Cass. com., 7 juin 1994, n° 91-17.920
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
CLC Mege (Sté)
Défendeur :
Société Nouvelle Clade (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
Mes Guinard, Brouchot.
LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Nîmes, 2 mai 1991), que MM. Arnaud et Layre, associés constituant la société Nouvelle Clade, qui commercialise des produits sous la marque Clade, après avoir décidé de se séparer, ont conclu un accord aux termes duquel M. Layre a cédé ses parts à M. Arnaud et à la société Clade, a constitué une nouvelle société, dénommée CLC Mege, qui a acheté du matériel et un stock de marchandises à l'autre société, a repris du personnel commercial, a été autorisée à utiliser des documents commerciaux similaires à ceux de la société Clade et a reçu la concession exclusive de la marque pour une durée de dix ans dans les départements du Gard, de l'Hérault, de la Lozère, de l'Aveyron, d'une partie du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône avec interdiction pour le concédant d'y commercialiser directement ou indirectement des produits de la marque ; que la société Nouvelle Clade a assigné la société CLC Mege pour concurrence déloyale et résiliation du contrat de concession exclusive pour manquement aux clauses dudit contrat ;
Sur les deux moyens réunis, le premier moyen pris en ses trois branches : - Attendu que la société CLC Mege fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation du contrat de concession exclusive de la marque à ses torts et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se bornant à énoncer que ces faits démontraient une exécution de mauvaise foi du contrat de concession, de nature à justifier sa résiliation aux torts de la société CLC Mege, sans préciser quelles dispositions dudit contrat la société CLC Mege aurait violé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en prononçant la résiliation du contrat de concession exclusive aux torts de la société CLC Mege, motif pris que celle-ci avait profité de son monopole de distribution des produits Clade pour tenter d'éliminer cette marque au profit de la sienne, en cessant pratiquement de se fournir auprès d'elle à partir des mois de mai et juin 1988, après avoir relevé que la société CLC Mege n'était nullement tenue par le contrat de concession de livrer un certain quota de produits Clade à sa clientèle, et donc d'acquérir de la société Nouvelle Clade une quantité minimale de marchandises, ce dont il résultait qu'une telle abstention de la part du concessionnaire ne pouvait constituer un manquement à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ; alors, en outre, qu'en prononçant la résiliation du contrat de concession exclusive aux torts de la société CLC Mege, motif pris que celle-ci avait créé une confusion entre son entreprise et celle de la société Nouvelle Clade en vue de détourner la clientèle de cette dernière, après avoir relevé que la société Nouvelle Clade avait consenti à la société CLC Mege un contrat de concession exclusive pour la distribution de ses produits et qu'elle s'était interdit de vendre elle-même lesdits produits, ce dont il résultait que la société Nouvelle Clade ne pouvait avoir de clientèle propre que la société CLC Mege aurait pu détourner en contrevenant à la loi des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, en violation des articles 1134 et 1184 du Code civil ; alors, enfin, que l'action en concurrence déloyale, qui trouve son fondement dans les articles 1382 et suivants du Code civil, ne peut être retenue pour des manquements dans l'exécution d'un contrat ; qu'en condamnant la société CLC Mege à payer à la société Nouvelle Clade des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, en se fondant sur des faits qu'elle avait qualifiés de manquements dans l'exécution du contrat de concession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que l'arrêt relève, d'un côté, que des déclarations inexactes avaient été faites, à la demande de la société CLC Mege, par ses salariés à sa clientèle pour faire croire que les deux sociétés n'en faisaient qu'une, et, d'un autre côté, que la société CLC Mege avait cessé de s'approvisionner auprès de la société Nouvelle Clade, tandis que, dans le même temps, des commandes de produits provenant de la société CLC Mege étaient faites à la place de produits provenant de la société Nouvelle Clade à l'insu des représentants ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société CLC Mege avait volontairement créé une confusion dans l'esprit de la clientèle sur la provenance des produits qu'elle commercialisait par des manœuvres dolosives et par une exécution du contrat de concession exclusive de la marque contraire à son objet, ce dont il résultait qu'elle avait ainsi utilisé la clause d'exclusivité stipulée à son profit pour chercher à détourner la clientèle d'un société concurrente; qu'ainsi, la cour d'appel a caractérisé, d'un côté, une faute de concurrence déloyale et, d'un autre côté, une faute dans l'exécution du contrat de concession exclusive de la marque, et a pu prononcer la résiliation du contrat aux torts du concessionnaire et condamner ce dernier au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de ses actes de concurrence déloyale; d'où il suit que les deux moyens, le premier pris en ses trois branches, ne sont pas fondés ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.