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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 20 septembre 1994, n° 92-008441

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Chauffage (SA)

Défendeur :

Habitat Confort d'Alsace (SA), Villin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mme Mandel, M. Brunet

Avoués :

Mes Lecharny, Melun

Avocats :

Mes Resman, Zerah, Jung.

T. com. Paris, 17e ch., du 11 déc. 1991

11 décembre 1991

FAITS ET PROCEDURE

La SA France Chauffage a constitué différents réseaux de franchise au moyen de contrats conclus avec des entreprises réalisant des installations de chauffage, de tous types et de toutes marques, implantées sur l'ensemble du territoire français.

Quelques-unes des entreprises franchisées se sont, en outre, vu attribuer la qualité d'entreprise pilote, ont reçu, en tant que telles, une mission d'organisation et d'animation du réseau dans leur secteur territorial, en exécution d'un contrat spécifique, et bénéficient d'une rémunération particulière versée par France Chauffage sous la forme d'un pourcentage des recettes provenant de l'ensemble des commissionnements émanant des partenaires référencés du franchiseur.

A la fin de l'année 1989 et au début de l'année 1990, deux des franchisés pilotes ont quitté le réseau à la suite de désaccords avec France Chauffage, la SA Habitat Confort d'Alsace et la SA P. Villin.

Par deux actes distincts du 11 mars 1991, ces sociétés ont assigné France Chauffage devant le Tribunal de commerce de Paris pour voir notamment juger que leurs contrats de franchise avaient été résiliés unilatéralement et aux torts de France Chauffage et voir condamner celle-ci à leur payer diverses sommes au titre de leurs commissions et à titre de dommages et intérêts. M. Christian Grandjean, président directeur général d'Habitat Confort d'Alsace, s'est joint à l'action de sa société et a formulé des demandes propres.

Six autres franchisés pilotes ont, par ailleurs, assigné, suivant exploit du 4 novembre 1991, les sociétés Villin et Habitat Confort d'Alsace et leurs présidents respectifs, MM. Villepoux et Grandjean, en paiement de dommages et intérêts.

France Chauffage a conclu au débouté et à la résiliation des contrats d'Habitat Confort d'Alsace et Villin aux torts de ces dernières, et a formulé des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et en restitution de certaines des commissions versées antérieurement. Toutes les parties ont sollicité le bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 11 décembre 1991, le Tribunal (17e Chambre), après avoir joint les instances, a :

- déclaré résiliés les contrats de franchise et les conventions de pilote conclus avec les demanderesses principales, aux torts de France Chauffage en ce qui concerne ceux d'Habitat Confort d'Alsace et aux torts de Villin en ce qui concerne cette dernière,

- déclaré dues les commissions de pilote des deux sociétés pour l'année 1990,

- condamné France Chauffage à payer

* à Habitat Confort d'Alsace, les sommes de 66 495, 76 F avec intérêts légaux à compter du 11 mars 1991 et de 100 000 F à titre de provision sur leurs commissions de pilote et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* à Villin, la somme de 75 000 F avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 1990,

- condamné Villin à payer à France Chauffage la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts,

- condamné France Chauffage à rembourser ou faire rembourser à Villin la somme de 5 000 F représentant le prix d'achat d'actions,

- enjoint sous astreinte à Villin de respecter les clauses de non-concurrence contenues dans les contrats de franchise,

- enjoint de même à Villin et à Habitat Confort d'Alsace de restituer à France Chauffage les documents et matériels à ses marques, de faire disparaître les enseignes et agencements spécifiques liés à leur ancienne qualité de franchisés et de respecter divers autres engagements résultant des contrats résiliés,

- débouté " quant à présent " France Chauffage de sa demande en paiement de la somme de 61 481, 55 F au titre d'un dépassement d'objectif,

- avant dire droit sur le montant des commissions de pilote, commis en qualité de constatant M. Gilbert Dabi avec mission de procéder à son calcul,

- ordonné l'exécution provisoire d'une partie des condamnations pécuniaires et des injonctions sous astreinte,

- débouté de leurs autres demandes toutes les parties, et notamment M. Grandjean et les autres franchisés intervenants.

France Chauffage et Villin ont interjeté appel respectivement les 12 et 16 mars 1992.

Villin a conclu les 10 juillet 1992 et 5 mai 1994 à la confirmation en ce que le jugement lui a alloué une provision sur commissions et ordonné une mesure d'instruction, mais à l'infirmation pour le surplus, à l'annulation ou, subsidiairement, à la résiliation des contrats de franchise conclus avec France Chauffage et de l'avenant de renouvellement du 6 août 1990, et à la condamnation de France Chauffage à lui payer les sommes de 200 000 F et 400 000 F à titre de dommages et intérêts pour résiliation des contrats de pilote et de franchise, 54 315, 29 F à titre de prime de dépassement d'objectif, 25 000 F en restitution des primes versées lors de la signature de l'avenant de renouvellement, 5 000 F au titre du prix d'acquisition d'actions de France Chauffage et enfin 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

France Chauffage, par conclusions des 15 octobre 1992 et 19 mai 1993, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de Villin et d'Habitat Confort d'Alsace et demande à la Cour de :

- constater ou, au besoin, prononcer la résiliation des contrats conclus avec Habitat Confort d'Alsace aux torts de celle-ci,

- condamner Habitat Confort d'Alsace à lui payer les sommes de 500 000 F à titre de dommages et intérêts et 46 491, 98 F à titre de remboursement de versements indus,

- condamner sous astreinte Habitat Confort d'Alsace à lui restituer les documents et matériels qu'elle détient en exécution des contrats susvisés et à faire disparaître les agencements, installations et enseignes portant la marque France Chauffage,

- débouter Villin de toutes ses demandes,

- lui faire les mêmes injonctions et défenses qu'à Habitat Confort d'Alsace et lui interdire, en outre, de divulguer les informations qu'elle posséderait sur le savoir-faire de France Chauffage,

- lui enjoindre de produire ses bilans des années 1985 à 1990,

- la condamner à lui payer la somme de 66 1155, 45 F à titre de répétition d'indu,

- condamner Habitat Confort d'Alsace et Villin à lui payer chacune 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Habitat Confort d'Alsace a conclu les 8 mars et 3 septembre 1993 à la confirmation du jugement, au débouté de France Chauffage de toutes ses demandes et à sa condamnation aux dépens ainsi qu'à une indemnité pour frais irrépétibles de 30 000 F. Elle a sollicité en outre, par voie d'appel incident, la condamnation de France Chauffage à lui payer 600 000 F à titre de dommages et intérêts.

Par de nouvelles écritures du 26 avril 1994, prises au vu du rapport M. Dabi, elle demande à la Cour d'évoquer sur la question du montant des commissions dues par France Chauffage et de lui allouer, à ce titre, la somme de 234 317, 02 F calculée par le constatant, sous déduction de la provision fixée par le jugement, ainsi qu'une indemnité supplémentaire de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. France Chauffage s'oppose à cette demande par conclusions additionnelles du 5 mai 1994.

M. Grandjean, M. Villepoux et les six autres franchisés intervenus en première instance n'ont pas interjeté appel et n'ont pas été intimés ;

Cela exposé, LA COUR,

qui se réfère au jugement entrepris pour un exposé plus complet des faits, de la procédure antérieure et des moyens des parties en première instance,

Considérant que, malgré leur connexité, les instances opposant France Chauffage à Villin d'une part, à Habitat Confort d'Alsace de l'autre, nécessitent l'examen distinct des griefs réciproques des parties qui sont à l'origine de la rupture des relations contractuelles ainsi que des demandes qui sont la conséquence de cette rupture ;

Sur les griefs réciproques de France Chauffage et Villin

Considérant que Villin a démissionné de ses fonctions de franchisé pilote du réseau France Chauffage par lettre recommandée avec avis de réception du 12 octobre 1990 en invoquant des litiges qui l'aurait opposée à deux filiales du groupe ;

Considérant que, pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a estimé qu'il s'agissait là d'un motif insuffisant et en a conclu que la décision de rupture était fautive, Villin a, tout d'abord, fait valoir que sa décision était justifiée par l'attitude du franchiseur qui, après lui avoir versé avec retard ses commissions de l'année 1989, avait refusé de lui payer celles des trois premiers trimestres de 1990 ;

Qu'elle ajoutait que, compte tenu du lien de connexité existant entre le contrat de franchise et celui de franchisé pilote, la cessation des effets du premier ne pouvait qu'entraîner la rupture du second, ce qui expliquait qu'elle ait, par son courrier du 12 octobre 1990, demandé qu'il soit également mis fin à ce dernier ;

Considérant que France Chauffage se réfère, à cet égard, à la motivation déjà résumée du Tribunal sur l'inexactitude du motif de rupture allégué et soutient, au surplus, que les commissions de 1990 ne pouvaient être dues, Villin n'étant pas en mesure de justifier d'une activité de pilote au cours de l'année en question ;

Qu'elle fait, en outre, grief à Villin d'avoir diffusé, au mois de novembre 1990, une lettre circulaire aux franchisés et aux fournisseurs du réseau les informant des " vraies raisons " de la rupture, lettre dans laquelle elle voit une manœuvre de déstabilisation ;

Considérant que ce n'est que par des développements ultérieurs de ses écritures qu'elle argue de nullité les contrats de franchise au motif qu'ils ne respecteraient pas les dispositions d'ordre public de l'article 1er alinéas 1 et 3 de la loi du 31 décembre 1989;

Considérant, sur ce moyen de nullité, que la logique commande d'examiner avant celui relatif aux circonstances de la résiliation bien qu'il soit formulé après, que les contrats litigieux sont antérieurs à la date d'entrée en vigueur de la loi précitée comme remontant au mois d'avril 1985 et conclus pour une période de cinq ans expirant le 15 avril 1990;

Que l'avenant, qui est seul postérieur aux dispositions légales invoquées puisque daté du 6 août 1990, se borne à stipuler que le contrat antérieur est renouvelé pour une période de cinq ans du 15 avril 1990 au 15 avril 1995 et à mentionner quelques éléments chiffrés, sans constituer une convention réellement nouvelle par son contenu;

Que, de ce fait, les informations que le franchiseur est tenu de communiquer préalablement à la signature du contrat étaient nécessairement connues depuis longtemps par Villin;

Que le moyen de nullité tiré par celle-ci prétendue violation des dispositions nouvelles est donc infondé ;

Considérant, sur la résiliation, que les premiers juges ont à bon droit retenu que la lettre du 12 octobre 1990 ne contenait aucune allusion à un défaut de paiement des commissions de pilote ;

Que ce n'est que par ses courriers postérieurs que Villin a, dans le cadre du règlement amiable des questions en litige entre les deux sociétés, fait état de sa créance de commissions, après avoir précisé qu'en l'absence de réponse à sa lettre du 12 octobre 1990, elle considérait que sa démission avait été acceptée ;

Considérant qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que la question des commissions était la cause réelle de sa démission ;

Considérant, que le seul motif allégué de celle-ci, qu'il ne résulte pas des documents versés aux débats que les litiges survenus avec deux entreprises, les sociétés CFC et Grolinger, qui, pour être toutes deux dirigées par M. Benyaich, par ailleurs président directeur général de France Chauffage, n'en étaient pas moins distinctes, aient été d'une gravité telle qu'ils aient pu justifier la rupture sans respect du préavis contractuel d'un contrat de franchise en vigueur depuis plus de cinq ans ;

Que c'est donc à juste titre que le jugement entrepris a dit que la rupture ainsi décidée était imputable à faute à Villin et justifiait une réparation ;

Considérant que, par ailleurs, France Chauffage fait grief à Villin de s'être livrée à une opération de déstabilisation de son réseau en adressant à ses franchisés et à ses fournisseurs une lettre circulaire contenant des allégations critiques, voire dénigrantes à son égard ;

Considérant que la lettre en question, sur laquelle Villin ne fournit aucune explication précise, se présente sous la forme de trois feuillets par lesquels, après avoir annoncé sa décision de se retirer du réseau France Chauffage, M. Villepoux, président directeur général, sous le titre " les vraies raisons de ma démission ", résume en deux pages les litiges qui l'ont opposé à son franchiseur sous les rubriques " Non respect du contrat de pilote " et " surcoûts et surprises de la franchise " ;

Qu'il conclut notamment en ces termes :

" Cela mériterait un article en presse professionnelle sur les Pièges de la Franchise " et " Si dans l'avenir on vous propose d'autres Bonnes Affaires, un bon conseil Soyez Prudents et Restez Vigilants " ;

Considérant que de tels propos, diffusés par un franchisé pilote immédiatement après qu'il ait cessé d'exercer des responsabilités importantes au sein du réseau, étaient de nature à jeter sur l'ensemble de l'organisation de France Chauffage un discrédit particulièrement grave et constituaient donc un acte de dénigrement caractérisé et préjudiciable justifiant également une réparation;

Considérant qu'eu égard à l'importance du trouble commercial résultant tant de la brusque rupture des contrats de franchise et de franchisé pilote que de la diffusion du courrier qui vient d'être résumé, le Tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice de France Chauffage en allouant à celle-ci une somme de 200 000 F ;

Considérant que Villin, aux torts de laquelle est intervenue la rupture des relations contractuelles entre les parties, est au contraire mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et que le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il l'en a déboutée ;

Sur les autres demandes réciproques de France Chauffage et de Villin

* Sur les demandes en paiement et en restitution de commissions

Considérant qu'au vu du rapport de M. Dabi, constatant, déposé en cours d'instance, Villin sollicite la condamnation de France Chauffage à lui payer, au titre de ses commissions de l'année 1990, la somme de 177 148, 17 F avec intérêts légaux à compter du jour de la demande ;

Considérant que France Chauffage, après avoir soutenu dans ses conclusions du 19 mai 1993, que la demande de ce chef était infondée en son principe du fait que Villin n'avait eu aucune activité réelle en tant que pilote au cours de l'année 1990, se borne, par ses dernières écritures, à s'opposer à la demande d'évocation sur ce point au vu notamment du jugement du 10 mars 1994 par lequel le Tribunal a sursis à statuer sur le rapport de M. Dabi dans l'attente du présent arrêt ;

Considérant, sur le principe de la créance, qu'il est constant que les contrats liant les parties sont demeurés en vigueur jusqu'à la décision de rupture de Villin en date du 12 octobre 1990 ;

Considérant qu'en dehors d'une lettre datée du 11 mars 1991 par laquelle un sieur Leblanc exprime son mécontentement au sujet d'une intervention remontant à l'année 1989, France Chauffage n'établit en aucune manière que Villin n'ait pas, au cours des trois premiers trimestres de 1990, correctement exécuté ses obligations de pilote ;

Que, d'ailleurs, les calculs du constatant font apparaître que France Chauffage a réalisé, au cours de cette période, un chiffre d'affaires important dans le secteur territorial de Villin ;

Considérant que c'est donc avec raisons que les premiers juges ont admis que celle-ci était fondée à réclamer le montant de ses commissions ;

Considérant que, le bien fondé de la demande étant acquis en son principe, l'évocation sollicitée par Villin permettra de donner sans délai supplémentaire une solution définitive au litige, étant observé que France Chauffage n'a formulé, même à titre subsidiaire, aucune observation sur les calculs de M. Dabi ;

Considérant toutefois que la somme de 177 148,17 F mentionnée dans les dernières conclusions de Villin ne correspond pas à celle retenue par le technicien, laquelle est, en réalité, de 147 623, 47 F ;

Qu'en l'absence de discussion sur ce point, c'est cette somme seule qui doit être retenue ; qu'elle sera majorée des intérêts légaux à compter du jour de la demande et qu'il en sera déduit le montant de la provision de 75 000 F allouée par le jugement, si elle a été versée ;

Considérant d'autre part que, dès lors qu'est acquis le principe du droit à commissions de Villin, France Chauffage ne peut qu'être déboutée de sa demande en restitution des sommes versées à ce titre pour l'année 1989 ;

* Sur les primes de dépassement d'objectif

Considérant que Villin, déboutée de ce chef en première instance faute de justification comptable à l'appui de cette demande, précise, par ses conclusions d'appel, le mode de calcul des primes en question pour la période comprise entre le mois de mai 1988 et septembre 1990 et verse aux débats copie de l'article 8 du contrat de franchise relatif à cet avantage particulier ;

Considérant que France Chauffage ne répond pas sur ce point ;

Qu'en l'absence de discussion de sa part des bases de calcul proposées, il y a lieu de faire droit à la demande ;

* Sur les sommes de 25 000 F et 5 000 F versées par Villin

Considérant que, dans la mesure où la résiliation des contrats liant les parties intervient aux torts de Villin et n'a aucun caractère rétroactif, la restitution de la première de ces sommes, dont le rôle exact n'est pas précisé, n'apparaît pas justifié ;

Considérant au contraire qu'à juste titre, le Tribunal a estimé que l'acquisition d'actions de France Chauffage au moment du renouvellement du contrat était le corollaire de la poursuite des rapports d'affaires des parties et que la rupture de ceux-ci devait entraîner le remboursement du prix versé ;

* Sur la demande relative à l'application de la clause de non-concurrence

Considérant que Villin ne discute pas spécialement, par ses écritures d'appel, les dispositions par lesquelles le Tribunal lui a fait injonction, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard, de respecter les engagements résultant des articles 24 et 21 du contrat de franchise relatifs à l'obligation de non-concurrence après rupture ;

Que France Chauffage se borne à reprendre les termes de ces engagements en demandant que l'astreinte soit portée à 5 000 F par infraction ;

Considérant qu'en l'absence de réelle discussion sur l'application de la clause, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point, le montant de l'astreinte tel qu'arbitré par les premiers juges apparaissant suffisant ;

* Sur les demandes de restitution des matériels et documents et de suppression des installations et enseignes spécifiques de France Chauffage

Considérant que, sur ces points encore, France Chauffage se borne à solliciter la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne le montant de l'astreinte, cependant que Villin ne le critique pas ;

Que, pour les mêmes motifs que ci-dessus, la confirmation pure et simple s'impose ;

* Sur la demande de production des bilans de la société Villin pour les années 1985 à 1990

Considérant que, pas plus qu'en première instance, France Chauffage ne justifie cette demande, qui n'aurait d'intérêt que si la production sollicitée devait permettre d'éclairer la Cour sur un élément du litige qu'elle ne serait pas en mesure de trancher en l'état ;

Qu'il convient donc de confirmer la décision de débouté prononcée de ce chef ;

Sur les griefs réciproques de France Chauffage et Habitat Confort d'Alsace

* Sur la responsabilité de la rupture des contrats

Considérant que Habitat Confort d'Alsace, dont le président directeur général, M. Grandjean, est un ancien cadre de France Chauffage, a été constituée au mois d'avril 1989, France Chauffage entrant dans son capital à concurrence de 25 % ;

Qu'elle a souscrit peu après un contrat de franchise et un contrat de franchisé pilote, le second étant, curieusement, antérieur en date puisque signé le 1er juillet 1989 alors que le premier est du 15 juillet ;

Considérant que les premiers mois de la collaboration des parties paraissent s'être écoulés dans un climat de confiance mutuelle, puisque M. Grandjean a été chargé par France Chauffage de l'organisation de son troisième congrès national, tenu à Strasbourg les 31 août et 1er septembre 1990 ;

Considérant que les difficultés ont commencé à apparaître au cours du second semestre de 1990 au sujet de la libération par France Chauffage de sa quote-part du capital de Habitat Confort d'Alsace et de la position de M. Grandjean quant à la situation créée par la démission de M. Villepoux (en réalité, de la société Villin, qu'il dirigeait) ;

Considérant que par lettre du 30 novembre 1990, Habitat Confort d'Alsace a évoqué ces difficultés en faisant notamment allusion à un entretien qui se serait déroulé à Paris le 13 novembre entre les dirigeants des deux sociétés, se plaignant d'être restée dans l'incertitude après que M. Benyaich (France Chauffage) ait évoqué ses " intentions de rupture " et demandant à être fixée au plus tôt sur la question de la rémunération des pilotes depuis le 1er janvier 1990 et sur la suite réservée par le franchiseur à ses propositions d'action ;

Considérant que, par deux lettres recommandées avec avis de réception, rédigées en termes à peu près identiques, des 19 et 21 décembre 1990, le conseil d'Habitat Confort d'Alsace, après avoir rappelé ces demandes, a indiqué à France Chauffage que sa cliente considérait que les relations contractuelles avaient été rompues à la suite de l'entretien avec M. Benyaich, lui exposait qu'une telle situation pouvait s'analyser en une faute de nature à entraîner la résiliation des contrats aux torts de France Chauffage et lui demandait à nouveau, de manière pressante, de préciser ses intentions sur les questions restant en litige ;

Considérant que France Chauffage a répondu par une lettre du 4 janvier 1991 par laquelle elle faisait l'historique des relations des parties et formulait des critique sur le comportement de M. Grandjean et d'Habitat Confort d'Alsace, mais sans fournir de réponse précise aux questions posées et en concluant que de tels agissements (il s'agit de ceux de M. Grandjean) étaient " incompatibles avec la qualité de franchisé pilote du réseau France Chauffage " ;

Considérant qu'elle n'a pas élevé d'objection à la lettre du 14 janvier 1991 par laquelle le conseil d'Habitat Confort d'Alsace déclarait, au nom de sa cliente, prendre acte de décision d'exclure celle-ci du réseau ;

Considérant qu'en l'état de ces circonstances, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'elle avait unilatéralement rompu les contrats de franchise et de pilote des 15 et 1er juillet 1989 ;

Considérant que, pour justifier son attitude, France Chauffage soutient qu'Habitat Confort d'Alsace avait, en de nombreuses circonstances, manqué aux obligations que lui imposaient lesdits contrats, notamment en " se liguant " avec la société Villin et son président (M. Villepoux) contre M. Benyaich en vue de " déstabiliser " son réseau et de tenter de provoquer des ruptures au sein de celui-ci, et en faisant preuve de carence dans l'exécution de sa mission de pilote ;

Considérant qu'elle produit, à l'appui de ses dires, un certain nombre d'attestations faisant état de divergences publiquement affirmées par M. Grandjean avec sa propre direction, de propos " extrêmement négatifs " sur M. Benyaich, et de violation par Habitat Confort d'Alsace des clauses relatives aux limites territoriales de sa franchise ;

Mais considérant qu'Habitat Confort d'Alsace souligne, non sans raison, que toutes ces attestations émanent d'autres franchisés de France Chauffage dont plusieurs étaient d'ailleurs parties contre elle devant le Tribunal, ce qui les rend quelque peu suspectes ;

Considérant que ces attestations sont d'ailleurs contredites par d'autres, produites par Habitat Confort d'Alsace, dont les auteurs soulignent la compétence, le sérieux et le dévouement de M. Grandjean dans l'exercice de ses fonctions, notamment pour l'animation du réseau et l'assistance aux autres franchisés ;

Considérant que, si l'on peut certes estimer que ces derniers témoignages n'offrent pas plus de garanties d'impartialité que les précédents, du moins justifient-t-ils que ceux-ci soient examinés avec quelque réserve, étant observé que c'est France Chauffage qui, ayant pris la décision de rompre les contrats, a la charge de la preuve des griefs invoqués à cet effet ;

Considérant qu'à juste titre également, Habitat Confort d'Alsace fait valoir qu'à aucun moment, avant la rupture des relations contractuelles, France Chauffage ne lui avait adressé la moindre lettre de reproche ou de mise en garde, ce qui eût été normal si elle avait eu à se plaindre de carences de sa part ou de violations de ses engagements ;

Considérant encore qu'en dehors des griefs dont il vient d'être fait état, France Chauffage n'a fourni aucune explication satisfaisante du fait qu'elle n'ait pas versé sa quote-part du capital d'Habitat Confort d'Alsace, bien qu'elle ait été invitée expressément à le faire, notamment par la lettre de M. Grandjean du 19 décembre 1990, ce qui a abouti à la vente aux enchères de ses actions par le ministère de Maître Philipps, notaire à Marlenheim (Haut-Rhin), le 1er avril 1991 ;

Considérant qu'au vu de ces éléments et abstraction faite de griefs réciproques de moindre importance et difficilement vérifiables, c'est à juste titre que le Tribunal a estimé que France Chauffage devait supporter la responsabilité de la brusque rupture des contrats et en réparer les conséquences dommageables pour la société franchisée ;

* Sur le préjudice d'Habitat Confort d'Alsace

Considérant que, tout en s'estimant non entièrement remplie de ses droits, Habitat Confort d'Alsace accepte l'estimation des premiers juges qui ont, au vu des justificatifs produits, fixé à 66 495, 67 F le montant des frais qu'elle a du exposer pour sa reconversion après qu'elle ait cessé de faire partie du réseau France Chauffage ;

Qu'elle produit, à cet effet, un certain nombre de factures relatives à la fourniture et à la pose d'enseignes, à la décoration d'un véhicule et à la confection de factures, cartes de visite et documents commerciaux divers qui justifient cette estimation, au demeurant non contestée dans son détail ;

Considérant par ailleurs qu'il résulte de nombreux documents relatifs aux premiers mois de son activité qu'elle s'était largement investie dans son rôle de franchisé et de pilote, de sorte que la perte des revenus qu'elle retirait de cette double fonction lui a occasionné un préjudice important ;

Qu'en outre, elle avait commencé à se faire connaître de sa clientèle en tant que membre du réseau France Chauffage et a du, peu de temps après sa création, se donner une nouvelle image de marque en dehors de celui-ci ;

Considérant toutefois que la somme de 600 000 F qu'elle sollicite de ce chef par voie d'appel incident apparaît nettement exagérée et que la Cour dispose d'éléments suffisants pour confirmer, sur ce point, l'estimation des premiers juges qui ont chiffré globalement son préjudice commercial à 100 000 F ;

* Sur la demande en paiement des commissions de pilote

Considérant que, dans les circonstances déjà rappelées ci-avant, M. Dabi, commis en qualité de constatant par le jugement entrepris, a déposé son rapport et que le Tribunal a sursis à statuer sur le montant des commissions jusqu'à ce que la Cour se soit prononcée sur l'appel dudit jugement ;

Considérant que, toujours pour les raisons développées plus haut et qui valent pour le litige intéressant Habitat Confort d'Alsace au même titre que pour celui opposant France Chauffage à Villin, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de faire droit à la demande d'évocation et de statuer au vu des conclusions du technicien commis ;

Considérant que celui-ci chiffre à 234 317, 02 F le montant des commissions dues à Habitat Confort d'Alsace ;

Considérant que France Chauffage ne discute pas cette somme et se contente de soutenir qu'Habitat Confort d'Alsace ne peut, du fait de sa carence en tant que franchisé pilote, prétendre à ses commissions, moyen qui se trouve infondé dès lors qu'il a déjà été dit que les griefs articulés sur ce point n'étaient pas justifiés ;

Considérant que, dans ces conditions, il convient d'entériner purement et simplement l'avis du constatant et d'allouer à Habitat Confort d'Alsace la somme proposée, sauf à préciser qu'en sera déduit le montant de la provision allouée par le jugement, dont le versement est reconnu, le solde ressortant à :

234 317, 02 - 100 000, 00 = 134 317, 02 F ;

Que cette somme sera assortie des intérêts légaux à compter du jour de la demande ;

* Sur les demandes de France Chauffage

Considérant que, France Chauffage ayant déjà été déclarée ci-avant infondée à refuser le paiement des commissions de pilote d'Habitat Confort d'Alsace pour l'année 1990, elle ne peut, à plus forte raison, qu'être déboutée de sa demande en remboursement de celles de l'année précédente, rien ne permettant de dire que le franchisé ait, au cours de cette période, manqué à ses obligations ;

Considérant que, la rupture des contrats de franchise et de pilote étant jugée imputable à France Chauffage, celle-ci ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice qui en serait résulté pour elle ;

* Sur les demandes de France Chauffage relatives à la clause de non-concurrence, aux restitutions de matériels et à la suppression d'enseignes et d'installations spécifiques

Considérant que France Chauffage reprend à l'encontre d'Habitat Confort d'Alsace des demandes identiques à celles formulées des mêmes chefs contre Villin et auxquelles le Tribunal a fait droit ainsi que rappelé ci-dessus ;

Considérant qu'Habitat Confort d'Alsace ne conteste pas le bien fondé de ces demandes et se borne à indiquer dans les motifs de ses conclusions qu'elles sont devenues sans objet du fait qu'elle a spontanément tiré les conséquences de la résiliation des contrats à cet égard, sans toutefois en fournir la preuve ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au sujet de la demande dirigée contre Villin, il y a lieu de confirmer purement et simplement le jugement de ces chefs ;

Sur les frais de l'instance

Considérant que le jugement a mis à la charge de France Chauffage la totalité des dépens de première instance, à l'exception de ceux relatifs à la procédure introduite par les six franchisés pilotes qui ne sont pas en cause d'appel ;

Considérant que, devant la Cour, chacune des parties sollicite la condamnation de son adversaire direct aux dépens de première instance et d'appel ;

Considérant que France Chauffage succombe pour l'essentiel dans le litige qui l'oppose à Habitat Confort d'Alsace, cependant qu'elle triomphe contre Villin, sauf sur la question des commissions de pilote et sur celle de la prime de dépassement d'objectif ;

Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu de dire que les dépens de première instance et d'appel, dont il sera fait masse, seront supportés :

- par France Chauffage et Villin dans la proportion d'un tiers et deux tiers respectivement pour ceux afférents à l'instance qui les oppose,

- par France Chauffage en totalité pour ceux afférents à l'instance l'opposant à Habitat Confort d'Alsace,

étant précisé que la rémunération du constatant Dabi sera imputée par moitié à chacune desdites instances ;

Considérant que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de faire application au profit d'Habitat Confort d'Alsace seule des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de lui allouer de ce chef, au titre des frais irrépétibles engagés devant le Tribunal et la Cour, une somme globale de 15 000 F, les deux autres parties gardant à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés ;

Par ces motifs, Statuant dans les limites de l'appel, Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à la prime de dépassement d'objectif réclamée par la société P. Villin, aux dépens et aux frais non taxables de première instance et d'appel ; Condamne la société France Chauffage à payer à la société P. Villin la somme de 54 315, 29 F (cinquante quatre mille trois cent quinze francs vingt neuf centimes) à titre de prime de dépassement d'objectif ; Evoquant sur la question du montant des commissions de franchisé pilote, condamne la société France Chauffage à payer - à la société P.Villin, la somme de 147 623, 47 F (cent quarante sept mille six cent vingt trois francs quarante sept centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 1991, sauf à en déduire le montant de la provision allouée par le jugement du 11 décembre 1991, si elle a été versée, - à la société Habitat Confort d'Alsace, la somme de 134 317, 02 F (cent trente quatre mille trois cent dix sept francs deux centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 1990 ; Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés - par les sociétés France Chauffage et P. Villin, à concurrence d'un tiers et deux tiers respectivement, pour ceux afférents à l'instance qui les oppose, - par la société France Chauffage en totalité pour ceux afférents à l'instance qui l'oppose à la société Habitat Confort d'Alsace, étant précisé que les honoraires de M. Dabi, constatant, seront imputés pour moitié à chacune des instances, et admet, pour ceux d'appel, les avoués de la cause au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société France Chauffage à payer à la société Habitat Confort d'Alsace, au titre de ses frais non taxables de première instance et d'appel, la somme de 15 000 F (quinze mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les sociétés France Chauffage et P. Villin de leurs demandes respectives au titre du même article.