self (Sté)

Défendeur :

Syndicat des Commerçants Détaillants en Chaussures de Montpellier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ottavy

Conseillers :

MM. Derdeyn, Thibault-Laurent

Avoués :

SCP Salvignol, Me Rouquette

Avocats :

Mes Travier, de Cabissole.

T. com. Montpellier, du 16 mars 1993

16 mars 1993

Faits et procédure

En mai 1992 la Société Kickers Distribution qui exploite sur la commune de Perols (Hérault) un magasin de vente de chaussures à l'enseigne Kick-Self faisait paraître une publicité annonçant du rabais de 30 % pendant 10 jours du 20 au 31 mai.

Considérant qu'il s'agissait en réalité d'une opération de vente de soldes, hors la période autorisée, le syndicat des commerçants et détaillants en chaussures du district de Montpellier assignait la Société Kick-Self en réalité Kickers Distribution pour voir réparer son préjudice subi du fait de cet acte de concurrence déloyale.

Par jugement en date du 16 mars 1993 le Tribunal de Commerce de Montpellier, a :

- condamné la Société Kick-Self à payer au syndicat des commerçants et détaillants en chaussures de Montpellier et sa région la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts

- condamné à payer la somme de 4 000 F au syndicat demandeur par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Le 14 avril 1993 la Société Kick-Self a relevé appel de cette décision.

Prétentions et moyens des parties

La Société Kickers Distribution demande à la Cour de dire la demande présentée par le Syndicat des commerçants détaillants en chaussures de Montpellier irrecevable pour défaut de qualité, ce au motif que le nom porté aux statuts de ce syndicat est " Syndicat des Commerçants détaillants en chaussures du district de Montpellier " et que l'assignation a donc été délivrée par une personne morale inexistante.

La Société Kickers Distribution demande à la Cour de réformer la décision déférée, de débouter le syndicat des Commerçants détaillants en chaussures de Montpellier et sa région de ses demandes.

Subsidiairement la Société Kickers Distribution demande à la Cour de fixer le préjudice subi par le Syndicat à la somme de 1 F.

En toutes hypothèses la Société Kickers Distribution demande à la Cour de condamner le syndicat demandeur à lui payer la somme de 5 000 F HT sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions la Société Kickers Distribution soutient que l'opération qu'elle a effectué n'est pas une vente de soldes mais une vente promotionnelle, laquelle n'est pas soumise aux dispositions de la loi du 30 décembre 1906 et de son décret d'application du 26 octobre 1962.

Subsidiairement, la société appelante soutient que le syndicat des commerçants détaillants en chaussures de Montpellier et sa région ne justifie d'aucun préjudice.

Le Syndicat des Commerçants Détaillants en chaussures du district de Montpellier et sa région demande à la Cour de rejeter la demande d'irrecevabilité au motif qu'il a conclu sous son appellation courante en précisant son siège et le nom de son Président ; que la Société Kickers Distribution, qui d'ailleurs a, elle même, fait son acte d'appel sous le nom de son enseigne, savait qui il était exactement.

Au fond le syndicat des Commerçants Détaillants en chaussures du district de Montpellier et de sa région demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la Société Kickers Distribution à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes le Syndicat des Commerçants Détaillants en chaussures du district de Montpellier fait valoir que l'opération faite au magasin Kickers était une opération de soldes au sens de la loi du 30 décembre 1906 et ne pouvait donc être commencée dans l'Hérault, à cette période de l'année avant le 8 juillet ; que cette opération non autorisée, en dehors de la période fixée constitue un acte illicite de concurrence déloyale qui lui a occasionné un préjudice important justement évalué par les Premiers Juges.

Discussion

Dans ses écritures, empreintes de mauvaise foi, la Société Kickers Distribution soutient que le demandeur n'a pas qualité pour agir car il n'a pas d'existence légale.

Or il apparaît qu'en réalité, ce n'est pas tant l'existence légale du Syndicat demandeur, dont elle avait été avisée du siège social et du nom du représentant légal, que conteste la Société Kickers Distribution mais le fait que le nom apparaissant en procédure dans les premiers actes n'était pas celui qui était régulièrement déposé. Cette différence de nomination n'était cependant pas de nature a entraîner pour la Société Kickers Distribution une méprise quelconque quant à l'adversaire qui la traduisait en justice.

La demande d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir sera donc rejetée.

Il est constant et non contesté par les parties que, dans l'Hérault, les périodes de soldes sont fixées du 2 janvier au 2 mars pour la période de solde d'hiver et du 8 juillet au 8 septembre pour la période de solde d'été.

Il est par ailleurs constant et non contesté que l'opération envisagée par la publicité diffusée par la Société Kickers Distribution n'avait fait l'objet d'aucune autorisation administrative et n'avait pas lieu pendant une période fixée pour les soldes.

Il convient donc de déterminer si, comme le soutient le syndicat des commerçants détaillants en chaussures du district de Montpellier l'opération pour laquelle la publicité était diffusée était une opération de soldes, ou si, au contraire, comme l'affirme la Société Kickers Distribution il ne s'agissait pas de soldes mais d'une vente promotionnelle.

Une vente est promotionnelle que si elle a pour but, dans un temps limité, d'offrir des articles nouveaux à un prix inférieur à celui qui sera ensuite pratiqué, ce rabais et la publicité ayant pour but de provoquer un premier achat et de créer une habitude d'achat ; une telle opération ne se conçoit que si elle porte sur quelques articles d'un magasin déjà installé sur la place soit sur l'ensemble des articles, sans limitation de quantité, d'un magasin, généralement nouvellement installé, et qui entend ainsi se créer ou fidéliser une clientèle.

Au contraire les soldes se font sur un stock déterminé, non destiné à être renouvelé et dont le commerçant entend se libérer rapidement.

Il résulte de la publicité diffusée pour l'opération en cause par la Société Kickers Distribution que les rabais de 30 % visaient l'ensemble de la marchandise mais il était précisé, dans une mention, d'ailleurs écrite en petits caractères dans un sens différent de l'ensemble du texte, sans doute pour que le consommateur n'y porte point attention, que l'opération était faîte dans la limite de stocks disponibles.

Il y a donc lieu de considérer que cette opération litigieuse était une vente de soldes ayant pour but de liquider, de façon accélérée un stock de marchandises déterminées, en dehors de toute perspective de réapprovisionnement en marchandises identiques pendant cette période, cette opération de vente de soldes réalisée en infraction aux règles et aux usages est un acte de concurrence déloyale qui rompt l'égalité au préjudice de ceux, qui exerçant la même activité, respectent ces dispositions réglementaires. Une telle opération porte donc atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat des commerçants détaillants en chaussures du district de Montpellier et sa région,c'est justement, que les Premiers Juges ont évalué le préjudice souffert de ce fait par le syndicat demandeur et il convient donc de confirmer leur décision.

L'application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile conduit à allouer au syndicat des commerçants détaillants en chaussures du district de Montpellier une somme de 5 000 F TTC.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, reçoit l'appel, Au fond, le dit injustifié, Rejette la demande d'irrecevabilité présentée par la Société Kickers Distribution. Confirme le jugement déféré qui produira son plein et entier effet. Y ajoutant condamne la Société Kickers Distribution à payer, en cause d'appel, au Syndicat des Commerçants Détaillants en chaussures du district de Montpellier et sa région la somme de 5 000 F TTC par application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile. Condamne la société Kickers Distribution aux entiers dépens de première instance et d'appel, les derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.