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Décisions

CA Nîmes, 2e ch., 9 juin 1994, n° 93-2340

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Espace Diffusion (SARL)

Défendeur :

Garage Chabas (Sté), Garage Bernard (Sté), Garage Berbiguier (Sté), Vauclusienne de distribution automobile (Sté), Henri Brun automobiles Sovra (Sté), Automobile des remparts (Sté), Établissements Danse et Compagnie, Nord Vaucluse Auto (Sté), Garage Royal (Sté), Gemelli (Sté), Auto Leader (Sté), Barberio automobiles (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Conseillers :

MM. Favre, Filhouse

Avoués :

Me d'Everlange, SCP Guizard

Avocats :

Mes Beraud, Graugnard.

T. com. Avignon, prés., du 19 mai 1993

19 mai 1993

Faits, procédure et prétentions des parties :

Par une ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce d'Avignon en date du 19 mai 1993, il a été ordonné à la société Espace Diffusion de mettre ses panneaux publicitaires en conformité avec les prescriptions du règlement CEE 123-85 et de sa clarification communiquées le 18 décembre 1991 sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée à compter de la quinzaine suivant la signification de l'ordonnance.

Le juge des référés a interdit à la société Espace Diffusion de vendre sans mandat écrit préalable des véhicules de marque Citroën, Peugeot, Renault, Fiat, Opel et Nissan neufs ou immatriculés depuis moins de trois mois et ce sous astreinte de 50 000 F par infraction constatée à compter de la quinzaine suivant la signification de l'ordonnance, a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par les concessionnaires demandeurs et a condamné la société Espace Diffusion à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 1 000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les concessionnaires des marques, Citroën, Peugeot, Renault, Fiat, Opel et Nissan du département du Vaucluse avaient assigné devant le tribunal de commerce d'Avignon en référé la société Espace Diffusion au motif que, exerçant la profession de revendeur et de mandataire pour l'achat dans la communauté européenne de véhicules neufs ou d'occasion datant de moins de trois mois, cette société n'exigeait pas de ses clients des mandats préalables en vue de l'achat d'un véhicule dans la communauté et tout au contraire faisait paraître des publicités dans la presse aux termes desquels elle se présentait comme un revendeur de véhicules neufs ou d'occasion de moins de trois mois dans toute la communauté européenne.

A l'appui de leur demande les concessionnaires s'appuyaient en droit sur le règlement communautaire numéro 123-85 lequel précisait qu'un mandataire doit faire sa publicité sans rendre possible dans l'esprit des acheteurs potentiels une confusion avec un revendeur, qu'il ne pouvait en outre exposer à la vente que des voitures déjà vendues par ses soins à des mandants, qu'il ne peut exposer qu'un modèle de voiture particulier à condition de faire ressortir qu'il agit comme un intermédiaire prestataire de service et qu'il doit ajouter que ces modèles ne sont pas à vendre en sorte qu'il lui est interdit d'introduire la moindre confusion dans l'esprit du public quant à sa qualification de mandataire n'appartenant pas à un réseau de distribution des constructeurs en particulier.

En fait les demandeurs se prévalaient d'encarts publicitaires dans lesquels la qualité de mandataire n'était pas expressément définie, qu'elle introduisait dans l'esprit du public une confusion entre l'activité de revendeur et de mandataire, qu'en outre la société Espace Diffusion avait exposé des véhicules de faibles kilométrages sans indiquer que ces véhicules n'étaient pas à vendre et qu'ils appartenaient à des mandants qui les avaient achetés ou bien qu'ils appartenaient à la société Espace Diffusion.

Le juge des référés a fait droit à la demande des concessionnaires sauf à les renvoyer devant le juge du fond en ce qui concerne la provision qu'ils sollicitaient sur d'éventuels dommages et intérêts.

La société Espace Diffusion sollicite de la Cour la réformation de la décision déférée et la condamnation des demanderesses à lui payer une somme de 11 860 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société espace Diffusion soutient qu'elle se plie au règlement communautaire, qu'elle agit toujours en qualité de mandataire déclaré des utilisateurs de véhicules achetés, que sa publicité est conforme au règlement de la communauté européenne et qu'il convient donc de rejeter la demande des concessionnaires.

En réplique les concessionnaires automobiles sollicitent par appel incident la condamnation de la société SARL Espace Diffusion à leur payer à chacune la somme de 50 000 F à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice causé outre celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les concessionnaires font valoir que le règlement 123-85 de la communauté européenne accorde une exemption au principe de distribution et de service de vente et d'après vente de véhicules automobiles en permettant à des intermédiaires, régulièrement mandatés par leurs clients, d'acquérir au nom de ceux-ci des véhicules dans les pays de la communauté européenne à l'exclusion de toute activité équivalente à la revente, qu'il est interdit notamment de créer dans l'esprit du public une confusion en donnant l'impression d'être un revendeur.

Ils soutiennent que le simple fait d'indiquer les mots " mandataires CEE règlement 123-85 " est insuffisant dans la publicité dans la mesure où elle ne comporte pas une mise en garde appropriée pour indiquer sans équivoque que le mandataire n'est pas un revendeur, mais qu'il agit comme intermédiaire prestataire de service.

Ils soulignent en outre que la preuve est rapportée que le mandataire a exposé des véhicules sans indiquer qu'ils venaient d'être livrés au client donc en les offrant à la vente comme un revendeur.

Ils indiquent que la publicité mensongère constituant une concurrence déloyale de la société Espace Diffusion leur a causé un préjudice pour lequel ils demandent d'ores et déjà une provision.

Sur quoi :

Attendu que le règlement de la communauté européenne numéro 123-85 prévoit une possibilité pour des mandataires d'acheter dans toute la communauté européenne des véhicules pour le compte d'un mandant ;

Attendu qu'il est prévu que ce mandataire doit avoir été mandaté par écrit et préalablement par le client pour exercer cette prestation d'activité ;

Attendu qu'il est indiqué que le mandataire doit faire sa publicité sans rendre possible dans l'esprit des acheteurs potentiels une confusion avec un revendeur, que sa publicité doit comporter une mise en garde appropriée pour indiquer sans équivoque que son activité n'est pas celle de revendeur mais qu'il agit comme intermédiaire prestataire de service ; qu'il peut exposer publiquement des voitures que ses clients ont acheté par ses services ou un modèle de type particulier qu'il peut leur procurer mais à condition qu'il fasse expressément et visiblement ressortir qu'il agit comme intermédiaire prestataire de service et non comme revendeur et que de tels modèles types ne sont pas à vendre ;

Attendu qu'à cet égard les intimées ont fait procéder à un procès-verbal de constat le 16 mars et le 20 mars 1993 desquels il résulte que le 16 mars 1993 à Tarascon deux voitures neuves étaient exposées dans un lieu public portant les panneaux Espace Diffusion Discount Automobile avec les mots jusqu'à 20 % suivant marque et modèle, livraison rapide, garantie de financement, ces deux véhicules étant des véhicules d'occasion provenant de Belgique et ayant moins de trois mois ;

Attendu que le second constat effectué à Arles présentait la publicité pour un véhicule Peugeot 106 en indiquant que ce véhicule de faible kilométrage 6 500 km appartenait à la société Espace Diffusion et qu'il était indiqué sur des panneaux publicitaires plein phares, prix imbattables, meilleure offre du mois et la garantie, et que sur un autre panneau il pouvait être lu Peugeot, Japonaises, Citroën, Prestige année 1993 moins 20 % ;

Attendu qu'au regard de ces deux constats la publicité apposée sur le véhicules n'était pas conforme au règlement communautaire; qu'elle ne mentionnait pas l'activité de mandataire etque pour deux au moins des voitures, ces dernières étaient proposées à la vente;

Attendu que par des motifs pertinents que la Cour adopte, l'ordonnance de référé a donc stigmatisé l'exposition à la vente de véhicules en infraction avec le règlement communautaire;

Attendu en ce qui concerne la publicité parue dans la presse que les intimées produisent une publicité parue dans l'hebdomadaire " Plus Hebdo Avignon " du 22 février 1993 laquelle indique R19 RLD moins 18 %, RTFT moins 15 %, cabriolet moins 16 % zéro kilomètre, modèle 93 téléphone 42 81 80 90 AAR ce numéro correspond à la société Espace Diffusion, que dans la même page du même magazine figure une autre publicité Renault 9 zéro kilomètre, modèle 93 jusqu'à moins 16 % remise, finition export téléphone 90 83 22 83 règle CEE 123-65 ED, qu'ainsi une autre publicité dans le même hebdomadaire du même jour indique Citroën ZX 9 finition export téléphone 90 83 22 83 règlement CEE 123-85 ED ;

Attendu que ces deux publicités ne mentionnent absolument pas le caractère de mandataire pour le compte de client maisqu'elle se présente dans la catégorie de la vente automobile de l'hebdomadaire comme une vente effectuée par un revendeur ou par un particulier;

Attendu qu'il est produit des publicités parues dans " Vaucluse Matin " le 7 décembre 1992 indiquant les mots Espace Diffusion téléphone 90 83 22 83, votre voiture neuve moins chère jusqu'à moins 20 %, garantie constructeur, crédit possible, ZAC La Marquette, route de Carpentras Sorgues 84700, alors que de façon très peu apparente figurent les simples mots règlement CEE 123-85 ;

Attendu qu'il en est de même lors d'une autre publicité où figure simplement dans le coin de l'encart publicitaire règlement CEE 123-85 ;

Attendu qu'il est ainsi démontré comme l'a relevé le juge des référés commerciaux que la publicité parue dans la presse induit en erreur, par son caractère laconique et son inclusion dans les annonces de vente, le public sur la nature des prestations offertes par la société Espace Diffusion qui est nullement une activité de vente mais une activité de mandataire prestataire de service, laquelle n'est nullement mentionnée sinon de façon extrêmement allusive;

Attendu qu'il convient donc de constater que cette publicité de nature à induire en erreur les consommateurs constitue un élément de concurrence déloyale vis-à-vis des concessionnaires des constructeurs automobiles en sorte que l'ordonnance déférée doit être confirmée dans toutes ses dispositions;

Attendu en ce qui concerne l'appel incident des intimées relatif à leur demande de provision en dommages et intérêts, qu'il est impossible à la Cour comme au juge des référés de déterminer quel est le quantum des préjudices qui ont pu être subis par les intimées ; qu'il convient donc de les renvoyer à mieux se pourvoir devant le juge du fond sur ce point ;

Attendu en ce qui concerne les frais non compris dans les dépens que les intimées ont été obligées de faire valoir leurs droits en cause d'appel, qu'il convient donc de confirmer la décision sur ce point telle qu'elle a été prise en première instance et y ajoutant, de condamner la SARL Espace Diffusion à payer aux intimées une somme de 5 000 F au titre des frais exposés en cause d'appel ;

Attendu que la société Espace Diffusion succombe ; qu'elle devra supporter les entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Guizard, avoué, si cette dernière en a fait l'avance ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort, Reçoit la société Espace Diffusion en son appel ; Au fond la déclare mal fondée et l'en déboute ; Confirme l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions ; Y ajoutant, condamne la société Espace Diffusion à payer la somme de 5 000 F aux intimées au titre de leur indemnisation des frais non compris dans les dépens ; Condamne la SARL Espace Diffusion aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Guizard, avoués, si cette dernière en a fait l'avance.